Lundi 01 septembre 2025

Économie

Les coopératives Sangwe insolvables

01/09/2025 0
Les coopératives Sangwe insolvables
Le tableau qui montre les coopératives Sangwe de Muyinga et leurs taux de remboursement

Les coopératives Sangwe peinent à rembourser les fonds reçus du gouvernement. Celles de Muyinga affichent un taux de 12%. Pour nombre d’observateurs, le projet des coopératives Sangwe a été mal étudié et politisé.

Au total, 50 coopératives Sangwe de la commune Muyinga ont reçu un financement de 980 millions de BIF. Selon le rapport sur la situation de recouvrement des fonds alloués aux coopératives Sangwe, seuls 115 millions, soit 12%, ont été remboursés jusqu’en juillet 2025. Trente-six coopératives affichent un taux de remboursement de 0%. Trois coopératives seulement sortent du lot. Il s’agit des coopératives Sangwe Murama, Sangwe Ntamba et Sangwe Kibogoye.

Cette situation est similaire pour toutes les coopératives Sangwe à travers tout le pays. Taux de remboursement très bas, échec des projets, détournement des fonds, problème de leadership et de management, manque d’encadrement et de coordination, telle est la liste non exhaustive des dysfonctionnements observés chez ces coopératives.

Depuis 2019, le gouvernement a pris une initiative de financer les coopératives collinaires avec l’objectif de développer les communes et le pays.

Lors de l’année budgétaire 2019-2020, le gouvernement leur a alloué une enveloppe de 29,1 milliards de BIF sur la rubrique « appui aux projets de développement des coopératives collinaires ». Pour les autres années budgétaires suivantes, le montant réservé à cette rubrique est de 87 830 000 000 BIF.

L’ordonnance ministérielle conjointe (ministère de l’Intérieur et ministère des Finances) du 28 septembre 2019 sur les modalités pratiques de répartition, de transfert, d’utilisation et de remboursement des fonds alloués aux projets de développement des collines stipulait que les prêts accordés aux coopératives sont sans intérêt et sont remboursables endéans deux ans.

Un fiasco

Les activistes anti-corruption et contre les malversations dénoncent un financement partisan fait sans une étude préalable et entaché d’irrégularités. Ils parlent d’un manque de transparence dans la gestion de ces fonds par les coopératives bénéficiaires. L’incapacité de gestion du capital, le manque de suivi, le détournement des fonds sont les causes de ce manque de remboursement du prêt octroyé par le gouvernement.

Alexis Nimubona, chargé de la communication à l’Olucome, dénonce une politisation qui a caractérisé la création des coopératives Sangwe pour servir les membres du parti au pouvoir. « C’est un fonds qui est venu au moment des meetings politiques, quand on cherchait des voix. La population, les responsables administratifs, les responsables de ces coopératives gèrent cet argent comme bon leur semble car ils trouvent que c’est un don. D’où des détournements qui ont rendu difficile le remboursement ».

Il indique que les responsables des coopératives n’ont pas été préparés sur la gestion financière et l’accompagnement n’a pas été fait. Pour lui, c’est une politique qui n’a pas été bien étudiée et qui cache une volonté de détournement des fonds. « Il devrait y avoir des malversations économiques. Ces fonds perdus pourraient être utilisés dans d’autres projets qui sont bien étudiés pour donner des résultats palpables. »

Pour lui, le gouvernement doit commanditer un audit sur le financement et le fonctionnement des coopératives Sangwe. « Des responsabilités doivent être établies et les coupables doivent payer pour ces pertes économiques et financières énormes. »

Iwacu a essayé de contacter Evrard Ndayikeje, directeur général de l’Anacoop (Agence nationale de promotion et de régulation des sociétés coopératives) en vain.


Éclairage de Maître Jean-Claude Nzigamasabo : « cette faillite collective des coopératives Sangwe est inacceptable »

Selon Maître Jean-Claude Nzigamasabo, expert en bonne gouvernance, que l’État ait octroyé un capital aux coopératives « Sangwe », comme appui aux projets de développement des coopératives collinaires est en soi une bonne chose. Elles avaient l’obligation de rembourser sans intérêt. Si ces coopératives étaient parvenues à produire et à rembourser les crédits, cela aurait été un succès incontestable. Des effets positifs sur l’économie en général, et le milieu environnant les coopératives en particulier seraient remarquables.

Jean Claude Nzigamasabo prône une gestion efficace des finances publiques

Cet expert indique qu’il ne peut pas nier ni affirmer que le financement des coopératives Sangwe a été politisée pour servir les membres et les jeunes du parti au pouvoir. De toutes les façons, précise-t-il, le développement ne peut pas être sélectif. Il bénéficie à tout le monde, membres ou non du parti au pouvoir. Il en est de même d’une situation de « désolation économique ». Cette dernière frappe tout le monde sans discrimination. « Quand les prix montent sur le marché, quand le transport devient problématique par manque de carburant, la situation est pénible pour tous, sympathisants et non sympathisants du pouvoir en place. »

Hélas, les coopératives Sangwe font faillite en cascade ! Et le manque à gagner est énorme. Pourquoi ? « On n’a pas besoin de faire un diagnostic pour affirmer que les choses n’ont pas marché dans la préparation préalable. C’est une conclusion qui n’a pas besoin d’être démontrée. »
Des questions sans réponses

Maître Jean-Claude Nzigamasabo se pose beaucoup de questions par rapport au financement des coopératives Sangwe. Y a-t-il eu une analyse de faisabilité préalable avec étude de projet et évaluation des risques ? Y a-t-il eu des critères de sélection des coopératives bénéficiaires des crédits pour s’assurer de leur viabilité et de leur capacité de remboursement ? Y a-t-il eu des mesures d’accompagnement des coopératives bénéficiaires pour assurer une formation en gestion financière ?

La série continue. A-t-on prévu un système de suivi et évaluation avec un coaching régulier et de proximité pour redresser à temps ce qui ne marche pas ? Les membres des coopératives, ont-ils été formés et sensibilisés sur les questions de bonne gouvernance et de transparence qui constituent la clé du succès afin de garantir une participation inclusive et équitable ? et bien d’autres. « Si ces balises n’ont pas été analysées préalablement par le gouvernement, lui-même a péché par omission et il est solidairement responsable de l’échec. », explique-t-il.

Pour lui, le gouvernement a le devoir de redevabilité. Il indique que les coopératives ne parviennent pas à rembourser alors qu’elles sont financées à hauteur des dizaines de milliards. Il dénonce un « scandale économique et financier ». Il fait savoir que « la gestion des finances publiques oblige l’Etat de rendre compte, de dégager les responsabilités et de punir les coupables. Si rien n’est fait dans ce sens, il y a le risque que la situation soit perçue par l’opinion publique comme de l’impunité et qu’il n’y ait aucune garantie que cela ne se reproduise plus.»

Jean-Claude Nzigamasabo estime que cette faillite collective des coopératives « Sangwe » est inacceptable. Il recommande au gouvernement de commanditer un audit externe indépendant pour faire un diagnostic de cette situation. Il pourra dégager les responsabilités des acteurs et formuler des recommandations appropriées.

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