Lundi 17 novembre 2025

Environnement

Panique à Gikungu-rural et à Kamesa

17/11/2025 0
Panique à Gikungu-rural et à Kamesa
A Kamesa, certaines maisons se sont déjà effondrées, d'autres sont sur point de s'écrouler

Avec la saison pluvieuse, la peur est grandissante chez certains habitants de Gikungu-rural, zone Gihosha, commune Ntahangwa. Il en est de même à Kamesa, zone Musaga, commune Mugere. Ils craignent d’être engloutis par les ravins et crient au secours. « Néanmoins, leur part de responsabilité n’est pas négligeable et l’intervention de l’Etat est plus qu’urgente », analyse un environnementaliste.

Vu de loin, on croirait que tout marche bien à Gikungu-rural. Il a l’apparence des autres quartiers. De belles maisons simples ou en étages y sont construites. Mais, quand on pénètre dans le quartier, on se rend compte que les habitants ne sont pas tranquilles. Le ravin Nyenzari sème la peur. Avec les pluies torrentielles de ces derniers jours, c’est la panique. « Quand la pluie tombe, c’est le calvaire. Déjà, quand je constate qu’il va pleuvoir, j’évacue mes enfants pour leur trouver refuge ailleurs. Il ne faut pas que nous mourrions tous sous les décombres. Je reste ici avec mon épouse en attendant ce qui va se passer. Mon seul secours, c’est la prière », raconte I.K, un homme riverain du ravin Nyenzari.

Une partie de sa maison est déjà détruite. « Voilà, il ne me reste que ces deux chambres. Toute la partie derrière s’est effondrée. Je n’ai pas où aller.»

Terrifié, ce père de quatre enfants trouve que les habitants de cette localité sont des laissés pour compte.
« Nous avons beaucoup crié au secours, maintes fois, mais rien n’est fait pour stabiliser les rives de ce ruisseau. Avant, nous le traversions à pied. » Tout cela s’est passé au vu et au su de l’administration, des autorités, selon les témoignages des habitants. « Je me rappelle que différents ministres sont arrivés ici. Ils avaient promis des travaux de stabilisation. Malheureusement, les promesses n’ont pas été honorées », déplore un autre habitant de la localité, sous anonymat.

Quid des constructions anarchiques ?

Nos deux sources disent que lorsqu’ils ont construit, le lieu ne présentait aucun danger. « Oui, cette partie n’est pas viabilisée. Mais, nous n’avons pas construit pendant la nuit. Quand nous avons acheté ces parcelles, les administratifs nous ont donné leur aval. Ils ont signé sur les documents. Ce sont des représentants du gouvernement. Il revient donc à ce dernier de nous protéger. C’est son devoir », lâche I.K.

A Kamesa, c’est aussi la peur. Des maisons totalement ou partiellement détruites, des tuyaux de la Regideso cassés, des voies de communication coupées, …. Telle est la situation dans certains coins de Kamesa, suite aux ravins qui ne cessent de s’élargir. Nous sommes à plus ou moins deux kilomètres du parking de Musaga, vers Ijenda, en prenant la Route nationale N°7. Avec la saison pluvieuse, les habitants vivent la peur au ventre.

Le prénommé Isidore, un habitant de la localité, affirme qu’une centaine de maisons se sont déjà effondrées, que plusieurs hectares de champs agricoles ont été détruits.

Marie Goreth Ntakarutimana, une mère de deux enfants, est très inquiète. Une grande partie de sa parcelle est déjà envahie par un ravin. Aujourd’hui, cette famille ne vit que dans deux chambres alors qu’elle avait une maison de quatre chambres et un salon de séjour. Elle n’a plus de toilettes. « Quand la pluie tombe, c’est la peur. Le risque d’effondrement de la totalité de notre maison est grand. » Cette femme affirme que lorsqu’ils se sont installés là, le lieu ne présentait aucun danger.

L’administration locale crie au secours. « Nous demandons aux services concernés de se pencher sur ce ravin. Vraiment, il menace beaucoup nos habitations et même les infrastructures publiques », plaide Evrard Ndikumana, chef du quartier Kamesa. Il demande à la population d’arrêter de construire dans des zones à risque avant la viabilisation.

Une responsabilité partagée

Même dans les environs de Kamesa, la situation est alarmante

D’après Innocent Banirwaninzigo, environnementaliste, les populations concernées sont confrontées au non-respect des lois et à un manque criant de culture de prévention des risques. « À Kamesa, l’installation sur une forte pente avec un sol fragile démontre une ignorance délibérée ou forcée des risques d’érosion. » Pour lui, ce phénomène est grandement amplifié par l’absence de drainage organisé.

À Gikungu, poursuit-il, la contribution des habitants aux constructions anarchiques, sans tenir compte de la nature du sol et des contreforts non-protégés a directement engendré un déséquilibre hydrologique et géologique. « En construisant sans permis et sans mesures antiérosives, ils ont aggravé l’instabilité du terrain. » Il rappelle que le Code de l’urbanisme interdit formellement de construire dans des zones à risque au moment où le Code de l’Environnement de 2021 proscrit toute activité portant atteinte grave à l’équilibre des écosystèmes. « De plus, l’absence de drainage et le passage incontrôlé de l’eau, comme observé à Kamesa, constituent une violation flagrante des principes de gestion des eaux fixés par le Code de l’Eau de 2012, qui impose une utilisation rationnelle et un contrôle strict de l’écoulement des eaux de pluie. »

D’après lui, la majorité de ces constructions sont des infractions par rapport aux lois burundaises régissant l’aménagement du territoire.

Selon cet environnementaliste, les administratifs locaux ont aussi une part de responsabilité. « Ils sont les premiers garants de l’application de la loi et du Code de l’Urbanisme sur leur territoire. En permettant la progression des constructions sur des sols nus et de fortes pentes à Kamesa, en tolérant l’édification anarchique à Gikungu, et en ne rapportant pas les extractions sauvages près des petites rivières qui déstabilisent les berges, ils ont directement contribué à l’émergence de la catastrophe. »

D’après M. Banirwaninzigo, leur inertie, qu’elle soit due à la corruption, à l’incompétence ou à la pression sociale, a rendu possible la violation généralisée des différents codes et lois. « Ce qui a transformé les zones à risque potentiel en zones de danger imminent. »

Cela ne dédouane pas non plus l’Etat et ses institutions concernées. « Leur part de responsabilité est principalement d’ordre structurel et stratégique. » D’après lui, l’absence ou la lenteur dans l’élaboration et la mise en œuvre de Plans d’urbanisme directeurs (PUD) opposables, l’insuffisance des ressources allouées aux travaux publics de stabilisation des sols ainsi que le manque de contrôle rigoureux des fonctionnaires de terrain ont créé un vide réglementaire.

Il demande à l’Etat d’agir vite et d’évacuer les populations en danger immédiat ainsi qu’appliquer surtout de manière coercitive les codes existants, y compris la démolition si nécessaire. « Quoiqu’ils aient construit illégalement, l’État reste le seul responsable de la protection de la vie de ses citoyens. Il doit intervenir pour prévenir des pertes humaines. »

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