Manque de matériel approprié, bas salaire, manque de moyens de déplacement, … les pisteurs des chimpanzés font face à plusieurs défis. Leurs journées sont très laborieuses. Ils demandent à l’Etat de leur venir au secours.
Cette réserve forestière qui se trouve au sud du pays abrite des chimpanzés. Nous sommes dans la province de Burunga. L’aire protégée de plus de 3 000 hectares comprend deux parties: une constitue d’arbres sauvages et une autre qui comprend des arbres dénommés pinus plantés à l’époque du président Jean-Baptiste Bagaza. Pour sa préservation, on y trouve des éco-gardes et pisteurs. Ces derniers sont chargés de suivre au quotidien les chimpanzés. « L’objectif est de les habituer à la présence humaine. Ce qui fait que face aux touristes, ces animaux n’ont pas peur ni ne se cachent », dévoile Désiré Nduwimana, pisteur, il y a déjà 10 ans.
« Un travail exigeant et fatiguant », décrit ce natif de la zone Munini, commune Bururi, la quarantaine. Il confie que leur journée commence toujours très tôt. « Nous ne réveillons à 5 h du matin. Puis, pour ceux qui le peuvent, nous prenons du petit déjeuner chez nous pour avoir un peu de force. Et on prend la route vers le lieu de rassemblement. »
A 6 h du matin, ils doivent être dans la réserve après avoir fait plusieurs kilomètres à pied. Il signale qu’il fut un moment où les pisteurs dormaient ensemble. Il avoue que le travail était facile. « On se réveillait en même temps. Mais, actuellement, le rassemblement matinal est vraiment très difficile. Car, chacun vient de son coin. »
Un terrain exigeant, un matériel inapproprié et insuffisant
Pour retrouver les chimpanzés, M.Nduwimana indique qu’on peut faire 8 km voire 10 km à travers la réserve. Le travail suit un certain planning. « Chaque soir, nous rentrons après avoir localisé là où ces chimpanzés construisent leurs nids et vont passer la nuit. Le lendemain, nous nous arrangeons à ce qu’on arrive là avant qu’ils ne se réveillent. » Ce qui n’est pas malheureusement le cas tous les jours. « Il arrive qu’on arrive en retard et qu’on ne les retrouve pas sur place. » Ils suivent alors leurs traces. Ils essayent de les repérer en écoutant leurs cris.
Une tâche difficile, décrit notre source, surtout que cette réserve est très dense avec des arbres, des herbes épineuses, des pentes, des vallées profondes et des sommets abrupts.
Pire encore, ces pisteurs n’ont que de vieilles machettes, des bâtons en bois comme matériel de sécurité. « Nous n’avons pas de bottines. Nos chaussures sont usées. Nos tenues sont délabrées et déchirées. Nous n’avons pas d’imperméables. En cas de pluie, c’est le calvaire. On est sérieusement arrosé. Nous vivons comme le Ndagala dans la rivière. C’’est vraiment compliqué. » Et ce sont eux qui se débrouillent pour avoir ces machettes et ces chaussures.
Il déplore la destruction par la pluie des documents, des carnets ou les papiers sur lesquels ils prennent notes. Selon leurs témoignages, ils passent toute la journée ventre creux. « On arrive ici à 6 h et on rentre à 18 h. Nous n’avons pas ni de la nourriture ni de l’eau à boire. Nous n’avons pas d’argent pour nous en procurer », souligne Dieudonné Niyonkuru, un autre pisteur, il y a déjà neuf ans.
Ce natif de Vyanda, la trentaine, indique que leur santé est aussi exposée. « Dans la réserve, il y a des serpents, des épines, etc. En cas de morsure ou de blessure, nous n’avons aucun kit de premier secours. Tu te fais soigner ou tu rentres chez toi et attendre l’intervention divine. » Il signale que dans d’autres parcs ou réserves des autres pays de la sous-région, chaque pisteur ou éco-garde a un kit de premier secours. « Si par exemple il est mordu par un serpent, on lui fait directement une injection ou ils ont les pierres noires pour ralentir la propagation du venin. Mais, ici, nous n’avons rien. »
Désiré Nduwimana ajoute que ces pisteurs n’ont même pas d’indemnités de risque alors qu’ils travaillent sur un terrain plein d’embuches. « Quand tu trébuches ou tu tombes et que tu es blessé, tu te débrouilles pour te faire soigner. » Selon lui, les pisteurs ne sont pas aussi suffisants à voir l’étendue de la réserve à surveiller.
