Le ministre de l’Éducation nationale vient d’annoncer l’objectif « zéro enfant mal assis » pour l’année scolaire en cours : « Le budget général de l’État, exercice 2025-2026, a déjà fixé la source des fonds qui serviront à cette fin. » Cette déclaration fait le buzz sur les réseaux sociaux et cristallise les critiques. Simple déclaration d’intention, slogan politique, ambition louable ou pure illusion ? Face aux multiples défis qui rongent le système éducatif burundais, les interprétations divergent.
Le manque de bancs-pupitres constitue un problème persistant et généralisé, gravement sous-estimé dans les écoles burundaises. Des reportages récents des correspondants d’Iwacu révèlent que des élèves sont contraints de s’asseoir à même le sol ou de partager un seul banc-pupitre à trois ou quatre. Même l’ancienne mairie de Bujumbura n’échappe pas à cette réalité. « Trois à quatre élèves sont obligés de se partager un banc-pupitre. Nous avons été contraints de limiter les inscriptions », précise une directrice d’école à Ngagara. La pénurie est si importante que même des commandes de plusieurs centaines de pupitres sont décrites comme « une goutte d’eau dans un océan de besoins ».
Cette situation compromet profondément la qualité de l’éducation et hypothèque l’avenir des enfants. Les élèves assis à même le sol ou entassés sur des bancs inadaptés peinent à se concentrer et à suivre les cours. L’inconfort physique permanent entrave la prise de notes et la participation active en classe. Cette dégradation des conditions d’apprentissage nuit aux résultats scolaires, favorise l’échec et peut conduire à l’abandon scolaire.
Devant cette réalité du terrain, plusieurs questions taraudent : quel budget est réellement prévu ? Combien de bancs-pupitres faut-il produire ? Qui dispose de la capacité technique pour répondre à cette demande massive ? Un appel d’offres public sera-t-il organisé ?
Paradoxalement, la gratuité de l’enseignement primaire, mesure positive pour l’accès à l’éducation, a provoqué un afflux massif d’élèves sans que les ressources matérielles suivent le même rythme.
L’ambition ministérielle ne doit pas être balayée d’un revers de main. Elle traduit une prise de conscience politique et montre que le problème est désormais reconnu au plus haut niveau. En fixant un objectif aussi ambitieux, le gouvernement cherche peut-être à mettre la pression sur sa propre administration, à mobiliser l’opinion publique et la société civile, ou encore à justifier la recherche de financements nationaux et internationaux.
Toutefois, compte tenu de l’ampleur du déficit, atteindre l’objectif « zéro enfant mal assis » en une seule année scolaire semble hautement improbable. Résorber un tel manque en quelques mois nécessiterait des ressources financières et une capacité de production que le pays peine à mobiliser rapidement.
Si l’objectif « zéro enfant mal assis » demeure essentiel pour l’avenir éducatif du Burundi, sa réalisation complète en un an relève de l’utopie. Une approche progressive et réaliste, étalée sur plusieurs années, permettrait d’éviter les déceptions et de construire une stratégie durable. Car au-delà des effets d’annonce, c’est bien la crédibilité de l’action publique qui est en jeu.
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