Jeudi 25 avril 2024

Environnement

Réserve forestière de Kigwena, un joyau à l’abandon

28/04/2022 5
Réserve forestière de Kigwena, un joyau à l’abandon
Pancarte indiquant la réserve forestière de Vyanda.

Insuffisance du personnel de protection, assaut des riverains… la réserve forestière de Kigwena, à Rumonge, souffre. Seulement deux éco-gardes mal équipés veillent sur plus de 500 hectares. Et ses multiples richesses végétales et animales en font les frais. Reportage.

« Les entrées en provenance du tourisme sont très minimes ici à Kigwena. Les touristes sont presqu’inexistants. Par exemple, depuis le début de cette année, nous n’avons accueilli aucun touriste. Globalement, par an, on peut recevoir trois touristes », déplore Célestin Mbazumutima, responsable des éco-gardes de la réserve forestière de Kigwena.

Dans cette aire protégée, il souligne que les pistes ne sont pas bien aménagées, pas de maisons d’accueil pour les touristes, pas de ponts sur les rivières traversant ce patrimoine vers le lac, etc.

Néanmoins, cette réserve est un vrai bijou. Elle se trouve en zone Kigwena, commune et province Rumonge, à plus ou moins 90 km de Bujumbura. Elle s’étend sur 565 hectares et est limitée à l’ouest par le lac Tanganyika. Une forêt péri-guinéenne classée parmi les zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO) du Burundi, selon M.Mbazumutima. « Une de ses deux parties renferme des hauts arbres plantés à l’époque belge en 1958 tandis que l’autre partie qui accède au lac est peuplée d’arbres sauvages. On y trouve beaucoup des lianes. Et ces lianes montent beaucoup en hauteur et font que la partie basse de cette réserve soit très froide. Et l’humidité fait qu’il n’y ait pas de feux de brousse. C’est l’autoprotection », décrit-t-il. Il indique qu’il s’agit d’une forêt ombrophile : « Les rayons solaires n’atteignent pas le sol. Il y a des arbres fruitiers consommés durant la saison sèche par les animaux et par les riverains. » Cet éco-garde indique que la réserve forestière de Kigwena compte beaucoup de plantes médicinales.

Une faune variée

Quelques richesses animales de la réserve forestière de Kigwena.

En ce qui est de la faune, François Manirambona, de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE) dans cette province, fait état de différentes espèces animales : des primates, des crocodiles et hippopotames dans sa partie accédant au lac Tanganyika, des espèces d’oiseaux dont le vautour palmiste, des serpents, etc.

Le gouverneur de Rumonge, Consolateur Nitunga, souligne que cette réserve abritait des chimpanzés dans les années 90 : « Dans les années 1995, des chimpanzés de Kigwena ont été embarqués à bord des gros camions et amenés au Kenya. Je ne connais pas le chiffre exact mais ils étaient nombreux. Aujourd’hui, on se demande combien sont-ils après 20 ans ? Sans doute qu’ils ont généré beaucoup d’argent. »
Pour redynamiser le tourisme dans cette réserve, M. Nitunga demande que ces animaux soient rapatriés : « Nous demandons aux instances concernées de prendre la question en main pour s’informer sur la situation actuelle de ces chimpanzés et exiger leur rapatriement ainsi qu’une partie des revenus qu’ils ont déjà générés. » Pour lui, c’est une richesse pour Rumonge et le Burundi.

Des menaces persistantes

Célestin Mbazumutima : « Nous demandons qu’on nous arme de fusils afin de faire face efficacement aux braconniers ou tous ceux qui s’y introduisent.»

Malgré ses richesses et son importance, la réserve forestière de Kigwena est presque délaissée. Selon Célestin Mbazumutima, seulement deux éco-gardes, mal équipés, veillent sur les 565 hectares. « Dans ces conditions, nous ne pouvons pas contrôler tous les coins. Or, cette réserve est entourée par différents villages de rapatriés ou des déplacés des inondations ou éboulements des montagnes. Pour avoir du bois de chauffage, ils s’introduisent dans la forêt». Pire, les deux gardiens ne sont armés que de bâtons. Et là, face à un grand nombre de gens armés de machettes, ces éco-gardes n’ont qu’à se replier. D’après lui, cette aire protégée subit régulièrement les assauts des populations riveraines qui recherchent les ressources naturelles, détruisent les habitats des animaux. « Par conséquent, faute de nourriture suffisante, les animaux sont obligés de sortir et endommagent les récoltes des populations, arrachent les cultures, mangent le maïs encore sur pied, ce qui crée des conflits».

Quant au gouverneur de Rumonge, Consolateur Nitunga, il évoque le cas des rapatriés qui veulent s’accaparer d’une partie de cette réserve : « Ils avancent que c’était une propriété de leurs parents avant de fuir le pays en 1972. Ce qui n’est pas vrai. Parce que cette réserve est régie par une loi qui date d’avant 1972. »

Des actions à mener pour sauver ce patrimoine

« Nous demandons que le ministère en charge de l’Environnement procède à l’aménagement des pistes pour les touristes. Il faut y mettre des moyens. Une fois nos demandes acceptées, cette réserve peut générer beaucoup d’argent », lance le gouverneur de Rumonge. Il juge urgent d’y mettre un personnel suffisant pour la protection effective de ce patrimoine.

M.Nitunga fait savoir que des actions sont menées pour la sensibilisation des populations environnantes : « Nous leur montrons l’importance dans leur vie quotidienne de cette réserve comme source de pluie et de recettes pour la province une fois protégée. »

Cependant, François Manirambona, de l’OBPE, accuse les administratifs de ne pas s’impliquer effectivement dans sa protection : « Quand nous organisons des travaux d’aménagements des pistes ou des limites de la réserve, les administratifs ne mobilisent pas la population. Ils nous disent que l’OBPE a des moyens pour le faire. »

Les éco-gardes demandent au gouvernement de leur venir en aide pour bien accomplir leur tâche. « C’est l’Etat qui doit nous appuyer. Il faut qu’on nous donne les moyens de travailler. Nous avons besoin surtout de matériel. C’est suicidaire de contrôler cette réserve les mains vides. Nous demandons qu’on nous arme de fusils afin de faire face efficacement aux braconniers ou tous ceux qui s’y introduisent », plaide Célestin Mbazumutima. Il demande aussi des habits, des bottines, des imperméables et un salaire conséquent pour leur travail.

Outre la réserve forestière de Kigwena, Rumonge compte d’autres aires protégées telles Vyanda, Rumonge, Nkayamba et Monge.

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. arsène

    «Nous demandons qu’on nous arme de fusils afin de faire face efficacement aux braconniers ou tous ceux qui s’y introduisent »

    Drôle de demande: des fusils pour faire face efficacement aux braconniers ou ceux qui s’introduisent dans la réserve. Il souhaite leur tirer dessus? C’est incroyable.

    • Gacece

      @arsène
      Voici une autre aberration : j’ai rarement vu un agent « de la paix » ou un agent de « sécurité » qui ne portent pas d’arme! C’est une parfaite démonstration de l’adage : Qui veut la paix prépare la guerre.

    • Yan

      @arsène
      « Il souhaite leur tirer dessus? C’est incroyable. »

      J’imagine qu’il veut parler de fusils de dissuasion, si non ce monsieur ne donnerait pas beaucoup de valeur aux peaux des braconniers.

    • Thierry Kwizera

      Il demande des fusils pour au moins les intimider.

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