Samedi 14 décembre 2024

Société

Rumonge: Lamentations des déplacés

12/05/2022 2
Rumonge: Lamentations des déplacés
Ces déplacées disent être fatiguées de vivre dans le site CEMINA.

La faim, les maladies, la vie en promiscuité… Voilà le quotidien des déplacés, suite à la montée des eaux du lac Tanganyika, rassemblés à l’ancien centre d’enseignement des métiers CEMINA, dans la ville de Rumonge. Ils demandent la délocalisation.

Sur la route pavée menant vers le port de Rumonge, beaucoup d’enfants jouent. A chaque passant, un attroupement se forme autour de lui. « Donnez-nous 100 BIF, je vais acheter un beignet. J’ai faim », lancent en chœur ces enfants. Ils viennent des familles victimes de la montée des eaux du lac Tanganyika.

Au total, Consolateur Nitunga, gouverneur de Rumonge, fait état de 1801 ménages affectés par cette catastrophe. 44 ménages viennent de passer plus d’une année au site CEMINA. A l’intérieur du site, ils sont exposés au froid, aux vents et la toux est fréquente chez les enfants. Tous dorment dans un hangar ouvert.

« Ici, la vie est très compliquée. Nous menons une vie malheureuse. Nous avons faim, nous souffrons. Quand la pluie tombe, tout cet espace est inondé. On se retrouve les pieds dans l’eau », raconte une maman rencontrée dans ce site. D’une voix douloureuse, cette mère de quatre enfants indique qu’ils viennent de passer plus de huit mois sans recevoir aucune aide alimentaire. « Qu’on nous donne de quoi manger. Sinon, très bientôt, on va venir récupérer des morts, suite à la faim », alerte-t-elle. Elle ajoute que, dans ce site, des maladies comme le paludisme sont très fréquentes : « Regardez les conditions dans lesquelles on dort. On se contente de ces moustiquaires délabrées. Or, les moustiques grouillent ici. Et quand nos enfants tombent malades, on n’a pas d’argent pour les faire soigner.» Pour elle, la meilleure solution serait de les délocaliser pour les installer ailleurs. Elle souligne qu’il est, pour l’heure, impossible de retourner dans leur zone d’origine : « Jusqu’aujourd’hui, la partie est inondée. Et beaucoup de nos maisons se sont, par la suite, effondrées.»

Le désœuvrement

Dans ce site, les femmes et les hommes sont, pour la plupart, désœuvrés. « D’habitude, on vivait de l’agriculture et de petits commerces. Désormais, nous n’avons plus de capital parce que tout a été inondé. C’est vraiment très difficile », raconte Emile Ndiho, un homme rencontré sur place. Il confie avoir beaucoup de difficultés pour subvenir aux besoins de ses enfants. « Même la pêche est aujourd’hui à l’arrêt, en partie à cause de la montée des eaux du lac et suite au manque de carburant. Cette activité nous permettait de nous débrouiller pour survivre», s’alarme-t-il. Ce père de famille estime qu’il est très urgent qu’ils soient installés ailleurs.

Une situation qui menace aussi la vie des couples. « Que voulez-vous que je vous dise ? Je viens de passer plus d’une année, sans dormir avec mon mari », confie Rehema Iranezereje, une déplacée installée au CEMINA.

Elle indique que les hommes dorment à part, et les femmes et les enfants passent la nuit ensemble. « Pas d’arrangement possible pour se voir parce qu’il y a trop d’enfants dans ce site. On est soucieux de leur éducation».

Avec la pauvreté, elle souligne qu’il est impossible d’avoir dix mille BIF pour louer une chambrette dans un hôtel. Quand on parvient à avoir cet argent, fait-elle remarquer, on pense d’abord à chercher de quoi mettre sous la dent.

Une préoccupation administrative

Interrogé, Consolateur Nitunga, gouverneur de Rumonge, signale que, depuis 2020, sa province a connu beaucoup de problèmes liés à la montée des eaux du lac Tanganyika : « 1801 ménages ont été touchés. Mais seuls 44 ménages sont regroupés au CEMINA. » Il fait savoir que d’autres ont été reçus par des familles amies : « Nous remercions vraiment ces familles qui ont accueilli les autres ménages. C’est un bon signe de solidarité. Ils sont plus de 1750 ménages hébergés par des amis. »
Sur les lamentations des déplacés du site CEMINA, il affirme qu’ils sont suivis régulièrement. Il indique, en outre, qu’avec la Croix-Rouge et d’autres partenaires, ces déplacés ont reçu des aides d’urgence, comme des couvertures, la nourriture, etc. « Nous y avons même mené des séances de sensibilisation pour qu’ils puissent utiliser les moustiquaires afin de se protéger contre la malaria».

En ce qui est de leur délocalisation, M.Nitunga signale qu’ils ont adressé une correspondance au ministère ayant l’environnement dans ses attributions pour demander un terrain de 5 hectares, à Mutambara. « Une fois l’autorisation accordée, ces gens vont y être installés. Le budget et d’autres moyens matériels sont déjà disponibles. Les bailleurs nous ont confirmé cela », a-t-il conclu.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Mbabarira

    « En ce qui est de leur délocalisation, M.Nitunga signale qu’ils ont adressé une correspondance au ministère ayant l’environnement dans ses attributions pour demander un terrain de 5 hectares, à Mutambara. « Une fois l’autorisation accordée, ces gens vont y être installés. Le budget et d’autres moyens matériels sont déjà disponibles. Les bailleurs nous ont confirmé cela » »
    Monsieur le gouverneur, prenez votre véhicule, vous êtes prioritaire pour le carburant, allez voir le ministre ayant l’environnement dans ses attributions pour ce site et délivrer ces gens.
    Actions concrètes svp.

  2. Stan Siyomana

    Qui croire entre cette dame (« D’une voix douloureuse, cette mère de quatre enfants indique qu’ils viennent de passer plus de huit mois sans recevoir aucune aide alimentaire…. ») et le gouverneur de Rumonge (« Sur les lamentations des déplacés du site CEMINA, il affirme qu’ils sont suivis régulièrement. Il indique, en outre, qu’avec la Croix-Rouge et d’autres partenaires, ces déplacés ont reçu des aides d’urgence, comme des couvertures, la nourriture, etc. « Nous y avons même mené des séances de sensibilisation pour qu’ils puissent utiliser les moustiquaires afin de se protéger contre la malaria».)

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