A l’approche du Nouvel An, la capitale politique du Burundi est le théâtre d’une crise qui ne dit pas son nom. Devant les banques commerciales et les coopératives, des files d’attente kilométriques figent le paysage urbain dès l’aube. Entre pannes de réseau suspectes, guichets clos, les clients dénoncent un sabotage organisé. Les clients ne savent pas quoi faire pour avoir leur propre argent au moment où ils en ont le plus besoin.
Il est à peine 7h du matin. Gitega s’éveille sous une brume légère mais le silence matinale est déjà rompu par le brouhaha devant les grilles métalliques d’une grande banque de la place. Ils sont des dizaines, assis sur des briques de fortune ou adossés contre les murs froids, les yeux rougis par le manque de sommeil. Le prénommé Jean-Claude, un fonctionnaire, vient de passer des jours à attendre pour retirer son argent. « C’est mon troisième jour de pèlerinage », confie-t-il, la voix nouée par l’épuisement. « Le premier jour, on m’a dit que le système était planté à 14h. Le deuxième, je suis arrivé en retard et les fils d’attente s’étiraient jusqu’à l’extérieur. Aujourd’hui, je joue ma dernière carte pour le réveillon. Si je rentre les mains vides, il n’y aura pas de fête chez moi »
Devant ces institutions financières, le décor est planté. Au fur et à mesure que les heures passent, la tension monte d’un cran. A l’ouverture des portes, l’espoir s’évapore rapidement. Sur les six guichets prévus pour accueillir le public dans cette institution réputée, seuls quatre sont opérationnels. Les autres restent vides malgré la foule qui s’agglutine contre les vitres de protection. Pour les employés, l’explication est limpide: les banques traînent les pieds. L’argument d’une connexion internet défaillante avancé par les guichetiers de la majorité des banques de Gitega ne convainc plus personne.
La prénommée Marie, une enseignante venue de la périphérie ne décolère pas. Elle a besoin de ses économies pour acheter des vêtements à ses quatre enfants et de quoi garnir la table familiale. Elle pointe du doigt une incohérence qui alimente toutes les suspicions. « Regardez bien », lance-t-elle en désignant un commerçant grossiste qui sort rapidement du bureau de la Direction. « Ceux qui viennent pour des dépôts importants ou pour des opérations avantageuses pour la banque ne semblent jamais souffrir de la connexion. Le réseau est-il sélectif ? Tombe-t-il en panne uniquement lorsqu’il s’agit de décaisser nos maigres ressources ? C’est une stratégie pour garder notre argent dans leurs coffres le plus longtemps possible car ils craignent la rupture de stock. », pense-t-elle.
Une amère habitude
Ce sentiment d’être pris en otage est partagé par beaucoup. Il est devenu une habitude amère qu’à chaque période de paie des fonctionnaires ou à l’approche des grands rassemblements festifs, les banques de Gitega ralentissent le service. Dans une autre banque, le prénommé Raphaël, un homme d’un âge avancé au dos voûté, soupire en regardant sa montre. Il est 10 h et la file n’a avancé que de trois mètres. « Les banques nous font la cour pour que nous versions nos salaires chez ells. Mais, au moment de nous les rendre, elles nous méprisent. » Pour lui, dans une période d’affluence prévisible, n’importe quelle entreprise de services augmenterait ses effectifs.
En fin de journée, une cinquantaine de chanceux seulement ont pu être servis après dix heures d’attente debout. Pour les autres, c’est le retour à la maison, les poches vides et le cœur lourd. Chez les banquiers, le silence est total. Chacun prétexte un manque de temps pour quitter d’un œil l’écran de son ordinateur de travail.






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