« S’inspirer des exemples d’ailleurs »
Jérôme Nishishikare, conservateur responsable de cette aire protégée au nom de l’Office burundais pour la protection de l’Environnement (OBPE) reconnaît ces dures conditions de travail. Il signale d’abord que leur effectif n’est pas suffisant.
D’après lui, il faut qu’on s’inspire des exemples d’ailleurs. Sous d’autres cieux, les pisteurs ou les éco-gardes vivent et passent la nuit dans la forêt. « Pour ce faire, il faut des moyens financiers. Ils doivent avoir de quoi manger, de quoi boire dans ces lieux mêmes. Ainsi, l’intervention est rapide. La surveillance se fait plusieurs heures de la journée, la nuit et même la matinée. Ils maximisent les chances d’arrêter les gens qui vont perturber la biodiversité des aires protégées. »
Or, au Burundi, il signale que les éco-gardes ou pisteurs travaillent de 6 h à 15 h ou 16 h 30 et ils rentrent chez eux.
Ainsi, les délinquants, les braconniers, … profitent de leur absence pour s’introduire dans les aires protégées et les détruire. « Nous essayons de développer des stratégies pour faire le travail mais ça ne suffit pas. Le plus efficace serait que les éco-gardes et les pisteurs chargés de la surveillance vivent sur les lieux de travail pour faciliter les interventions. »
Ils tendent la main à l’Etat

« Pour que notre travail soit productif, nous demandons d’abord qu’on nous aide à avoir de quoi manger avant notre départ de la maison, le déjeuner et l’eau à boire. Cela nous donnerait de la force pour pouvoir continuer notre travail jusqu’à 18 h étant encore valides », plaide M.Nduwimana.
Il demande qu’on leur installe un site de campement dans la réserve. « Cela nous faciliterait la tâche pour suivre ces chimpanzés. Ce n’est pas facile d’aller chercher à pied un chimpanzé qui se trouve à 12 km. Il arrive même que tu te réveilles malade alors que tu n’as même pas du paracétamol. Vous comprenez que c’est vraiment difficile. »
Pour ces pisteurs, des formations en secourisme ainsi que le traçage d’autres pistes pour les touristes sont aussi nécessaires. « Il nous arrive de faire beaucoup de kilomètres pour contourner afin de retrouver ces chimpanzés. Mais s’il y avait des pistes, cela diminuerait le trajet », confie M. Niyonkuru, un autre pisteur. Pour assurer leur sécurité, ils vont en équipe de trois ou quatre. Mais, il souligne qu’ils ont besoin du matériel et des équipements pour pouvoir se défendre face aux braconniers ou à d’autres malfaiteurs armés.
Pour lui, chaque pisteur ou éco-garde a besoin d’au moins trois tenues, deux paires de bottines, deux imperméables, etc. « Une formation militaire nous serait aussi utile. Nous faisons un travail louable. Et l’Etat devait y mettre des moyens. D’ailleurs, la promotion du domaine touristique figure parmi les priorités de la Vision Burundi 2040-2060. C’est un domaine qui peut faire entrer beaucoup de devises dans le pays. »
Selon lui, pour y arriver, il faut alors aider les pisteurs et les éco-gardes à travailler dans de bonnes conditions. « Sinon, le pays va perdre des pisteurs et les chimpanzés. »
Qu’en est-il du salaire? « C’est même honteux de le dire à haute voix. Les gens se moqueraient de nous. Mais, nous demandons qu’il soit revu à la hausse. »







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