L’exportation de minerais du 7 octobre dernier a suscité un enthousiasme prévisible. Pour beaucoup — y compris au sommet de l’État — ces cargaisons expédiées à grand renfort de communication symbolisent le début d’une relance économique tant espérée.
Mais derrière l’euphorie des chiffres et des discours triomphants se cache une réalité plus sombre : celle d’un piège économique qui a déjà condamné de nombreux pays africains à la stagnation.

L’économiste Jean Ndenzako a raison de tirer la sonnette d’alarme : l’exportation de minerais bruts n’est pas une stratégie de développement, c’est un leurre. Un mirage qui perpétue notre dépendance et notre vulnérabilité. Les chiffres sont implacables : en vendant nos minerais à l’état brut, nous ne capturons que 10 à 20 % de leur valeur totale. Le reste — la part du lion — revient aux pays qui les raffinent et les transforment. Le coltan extrait de nos sols burundais finit dans les smartphones et ordinateurs du monde entier. Mais ce sont la Chine et l’Europe qui récoltent les bénéfices de sa transformation.
Cette logique purement extractive ne crée aucune valeur ajoutée locale. Contrairement à une industrie de transformation, elle n’établit pas de liens avec les autres secteurs, ne développe pas de compétences techniques, ne stimule ni innovation ni emploi qualifié.
C’est une économie de cueillette, figée dans un schéma de dépendance : nous vendons à bas prix ce que d’autres revendent très cher après l’avoir transformé.
Les économistes appellent cela la “malédiction des ressources”. L’histoire récente en offre de tragiques exemples : la République démocratique du Congo, malgré ses richesses minérales immenses, demeure parmi les pays les plus pauvres du monde.
Pour le Burundi, les risques sont connus et redoutables. La volatilité des prix mondiaux expose notre économie à des cycles de prospérité éphémère suivis d’effondrements brutaux. Les revenus miniers, sans institutions solides pour les gérer, risquent d’alimenter la corruption, les clientélismes et les inégalités plutôt que le développement.
Le véritable scandale n’est pas d’exporter nos minerais, c’est de les exporter sans les transformer. Au lieu de célébrer des cargaisons de minerais bruts, nous devrions bâtir des usines de raffinage, former des ingénieurs métallurgistes, investir dans une industrie de transformation.
Le Rwanda, avec la transformation du café, ou l’Éthiopie, grâce à son industrialisation légère, montrent qu’il existe d’autres voies possibles pour créer de la richesse durable.
Je ne cherche pas à jouer les rabat-joie. Je fais simplement ce que les journalistes sont censés faire : douter. Douter des évidences. Questionner l’euphorie ambiante. Regarder au-delà des apparences.
Et si ce doute dérange, tant mieux. Car c’est précisément en refusant de poser les bonnes questions qu’on transforme les opportunités en mirages — et les ressources, en malédictions.
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