Mardi 28 octobre 2025

Économie

PAEEJ : Un bilan mitigé

12/09/2025 2
PAEEJ :  Un bilan mitigé
Siège du PAEEJ à Gitega

Le Programme d’autonomisation économique et d’emploi des jeunes (PAEEJ) mis en place pour booster le développement et réduire le chômage des jeunes fait face à plusieurs défis. Beaucoup d’associations ont été financées pour la réalisation de leurs projets mais, l’atteinte des objectifs reste problématique

Ce programme au profit des jeunes est une initiative mise en place en 2021. Il fonctionne conformément au décret présidentiel nº 100/273 du 6 décembre 2021.

Il vise à promouvoir l’insertion socio-économique des jeunes à travers l’entrepreneuriat et l’employabilité afin de lutter contre le chômage et le sous-emploi chez les jeunes et de stimuler la croissance économique.

Certaines associations de jeunes ne semblent pas refléter la mission dont le PAEEJ s’est dotée. Ainsi par exemple, un projet d’élevage de poules de la coopérative Umuco Kirama de la zone Kirama dans la localité de Rumonge a été financé à hauteur de 200 poules. Mais, il n’a duré que 5 mois. Presque toutes les poules sont mortes. « Les poules que PAEEJ nous a données ont commencé à être attaquées par une maladie des yeux. D’autres ont commencé à s’entretuer. Au bout de 5 mois, il n’en reste qu’une vingtaine », raconte un membre de la coopérative.

Une autre coopérative, de la même localité, a été financée à hauteur de 15 millions BIF pour un projet d’une pâtisserie à base de la patate douce depuis 2022. Mais, jusqu’aujourd’hui, aucune pâtisserie de cette coopérative ne se manifeste à Rumonge.

Eliakim Ndikumana, le chef de cette coopérative, explique que les premiers problèmes ont commencé quand ils se sont vu refuser de cultiver les patates douces dans un champ loué. Cela les a poussés à commencer à se ravitailler en matières premières dans les marchés. Il fait savoir que ce qui a couronné le tout jusqu’à la faillite totale la coopérative a été la fermeture de leur siège.

Assumani Nkezimana, coordinateur du PAEEJ à Rumonge, fait savoir que plusieurs projets présentés et financés ne produisent pas d’impact sur le terrain. Il existe des associations qui n’arrivent pas à rembourser. « Certaines associations qui ont compris l’importance de rembourser commencent à le faire petit à petit. »

Contrairement à ces coopératives de Rumonge, un des membres fondateurs de la Coopérative des jeunes en action pour les objectifs du développement durable (COJAODD) qui opère à Gatumba en commune Ntahangwa de la province de Bujumbura affirme qu’ils sont en train d’atteindre les objectifs que l’association s’est fixés dans la transformation des déchets en plastiques. « Nous avons déjà remboursé la moitié des 10 millions BIF que PAEEJ nous a donnés malgré les inondations qui ont frappé notre zone d’action. Les membres de l’association se réjouissent du pas que nous avons franchi. »

Résultats affichés

Selon le contenu du décret mettant en place le PAEEJ, les missions du programme s’articulent autour de quatre axes, à savoir la formation et le renforcement des capacités, appui à l’entrepreneuriat, l’accès au marché et les opportunités d’emploi ainsi que l’innovation et digitalisation.

En termes de résultats atteints, le site internet du programme rapporte des chiffres importants volet par volet. Sur le volet formation, le PAEEJ rapporte que 44 929 jeunes ont été directement formés tandis que les sensibilisations ont touché 135 760 jeunes.

Pour le volet Appui à l’entrepreneuriat, 4 558 projets ont été financés. Ce qui a permis la création de 1 684 emplois permanents, 83 469 emplois temporaires et 51 977 emplois potentiels.
Quant au volet insertion professionnelle, 4 514 jeunes ont bénéficié des stages, parmi lesquels 609 ont été embauchés au bout du compte.

