Lors de la clôture de la croisade d’action de grâce le samedi 21 juin, à Gitega, pour ses cinq ans au pouvoir, le chef de l’Etat Evariste Ndayishimiye a dénoncé la corruption qui gangrène le corps judiciaire. Il a qualifié ce phénomène de « trahison » tout en rappelant qu’il a la prérogative de le dissoudre. Pour certains politiques, le ver est déjà dans le fruit, il faut des sanctions contre les coupables.
Le président de la République, Evariste Ndayishimiye ne mâche pas ses mots. Il se dit choqué par le corps judiciaire qui se livre à la corruption tout en dénonçant que ses membres ont instauré des lois qui les protègent.
« Il existe un organe chargé de faire respecter la loi, c’est l’appareil judiciaire. Normalement, c’est cette institution qui devrait être la première à se tenir debout pour faire respecter la loi. J’ai déjà observé qu’au niveau de cette institution, tout est pourri, complètement pourri », s’indigne le chef de l’Etat.
Le président Ndayishimiye fait savoir qu’il avait trouvé des mécanismes pour permettre aux magistrats de travailler en toute liberté. Des mécanismes qui pouvaient empêcher certaines pesanteurs d’ordonner aux magistrats d’arrêter certains dossiers.
Mais hélas, se désole-t-il, ces derniers disent que personne ne peut les toucher. « C’est regrettable de voir un juge qui dit que personne n’a le droit de lui demander de s’exprimer sur une affaire qu’il a rendue ». Le chef de l’Etat renchérit. « Ils ont mis en place des lois qui les protègent de sorte que même un juge qui a commis une faute ne peut pas être révoqué ».
Le président Ndayishimiye avertit qu’il peut collaborer avec le Parlement pour créer une nouvelle institution judiciaire. Il met en garde les juges tout en précisant qu’il peut les remplacer par de nouvelles lois. « Nous sommes capables de vous supprimer sans même vous donner un préavis. Les parlementaires ne sont-ils pas là pour ça ? Les juges m’ont trahi à tel point que je me demande à quoi ressemble ce pays ».
Le numéro Un burundais invite les Burundais à dénoncer les fautifs tout en les encourageant à dépasser la peur et les intimidations. Il promet d’agir en faisant valoir ce que la loi lui autorise. « J’ai un bâton qui me donne la loi et vous verrez que ce bâton va fonctionner »
Réactions
Kefa Nibizi : « Il faut punir les coupables »
« C’est préoccupant qu’on passe pendant cinq ans, en dénonçant, en prodiguant des conseils, en faisant des recadrages mais, qu’au bout du compte, ce problème reste toujours pendant et mine toujours la Justice », se désole Kefa Nibizi, président du parti Conseil pour la Démocratie et le Développement durable au Burundi (Codebu).
Avant de penser à la dissolution du corps de la justice, fait-il observer, il faut plutôt des actions pour éradiquer ce fléau.
Pour lui, il faut d’abord la mise en place des institutions selon des procédures transparentes. « Les mandataires qui sortent de ces institutions doivent se prévaloir de la transparence dans la gestion de la chose publique ».
Bien plus, recommande-t-il, il faut un salaire décent pour les fonctionnaires de l’Etat, y compris les cadres de la Justice. « A défaut de cela, les risques de corruption sont très élevés ».
Il encourage alors les justiciables à dénoncer les corrompus tout en invitant les hautes autorités à prêcher par le bon exemple. Il fait remarquer que la corruption se fait entendre dans les hautes sphères de l’Etat dans la gestion des grands dossiers notamment les mines et les travaux publics.
Par ailleurs, il propose des actions préventives contre la corruption par la formation des jeunes dès le bas âge. Il insiste aussi sur les sanctions contre les coupables.
« Dissoudre le corps de justice n’est pas une solution en soi parce que les autres qu’il engagerait pourraient faire la même chose si des mesures de prévention et de dissuasion ne sont pas prises de façon continue ».
En outre, il faut aussi peaufiner les critères d’entrée dans le corps de justice en organisant des examens transparents. « S’il y a quelqu’un qui a été recruté en donnant un pot-de-vin, par clientélisme ou favoritisme, comment voulez-vous qu’il aille travailler dans la transparence ».
Gaspard Kobako : « Il faut des solutions durables »
« Si le chef de l’Etat a encore une fois dénoncé la corruption qui gangrène le corps judiciaire, pour moi, il ne suffit pas de le déplorer, mais il faut des actions concrètes pour juguler ce fléau », fait savoir Gaspard Kobako, président du parti Alliance nationale pour la Démocratie (AND/Intadohoka).
Malgré les avertissements incessants du chef de l’Etat, l’hémorragie continue. Il estime qu’il y aurait des personnes puissantes qui passent outre ces appels à l’ordre. « Ce sont les justiciables qui en souffrent ». Il souligne qu’il est difficile d’imaginer un quelconque développement dans un pays corrompu et sans justice.
« Que le chef de l’Etat agisse plus qu’il ne parle afin de mettre fin à l’impunité récurrente et à la corruption de la plupart des magistrats dont il est lui-même le Magistrat suprême », recommande-t-il.
Pour Gaspard Kobako, des cas de punitions exemplaires pourraient freiner l’hémorragie non seulement dans le corps judiciaire mais aussi dans d’autres secteurs car, ce qui se passe dans le corps judiciaire se passe aussi dans la plupart des services étatiques. « Il faut y regarder de plus près et envisager des solutions durables »
A la prochaine formation du gouvernement, suggère M. Kobako, le chef de l’Etat devrait tenir compte du nettoyage du corps judicaire. Il devrait chercher ailleurs que dans son entourage, en s’entourant, et sans faux fuyant, de technocrates en lieu et place de ceux qui n’hésitent pas à dire : « savez-vous celui qui m’a promu ou qui m’a fait arriver à ce poste ! Le peuple burundais désire une justice juste. »
Gabriel Banzawitonde : « Que le chef de l’Etat écarte les corrompus »
Gabriel Banzawitonde, président du parti Alliance pour la paix, la démocratie et la réconciliation (APDR) salue le courage du chef de l’Etat pour avoir dénoncé les abus imputables aux cadres et hauts cadres dirigeants du pays. Il estime qu’il s’agit d’un pas vers une solution car, les auteurs sont déjà connus. « Que le chef de l’Etat prenne toutes les mesures pour écarter ces gens qu’il a lui-même déjà démasqués ! ».
Par ailleurs, le président de l’APDR rappelle au président Ndayishimiye de tenir sa parole pour avoir promis des postes aux autres formations politiques ayant perdu les dernières législatives et communales.
« Dans ce cas, nous allons être son œil et son oreille en dénonçant les gens qui veulent freiner le développement du pays ». Sinon, il sera difficile au CNDD-FDD, en tant que seul parti dans les organes dirigeants, de dénoncer les abus de ses propres militants.
Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu
Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.
Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.