Lundi 29 septembre 2025

Culture

Jimmy Dusabimana : « Les outils traditionnels, notre richesse oubliée »

29/09/2025 0
Jimmy Dusabimana : « Les outils traditionnels, notre richesse oubliée »

À 33 ans, Jimmy Gildas Dusabimana vient de publier « Ak’iwacu », un recueil consacré aux outils traditionnels burundais. Une démarche singulière pour un jeune homme de sa génération, qui souhaite réveiller la conscience culturelle de ses contemporains et préserver un patrimoine en voie de disparition.

Pourquoi avoir choisi d’écrire sur les outils traditionnels en 2025 ?

Nos ancêtres n’ont jamais fréquenté l’école pour apprendre la physique, la chimie ou les mathématiques. Pourtant, ils ont su exploiter remarquablement les matières premières. Ils savaient par exemple détecter la bonne argile pour la poterie, forger le fer avec une expertise impressionnante. En tant que jeune, je pense que ce recueil peut aider à réveiller l’esprit de créativité et d’innovation chez les jeunes d’aujourd’hui.

Quel est votre objectif principal ?

D’abord valoriser la culture burundaise. La majorité des jeunes ont perdu le sens culturel et ne sont plus fiers de nos traditions. L’exemple le plus frappant ? Le nombre grandissant de jeunes qui se battent pour obtenir un passeport et partir ailleurs, en Serbie ou à Dubaï par exemple.

Il y a un écrivain qui m’inspire beaucoup et qui a écrit : « Start with what you have from where you are » – « Commence avec ce que tu as, là où tu es ». Pour développer un esprit créatif, nous n’avons pas besoin de suivre le rythme des autres. Ayons d’abord conscience de la richesse que nous possédons ! Comme l’a dit Martin Luther King : « L’essentiel est d’avancer, peu importe la vitesse. »

Ce recueil existe pour que les connaissances acquises ne disparaissent pas et ne restent pas théoriques, confinées dans les livres d’histoire. C’est aussi un hommage à nos ancêtres.

Avec ce livre, vous voulez laisser une trace pour la postérité ?

Exactement. En 2040, quand j’aurai la cinquantaine, mon enfant aura entre 12 et 13 ans. Qu’est-ce que je pourrai lui montrer comme réalisation concrète ? Avec ce livre, je pourrai lui présenter un ouvrage qui documente et explique les outils traditionnels de nos ancêtres – un héritage tangible.

Selon l’Unesco, certaines connaissances traditionnelles sont menacées par la disparition de leurs détenteurs. Est-ce le cas au Burundi ?

Absolument. Quelle valeur accordons-nous réellement au patrimoine légué par nos ancêtres ? Nous devons d’abord apprendre de cet héritage. Dans nos musées, les conditions de conservation sont déplorables alors que l’utilité de ce patrimoine était incontournable dans le passé.

Le soufflet (Umuvuba) ou encore le grenier (Ikigega) sont des objets totalement inconnus d’un jeune de 30 ans aujourd’hui. Les instruments musicaux traditionnels disparaissent au profit des instruments modernes. Si nous ne prenons pas garde, nous nous retrouverons les mains vides.

Dans la vie quotidienne, beaucoup d’outils ont déjà disparu : le mortier (Isekuro) remplacé par le moulin ; la civière (Inderuzo) remplacée par le brancard ou l’ambulance ; les nattes (Ibirago) remplacées par les matelas, car plus personne ne dort sur une natte, sauf les très pauvres… La liste est longue.

Comment concilier ces outils avec l’avancée technologique ?

Il sera difficile d’aller vers l’avenir si nous ne savons pas d’où nous venons. Nous devenons des consommateurs de produits importés. Mais, pourquoi ne nous inspirons-nous pas de nos outils pour innover ?

Si nous ne parvenons pas à nous développer à partir de nos propres ressources, notre pays risque de sombrer. Il faut valoriser nos biens culturels, rénover nos musées. Il est crucial de connaître nos origines car cela nous permet de nous évaluer.

Si nous ne pouvons pas nous évaluer à partir de l’héritage de nos ancêtres, nous oublierons les sacrifices qu’ils ont consentis pour tracer les routes que nous empruntons quotidiennement. Nous avons besoin de musées historiques et traditionnels dignes de ce nom.

Quels sont les outils qui risquent de disparaître en premier ?

Sans hésitation, l’Umuvuba (soufflet), qui était la base de la forge. Et qui dit forge, dit cultiver, défricher, etc. L’autre outil menacé est l’Ikigega (grenier), indispensable après la récolte pour stocker les produits en vue de la consommation future. Les instruments musicaux sont également en danger, notamment l’Inanga.

Dans quels milieux ces outils subsistent-ils encore ?

Paradoxalement, plusieurs outils ont disparu du milieu rural pour réapparaître en ville sous forme d’objets décoratifs ou lors des cérémonies particulières. Dans de nombreuses maisons urbaines, les outils traditionnels ornent désormais les salons.

Les personnes âgées continuent d’utiliser ces outils et les conservent jalousement contrairement à la nouvelle génération qui s’en désintéresse plutôt.

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