Désiré Manirakiza: ” Le Paeej a permis le changement de mentalité. ”

Désiré Manirakiza, coordinateur national du PAEEJ, fait savoir que l’impact peut s’observer de plusieurs manières. D’abord, le PAEEJ a permis le changement de mentalité de beaucoup de personnes, y compris les jeunes du point de vue physique. Du point de vue quantitatif le PAEEJ a permis d’augmenter la production. « Vous savez, on a financé plus de 2 500 coopératives qui opèrent dans le maïs et la pomme de terre. Il y a des coopératives que nous avons financées qui ont produit plus de 100 tonnes de pommes de terre, plus de 50 tonnes de maïs etc.. Aussi, le PAEEJ a permis la dynamisation de l’économie nationale. »

Il ajoute aussi que le programme a permis la formation fiscale sur l’ensemble de tous les projets qu’il a financés. « Plus de 84% déclarent à l’OBR. L’autre élément, c’est que le PAEEJ a permis de créer encore de l’espoir chez les jeunes. Je ne peux pas dire que c’est à 100% grâce au PAEEJ, mais le programme y est pour quelque chose. »

Les critères d’octroi de financement

Pour le coordinateur, les critères pour accéder aux financements sont simples. Le premier critère, c’est la pertinence du projet. « Le projet doit être capable de créer une opportunité. Est-ce que le projet que le jeune apporte répond à un besoin précis ? Est-ce que le projet que le jeune apporte est un projet qui crée de l’emploi pour d’autres jeunes ? Est-ce que le projet que le jeune apporte est un projet qui participe à la croissance économique du Burundi ? Ensuite, il y a d’autres critères géographiques. »

Il explique aussi que le projet à financer doit être scalable. La scalabilité renvoie au fait que si un projet est mis en place à Gitega, il faut qu’il soit également possible de le mettre en place à Ngozi. « L’autre élément, est que le projet doit être réalisable. Si vous venez avec un projet qui coûte 100 milliards de francs burundais, le pays ne pourra pas le financer parce que ce projet n’est pas réaliste. Il n’est donc pas réalisable. »

Il fait savoir que le PAEEJ opère dans trois catégories de jeunes. Il y a des jeunes collinaires ou ceux qui travaillent sur la matière première. Il y a les jeunes de la deuxième catégorie, qui se sont lancés dans des projets de transformation de la matière première produite par les jeunes de la première catégorie.

Il y a ensuite les jeunes de la troisième catégorie qui, en réalité, sont désignés comme étant des jeunes entrepreneurs à succès. « Il s’agit des jeunes qui n’ont pas attendu l’existence du paillage pour commencer à travailler. Les deux premières catégories obtiennent des financements qu’ils remboursent tels qu’ils les ont reçus, sans aucun intérêt. »

Les jeunes entrepreneurs à succès « n’obtiennent pas de financements à proprement parler auprès du PAEEJ. Ils obtiennent la garantie que nous payons au niveau des banques partenaires. Ces jeunes prennent alors le crédit au niveau de ces banques partenaires moyennant un taux d’intérêt égal à 7%. C’est une négociation qui a été effectuée entre le PAEEJ et les banques partenaires pour partir de 14%, qui est généralement la base minimale de crédit commercial reçu au Burundi, à 7%. L’échéance de remboursement se situe entre 3 et 5 ans. »

Il fait savoir que le plafond du montant à accorder aux jeunes est de deux ordres. Le premier pour les projets normaux a un plafond de 100 millions de BIF « Donc, les projets qui sont financés peuvent être entre 1 million et 100 millions. Cela, c’est dans le cadre des projets normaux que les jeunes apportent au niveau du PAEEJ. »

Le programme a un autre type de financement, selon le coordinateur, qui est le projet structural. Il peut aller jusqu’à 2 milliards. « Que le projet tombe en faillite ou pas, l’argent obtenu doit être remboursé. La différence est que le PAEEJ suit quotidiennement les projets des jeunes. À partir du moment où ils ont pris le financement, ils doivent le rembourser. Et d’ailleurs, je voudrais vous dire que certains des jeunes qui ont mal utilisé les fonds du PAEEJ sont en conflit avec la justice puisque ce sont des fonds de l’État, »


Interview avec Dr. Diomède Ninteretse

« Le chemin à parcourir dans le financement des projets portés par les jeunes reste encore long »

Avec le budget que le gouvernement octroie au PAEEJ, ce dernier devrait conduire vers l’autonomisation. Le Dr Diomède Ninteretse donne des éclaircissements

Quel est l’apport du PAEEJ dans le financement de projets des jeunes ?

