La consommation des drogues devient une réalité préoccupante. Elle menace l’avenir de toute une génération. Des voix s’élèvent au sein de la société civile et des syndicats du secteur éducatif. Elles demandent une implication collective du gouvernement et de la communauté pour prévenir ce phénomène grandissant.
« Je ne comprends pas comment les élèves arrivent à faire entrer les drogues alors qu’à chaque rentrée scolaire, ils sont fouillés de la tête aux pieds, y compris dans toutes leurs affaires », confie un éducateur d’un établissement à régime d’internat.
Certains élèves développent des stratégies ingénieuses pour contourner les dispositifs de contrôle mis en place à l’entrée des écoles.
« Certains élèves cachent les drogues dans des cartons de dentifrice ou ils les versent dans des bouteilles de lotions corporelles. », témoigne une élève de l’une des écoles à régime d’internat.
Elle explique qu’après la découverte de ces stratagèmes par les autorités scolaires, les élèves consommateurs ont changé de méthode. Pour continuer à s’en procurer, ils ont commencé à envoyer certains cuisiniers en acheter à l’extérieur.
Premiers pas vers la dépendance
O.N, un jeune bénéficiaire des services du centre Bapud (Association des anciens usagers de la drogue), raconte comment il a commencé à prendre de la drogue à l’école. Influencé par ses camarades, il a commencé par le tabac, puis le chanvre avant d’essayer des drogues plus dures comme le booster quand il a changé d’établissement.
« Ma curiosité m’a encore poussé à essayer. Après avoir pris le booster, c’est comme si j’étais devenu une autre personne. J’ai perdu connaissance pendant quatre heures. » Dès le lendemain, il a commencé à s’en procurer lui-même avec l’argent de poche lui donné par ses parents.
« Chaque jour, je découvrais de nouvelles drogues. J’en ai consommé tous les jours pendant plus d’un an. »
Un jour, n’ayant pas pu se procurer de sa dose, il a commencé à avoir des vomissements, de la diarrhée et des malaises. Son ami lui a expliqué que c’était les effets du manque de drogues dans son corps. Le matin, après en avoir pris, il raconte qu’il s’est senti mieux et que c’est là qu’il a compris qu’il était devenu accro.
Il témoigne qu’il le consommait en cachette, souvent dans les toilettes ou en séchant les cours. Ses parents ont découvert la vérité tardivement. Après plusieurs accompagnements, O.N affirme qu’il est aujourd’hui sobre depuis 7 mois. Il participe à un programme de soutien pour aider d’autres jeunes.
Une situation préoccupante
David Ningaza chargé de plaidoyer et de communication à la SOJPAE, souligne que la consommation de drogues en milieu scolaire révèle l’existence d’un réseau de commercialisation bien organisé. Selon lui, il ne s’agit plus de simples drogues locales, mais de substances injectables, en comprimés ou en gaz, souvent importées. Il alerte sur leur présence dans des écoles fréquentées par des enfants issus des familles aisées. Il déplore aussi l’absence d’une politique nationale claire de prévention et pointe l’inefficacité de la police anti-drogue, mal équipée pour faire face à ce fléau.
Éric Nsengiyumva, coordinateur du centre Bapud, partage le même constat alarmant. Il s’appuie sur une étude menée par le centre en milieu scolaire, portant sur un échantillon de 127 élèves répartis dans les anciennes provinces de Bujumbura, Gitega, Karusi, Rumonge et Muyinga. Les résultats révèlent que 64,2 % de ces élèves ont déjà été exposés à des informations liées à la consommation de drogue, 9,6 % ont déjà essayé d’en consommer. Parmi eux, plus de 80 % ont expérimenté le cannabis.
Il prévient que la dépendance peut commencer dès la première prise, car la drogue agit directement sur le système nerveux rendant ainsi difficile tout retour en arrière.
Plusieurs facteurs déclencheurs
Selon Alain Joseph Hatungimana, directeur exécutif des Psychologues sans vacances, plusieurs facteurs psychologiques poussent les jeunes à consommer des drogues, notamment la curiosité, la pression des pairs, le stress, les troubles de l’humeur ou encore une faible estime de soi.
Il précise que cette consommation entraîne une dépendance progressive, d’abord physique, puis psychologique, avant de devenir psychophysiologique qui est la forme la plus grave. Elle affecte aussi les capacités mentales comme la mémoire et les problèmes de santé mentale à long terme. La concentration et l’apprentissage sont affaiblis. Ce qui compromet leur avenir scolaire. En plus, les jeunes consommateurs adoptent souvent des comportements à risque comme l’agressivité, les rapports sexuels non protégés ou encore la délinquance.
« Intégrer la prévention des drogues dans le cursus scolaire »

Face à l’ampleur du phénomène, plusieurs acteurs insistent sur la nécessité d’un engagement collectif pour prévenir. Selon M. Ninganza, la plupart des enfants sont délaissés par leurs parents. « Malheureusement, la plupart des parents se focalisent sur des situations d’ordre pédagogique. Ils pensent que parce que l’enfant est intelligent en classe, cela suffit. »
Il demande aux parents de prendre le temps d’écouter réellement leurs enfants, au-delà des notes scolaires. Qu’ils s’intéressent à leur vie sociale, à leurs difficultés, et créent un dialogue ouvert pour mieux les accompagner et prévenir les risques liés à la drogue ou à d’autres problèmes.
M. Hatungimana recommande d’intégrer la prévention des drogues dans le cursus scolaire. Il insiste sur la formation des enseignants sur les types de drogue pour pouvoir les détecter et détecter les signes précoces de consommation. Il propose aussi la création des clubs anti-drogue et des activités extrascolaires pour pouvoir favoriser l’échange ainsi que la présence de psychologues dans les écoles pour assurer un accompagnement adapté.
Pour Éric Nsengiyumva, la lutte contre la drogue en milieu scolaire exige une mobilisation collective. Il appelle à l’implication des communautés pour la sensibilisation et la surveillance ainsi qu’une action concertée des ministères de la Jeunesse, de la Santé et de l’Éducation pour élaborer des stratégies efficaces. Il plaide également pour le renforcement de la police anti-drogue, en insistant sur la nécessité de lui doter des moyens, des formations et capacités pour agir efficacement contre les réseaux de trafic.
Contactée, la police anti-drogue nous a renvoyée au porte-parole de la Police nationale. Ce dernier n’a pas voulu réagir.





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