Samedi 20 avril 2024

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Opinion* – Burundi : Chronique d’un volcan en attente d’éruption (3e partie)

15/12/2019 Commentaires fermés sur Opinion* – Burundi : Chronique d’un volcan en attente d’éruption (3e partie)

Par Amilcar Ryumeko*

In certain context, inflammatory speech can serve as catalyst of mass atrocities crimes. As pointed out in the report The Role of Speech in Violent Conflicts from a two-day seminar organized by the United States Holocaust Memorial Museum to examine the role speech acts play in genocide and related crimes against humanity, “The context in which speech occurs helps determine its impact, as does the position of the person or persons speaking. Additionally, hate speech alone does not indicate impending violence. It is only by analyzing contextual clues that the potential threat of any given speech can be evaluated”. The report adds that the local environment in which the speech is taking place is important: “Hate speech, propaganda, and incitement often rely on symbolism, vernacular, and coded language deeply rooted in a historical and cultural context specific to the region.”

Amilcar Ryumeko

Depuis fin avril 2015, le Burundi est plongé dans une violente crise politique. Le déclencheur: la candidature du président Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat. Cette candidature était contraire à la constitution du Burundi ainsi qu’à l’esprit et aux dispositions de l’un des legs de Nelson Mandela au Burundi, à savoir l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha de 2000. D’après différents rapports du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme des centaines de Burundais tués, sans parler de nombreux cas d’enlèvements, de tortures, de viols et d’emprisonnement arbitraire. Notons qu’au 31 octobre 2019, il y avait plus de 320 000 réfugiés burundais dans les pays de la sous-région.

Plus inquiétant, il y a des discours de haine et de plus en plus incendiaires de la part des responsables du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, qui peuvent conduire le Burundi au pire si aucune action n’est prise. Les discours incendiaires précèdent souvent les Crimes atroces que j’ai décrits brièvement dans les parties 1 et 2 de cette chronique. Ces discours font partie du processus social qui rend ces crimes possibles. En effet, la rhétorique incendiaire est l’une des nombreuses circonstances qui facilitent la perpétration des Crimes atroces tels que les Crimes contre l’humanité.

“Hate speech is a menace to democratic values, social stability and peace. As a matter of principle, the United Nations must confront hate speech at every turn. Silence can signal indifference to bigotry and intolerance, even as a situation escalates and the vulnerable become victims”. – UNITED NATIONS STRATEGY AND PLAN OF ACTION ON HATE SPEECH

Selon le plan d’action des Nations contre les discours incendiaires, ces derniers se définissent comme « tout type de communication dans un discours, l’écriture ou le comportement, qui attaque ou utilise un langage péjoratif ou discriminatoire en référence à une personne ou à un groupe sur la base de qui ils sont, en d’autres termes, en fonction de leur religion, origine ethnique, nationalité, race, couleur, descendance, sexe ou autre facteur d’identité ». Ce même plan d’action ajoute que « ce type de discours génère de l’intolérance, de la haine, et dans certains contextes, peut être source de division ».

“Addressing hate means keeping hate speech from escalating into something more dangerous, particularly incitement to discrimination, hostility and violence, which is prohibited under international law” – UNITED NATIONS STRATEGY AND PLAN OF ACTION ON HATE SPEECH

Dans un environnement très tendu comme celui où se trouve le Burundi, des discours incendiaires de la part des autorités, comme celui du président du Sénat quand il a dit aux administrateurs locaux d’être prêts et de mettre de côté leurs émotions si un signal est donné à la police pour «aller travailler », peut entraîner le pays dans l’abîme. Un autre exemple est la déclaration publiée le 16 août 2016 de Pascal Nyabenda, qui était à l’époque président du CNDD-FDD et président de l’Assemblée nationale où il a utilisé des mots qui pourraient potentiellement exacerber les tensions ethniques au Burundi. À titre de rappel, le 9 novembre 2015, à la 7553e séance du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a dénoncé les déclarations « incendiaires » de certaines autorités, dont le Président du Sénat et le Président Nkurunziza, qui ont « une dimension ethnique », contraire à l’esprit de l’Accord d’Arusha qui avait pourtant mis fin à la guerre civile au Burundi. Adama Dieng, Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la prévention du génocide a ajouté que « personne ne doit sous-estimer ce qui est en jeu, car l’histoire de la région a montré les conséquences de ne pas agir lorsque les dirigeants incitent à la violence ».

« Public discourse is being weaponized for political gain with incendiary rhetoric that stigmatizes and dehumanizes minorities, migrants, refugees, women and any so-called “other” ». UNITED NATIONS STRATEGY AND PLAN OF ACTION ON HATE SPEECH

***
Dans ces circonstances, je pense qu’il est prudent de demeurer sur nos gardes pour éviter toute surprise. Il est primordial de ne pas faire preuve d’aveuglement volontaire face à des crimes comme ceux commis au Burundi depuis l’indépendance, surtout lorsque parmi les responsables de ceux-ci, on retrouve les forces de défense et de sécurité censées protéger les populations civiles. Dans un contexte de discours incendiaires continus et de plus en plus croissants de la part de hauts responsables du parti au pouvoir, les Burundais devraient être alertes pour prévenir ou contrer le pire. Compte tenu du contexte spécifique de la région dans laquelle ces discours incendiaires sont diffusés et afin d’éviter d’autres crimes atroces dans la région, je pense fortement que le temps de s’attaquer à la crise burundaise uniquement par le biais de réunions, de rapports et de déclarations est révolu. Les Burundais aspirant à un État de droit où les droits et libertés ainsi que la sécurité pour tous les Burundais sont en vigueur devraient se concerter pour passer à l’action concrète (une proposition d’action concrète sera faite dans mes opinions à venir).

D’autres avenues s’offrent à nous, que chacun fasse un exercice de réflexion là-dessus. En effet, je crois, modestement, que le volcan en attente d’ébullition au Burundi exige de nous un passage d’une opposition classique à une résistance active. La stratégie de Mahatma Gandhi pourrait nous inspirer…
Je terminerai cette chronique en suggérant, humblement, de commencer la réflexion par ce que je considère comme la base, à savoir la doctrine. Je fais mienne, la définition que Sun Tzu donne de la doctrine dans son ouvrage l’art de la guerre : « La doctrine fait naître l’unité de penser; elle nous inspire une même manière de vivre et de mourir, et nous rend intrépides et inébranlables dans les malheurs et dans la mort ». N’ayant pas le monopole de la vérité, j’invite d’autres compatriotes à soumettre leurs suggestions, car « du choc des idées jaillit la lumière ». Bonne réflexion!

*Les articles de la rubrique « Opinion » n’engagent pas la rédaction

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Bibiographie

*Amilcar Ryumeko est détenteur d'un Baccalauréat en Études politiques appliquées de l'Université de Sherbrooke, d'un Diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en administration internationale ainsi que d'une Maîtrise en administration publique de l'École nationale d'administration publique de Montréal. Il est chargé de projet au Ministère des Transports du Québec, membre du comité des droits humains ainsi que du Conseil d'administration du Musée de l'Holocauste de Montréal.

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