Est-ce que les jeunes ont accès au crédit ? À la première occasion, on se dit oui, en partie, mais une grande partie de la jeunesse n’a pas accès au crédit. Et puis, si on analyse les indicateurs macroéconomiques du chômage, le sous-emploi ou le sous-chômage est évalué à plus de 50%. On comprend très bien que le chemin à parcourir reste très long.

Que dites-vous du montant accordé au programme ?

Il faut comprendre que le PAEEJ a bénéficié d’un financement important de plus de 48 milliards pour l’exercice 2024-2025. Autrement dit, c’est un capital social qui est plus important que le capital d’une banque commerciale. On comprend donc que c’est un projet très important et que la population doit absolument avoir accès aux produits et services de cette institution qui est très importante.

Comment trouvez-vous l’accompagnement des bénéficiaires ?

Il y a un regard de ce financement qui est reçu de la part du gouvernement. Maintenant, est-ce qu’on peut dire que c’est suffisant ? Non, la jeunesse a besoin de beaucoup de choses. Donc, à la première occasion, je me dis qu’il faut absolument continuer toujours à mettre à niveau les coordinations et s’assurer que les fonds reçus de la part du gouvernement sont bien utilisés, correctement, surtout qu’on a des rapports, qu’il n’y a pas de retour quand on donne des crédits.

Je vois qu’il y a la volonté du président de pouvoir appuyer PAEEJ d’une manière trop ferme et volontaire. Cela se voit, mais une fois que le gouvernement retire la confiance, il ne pourra pas continuer à fonctionner. Donc, je me dis que c’est le moment pour cette institution de faire une nouvelle structure et surtout de penser au niveau de la durabilité parce qu’on ne peut pas toujours compter sur le financement d’un État. Nous avons connu des organisations et des projets du gouvernement qui ont été fermés.

Quel est l’idéal pour vous ?

L’idéal est que le PAEEJ puisse voler de ses propres ailes. Autrement dit, sur base des crédits qu’il donne, qu’il récolte alors des intérêts, que ces intérêts soient transformés en crédits et que, vice-versa, avec le temps, il continue à fonctionner.

Cela devrait se passer comment selon vous ?

Je donne l’exemple du Ghana, un pays qui a initié un projet comme PAEEJ qui, aujourd’hui donne beaucoup de résultats. La tendance de PAEEJ au Ghana est vraiment de le rendre autonome. Malheureusement, le PAEEJ du Burundi dépend toujours des financements du gouvernement.

Au Ghana, le projet a reçu le premier financement. Après, il a continué à fonctionner sans la dépendance du gouvernement. Ça, c’est le premier constat.

L’autre chose, c’est que le PAEEJ du Ghana, au lieu de focaliser l’attention sur l’agriculture et l’artisanat, il a estimé que la population pouvait voler de ses propres ailes, surtout la jeunesse qui n’aime pas l’agriculture. Alors, le Ghana a plutôt investi dans le domaine de la technologie et dans le domaine de la transformation des produits de la population. Le PAEEJ du Burundi peut s’inspirer, par exemple, du Ghana, pour effectivement transformer certains produits qui sont là, qui ne sont pas bien transformés.

Quoi transformer par exemple au Burundi et quel conseil ?

Ici je peux faire allusion aux tomates ou à certains produits fruitiers, notamment les avocats. Autre chose, il y a la technologie. Il faut être compétitif sur le marché de la digitalisation. Donc, je vous dis que le PAEEJ peut s’inspirer de ça.

