Dans les plaines fertiles de l’Imbo, l’inquiétude grandit. Des centaines d’agriculteurs, pourtant déjà en ordre dans le paiement des engrais chimiques, attendent toujours la livraison de l’urée. Riziculteurs et maraîchers redoutent des pertes massives qui risquent de les enfoncer davantage dans l’endettement.
« Comment vais-je rembourser la banque ? », s’interroge, avec une voix tremblante, les yeux rivés sur son champ de riz qui jaunit avant le terme, un cultivateur de la colline Kagazi en commune Cibitoke. De nombreux agriculteurs de l’Imbo, dans la province de Bujumbura, s’impatientent comme lui. Ils avaient payé depuis plusieurs semaines l’urée indispensable à leurs cultures mais, la livraison se fait toujours attendre.
Certains avaient même contracté des prêts bancaires pour espérer améliorer leurs récoltes. « J’ai emprunté de l’argent en misant sur une bonne production. Sans engrais, le rendement sera catastrophique », soupire un riziculteur rencontré au chef-lieu de la zone Rugombo. Plus loin, dans un champ d’oignons, un autre paysan affirme craindre de devoir fuir à cause des dettes qu’il ne pourra pas honorer.
La frustration n’épargne pas non plus les intermédiaires. Plusieurs commerçants, qui avaient avancé des fonds pour l’acquisition d’intrants agricoles, se disent aussi ruinés. « Quand l’urée arrive enfin, on nous livre parfois un seul sac alors qu’on en avait commandé plusieurs », accuse amèrement l’un d’entre eux.
Pour des observateurs du secteur agricole, le problème est plus profond. « Il est incompréhensible que des cultivateurs paient à l’avance et qu’ils attendent des mois sans recevoir les intrants », s’indigne un spécialiste environnementaliste. Il trouve que l’organisation de la distribution devrait être repensée pour éviter de sacrifier des familles entières sur l’autel des lenteurs administratives.
Les autorités tranquillisent
Face à la colère qui monte, un responsable en charge de la distribution des engrais dans les communes Cibitoke, Mugina et Bukinanyana reconnaît les retards ainsi que les dettes accumulées lors des saisons précédentes tout en demandant de la patience de la part des bénéficiaires. « L’urée est importée et son acheminement reste compliqué. Nous demandons aux paysans d’attendre. Les quantités dues seront livrées dès que possible ».
Entretemps, dans les rizières et les champs d’oignons de l’Imbo, l’angoisse s’installe. Les cultivateurs, déjà écrasés par les dettes, se sentent abandonnés. Leur survie dépend d’une livraison d’engrais qui n’arrive toujours pas.