Mercredi 24 décembre 2025

Économie

Le système de quotas de carburant mis en cause par les usagers

24/12/2025 0
Le système de quotas de carburant mis en cause par les usagers
L’exemple d’un quota frauduleusement consommé

Depuis l’introduction de l’application Igitoro Pass, qui gère les quotas de carburant via des codes QR et un système basé sur le dernier chiffre des plaques d’immatriculation, des usagers signalent des irrégularités. Certains voient leurs quotas consommés sans les avoir utilisés, d’autres disparaissent avant d’être consommés. Le directeur général de la Sopebu, Samuel Ndayisenga pointe le rôle de certains pompistes dans ces anomalies, notamment dans la consommation frauduleuse des quotas.

S.L., un usager, raconte sa mésaventure. Conformément à son jour de passage à la pompe et à son quota hebdomadaire, il s’est rendu dans une station-service de Bujumbura le 13 décembre dernier pour s’approvisionner. À sa grande surprise, le pompiste lui a annoncé que son quota avait déjà été entièrement consommé.
« Étonné, je lui ai demandé sur quoi il se basait. Il m’a répondu qu’un approvisionnement avait été effectué le 11 décembre 2025 à la station-service Rubaho, dans la commune Rutana, en province de Burunga ».

Une affirmation que S.L. réfute catégoriquement. « Je ne me suis jamais rendu dans la commune Rutana. Je ne comprends pas comment une autre personne a pu s’approvisionner en usurpant mon code QR », s’interroge-t-il.
Selon lui, plusieurs zones d’ombre persistent notamment la manière dont son code QR a pu être utilisé sans son téléphone. Il s’interroge également sur les mécanismes de contrôle appliqués dans les stations-service. « Est-ce que les pompistes ne vérifient pas les plaques d’immatriculation pour renforcer la sécurité ? ».

Pour le pompiste, il ne s’agit pas d’un cas isolé. Selon lui, ces situations sont fréquentes et relèvent de vols de quotas.

D’autres usagers signalent également que, dans certains cas, l’achat d’un véhicule d’occasion sans mise à jour des identifiants du système de quotas permet à l’ancien propriétaire de continuer à s’approvisionner en carburant. Ils appellent ainsi les nouveaux acquéreurs à la vigilance et recommandent de modifier immédiatement les identifiants après toute transaction.


Interview avec Samuel Ndayisenga

« Il n’y a pas de faille technique dans notre logiciel »

Face aux multiples plaintes des usagers dénonçant des détournements des quotas, des soupçons d’usurpation des codes QR et des perturbations récurrentes dans l’approvisionnement en carburants, le directeur général de la Société pétrolière du Burundi (Sopebu), rejette toute faille technique dans leur système de gestion.

Comment expliquez-vous que des quotas de carburant soient consommés à l’insu de leurs bénéficiaires, parfois dans des stations et des provinces où ils ne se sont jamais rendus ?

Les Burundais ne sont pas encore suffisamment avancés dans la digitalisation. Ce problème est parfois lié au manque de vigilance de certains usagers. À titre d’exemple, certains confient leurs codes QR et mots de passe à des chauffeurs ou à des garçons de course pour s’approvisionner. Il arrive que ces personnes se séparent de leurs employeurs tout en conservant ces informations. J’appelle les usagers à faire preuve de responsabilité et à ne jamais partager leurs mots de passe ou codes QR.

Comment un code QR peut-il être utilisé sans le téléphone du propriétaire du quota, et quelles failles cela révèle-t-il ?

Il n’y a pas de faille technique dans notre logiciel. Dans la plupart des cas, il s’agit de vols commis en réseaux, impliquant des pompistes, des gérants de stations-service et parfois même des policiers affectés aux stations. Certains usagers louent volontairement leurs codes QR.

Par exemple, un véhicule immobilisé dans un garage à Buyenzi peut servir à alimenter ce système frauduleux. Un code QR peut être vendu jusqu’à 200 000 FBu, les gains étant partagés entre l’usager et les agents complices. Avec vingt codes QR, cela représente environ 800 l de carburants détournés.

Quelles sont les obligations de contrôle imposées aux stations-service, notamment par rapport à la vérification de la correspondance entre le dernier chiffre des plaques d’immatriculation et le code QR, souvent décrite comme négligée ?

Il y a des responsabilités partagées entre la Sopebu et les stations-service. Certes, les vols ne concernent pas uniquement les codes QR. Certaines stations déclarent être à sec alors qu’elles cachent plus de 1 000 l pour alimenter la revente illicite au marché noir.

Face à ce non-respect des règles, nous sommes intransigeants. Nous avons déjà procédé à des fermetures forcées et les stocks dissimulés ont été saisis au profit du Trésor Public. C’est précisément pour sanctionner ces manquements aux procédures de contrôle et ces tentatives de spéculation que certaines stations-service restent hors service pendant plusieurs semaines.

Le logiciel a-t-il fait l’objet d’un audit de sécurité indépendant ?

Non, pas encore, pour des raisons de sécurité.

Pourquoi les quotas disparaissent-ils après une semaine s’ils ne sont pas consommés ?

Les quotas sont hebdomadaires et expirent chaque dimanche à minuit. Cette mesure vise à limiter les risques de fraude.

Pourquoi les agents de la Sopebu ne sont-ils plus régulièrement présents dans les stations-service ?

Dans l’ancienne mairie de Bujumbura, il existe plus de 130 stations-service. Il est logistiquement impossible d’affecter un agent à chaque station-service. Toutefois, nous avons commencé à déconcentrer nos services dans les provinces selon le nouveau découpage administratif en cours. Nous avons commencé avec l’ex-mairie de Bujumbura dans les enceintes du bureau provincial, avec l’objectif de couvrir tout le pays.

Comment expliquez-vous les perturbations observées dans l’approvisionnement en carburants ?

Il n’y a pas de pénurie de carburants, notamment de mazout. Nous avons même augmenté les quotas pour les véhicules de transport en commun.

Pourtant, les chauffeurs du transport en commun affirment le contraire…

Avant, chaque moyen de transport en commun (bus et coasters) recevait 50 l par jour. Aujourd’hui, plus de 400 véhicules de transport en commun sont approvisionnés quotidiennement.

Où réside alors le problème ?

Dans le marché noir. Certains chauffeurs vident leurs réservoirs après l’approvisionnement pour revendre le carburant sur le marché parallèle. C’est devenu un business rentable, alimenté aussi par un stress psychologique autour du carburant. Même quand le produit est là, certains refusent de l’admettre pour maintenir la pression sur les prix.

À quand la fin du dernier chiffre des plaques d’immatriculation pour s’approvisionner ?

Bientôt. D’ici quelques mois, les usagers n’auront plus besoin du dernier chiffre d’immatriculation. Cette mesure est temporaire.

Peut-on craindre des perturbations en carburant durant les fêtes de fin d’année ?

Non, le but de la Sopebu est de faciliter l’accès de la population aux carburants. Nous faisons tout pour assurer la continuité de l’approvisionnement durant cette période des fêtes de Noël et du Nouvel an.

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