Bien plus, le PAEEJ du Ghana collabore avec les universités et les centres de recherche. Cela aide à pouvoir identifier les vrais problèmes des communautés. Il collabore également avec les ONG et les associations locales, en garantissant le crédit et surtout en faisant beaucoup plus l’accompagnement.

Quid du pilotage du programme ?

D’après les articles 6 et 8 du décret le mettant en place, le PAEEJ est piloté par un comité présidé par le Premier ministre et dont les membres sont nommés par décret.

En plus de ce comité, le PAEEJ est coordonné par un comité technique qui est un organe inclusif comprenant les jeunes issus des conq provinces et les représentants des ministères sectoriels.
Le décret a été révisé et le PAEEJ est actuellement régi par le décret nº 100/67 du 11 juin 2025. Celui-ci, bien que similaire au précédent, apporte une nouveauté en son chapitre 2 qui place le PAEEJ sous la tutelle de la présidence de la République du Burundi.

Le nouveau décret tient compte aussi de la nouvelle délimitation territoriale où les provinces du Burundi passent de 18 à 5, les communes de 119 à 42.

Par ailleurs, dans l’article 29 du nouveau décret, il est précisé que le budget du PAEEJ est alimenté par le budget général de l’État.

Le programme bénéficie d’un budget de 36 milliards pour l’année budgétaire 2025-2026.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Nduwayo Didier cadeau

    la 1ere chose est de d’abord felicite le PAEEJ sur le pas franchis et de le redonner le morale de pouvoir continuer a aider les jeunes a a travail meme si ce n’est pas facile,de donner a paeej le temps necessaire pour pouvoir s’evaluer et evaluer les projets de croissance afin de pouvoir les refinances parce que beaucoup des entrepreneurs ont eu pas mal des defits qui les ont pousser a ne pas bien fonctionne, je pense que l’initiative a ete tres benefique pour les jeunes entrepreneurs et meme a aider au changement de mentalite,le Paeej a tout fait mais les impacts ne manque pas ,alors quant a mois le programme a besoin de soutien supplementaire pour encore appuyer les jeunes qui ont commencer mais avec des tels defis comme de la hausse des prix des matieres 1eres et qui on paralyser la production des produits de certains societes mais qui ont combattus de reste a travail .le paeej doit revoir comment refinance certains projets afin de les redonner la continuite de leurs activites .je comprends pourquoi vous juge trop c’est parce que il ya eu impact positif dans les projets de paeej et meme vous avez oublier que au Burundi l’entrepreneurait a vu le jour en 2000 est a ete formuler et demarrer par le paeej.alors le paeej merite le soutien indefectible et meme les entrepreneurs meritent etre refinance pour leurs croissances.le paeej de 2025 ne sera pas le meme de 2026 parce que memes les entrepreneurs ont deja evaluer leurs impacts et comment bien se positionner malgre les defits

  2. Jean Bavuga

    De la poudre aux yeux
    Le Programme d’autonomisation économique et d’emploi des jeunes (PAEEJ), lancé en 2021, vise à réduire le chômage et à stimuler l’entrepreneuriat chez les jeunes. Bien que des formations aient été dispensées à des milliers de jeunes et que des milliers de projets aient été financés, le bilan global reste négatif. De nombreux projets, comme un élevage de poules ou une pâtisserie, ont rapidement échoué en raison d’un manque d’accompagnement et de suivi. Les remboursements des financements posent problème, et une grande partie des coopératives ne parvient pas à générer un impact durable.

    Malgré les chiffres officiels mis en avant par le gouvernement, plus de 60 % de la population jeune n’a pas été touchée par le programme. Les échecs concrets sur le terrain contrastent avec les discours optimistes des autorités, qui surestiment les réalisations du PAEEJ. Cette divergence suggère une instrumentalisation politique du programme, servant davantage le populisme du parti CNDD-FDD au pouvoir que le développement réel de la jeunesse. La faible couverture et les résultats mitigés remettent en cause l’efficacité et la sincérité de cette initiative.

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