Vendredi 19 décembre 2025

Politique

Interview : « Les accords de Washington peuvent-ils stopper la guerre ? »

19/12/2025 0
Interview : « Les accords de Washington peuvent-ils stopper la guerre ? »

Alors que l’AFC/M23 a annoncé son retrait d’Uvira après avoir pris cette ville stratégique du Sud-Kivu, les accords signés à Washington le 4 décembre dernier suscitent plus de questions que de réponses. Simple mise en scène pour l’administration Trump ou véritable tournant dans la crise des Grands Lacs ? Jason Stearns, Jason Stearns, professeur en relations internationales à l’Université Simon Fraser au Canada et cofondateur d’Ebuteli, Institut de recherche à Kinshasa et fin connaisseur de la région, analyse pour nous les faiblesses de ces accords, les véritables enjeux derrière l’offensive d’Uvira, et les défis sécuritaires qui attendent aussi bien Kinshasa que Bujumbura. Entre manœuvres diplomatiques et réalités du terrain, il plaide pour un changement radical de stratégie : « En plus des incitations, il faudra des pressions politiques et économiques. »

L’AFC/M23 annonce son retrait d’Uvira. Retrait unilatéral ou conditionné ?

Il y avait de la confusion dans cette annonce. Au début, ils parlaient de retrait « unilatéral », ce qui signifie normalement qu’on n’impose pas de conditions à l’autre partie. Mais presque immédiatement après, ils ont clarifié qu’ils se retireraient seulement une fois certaines conditions remplies.

Une force neutre à Uvira : réaliste ou illusoire ?

Ces conditions sont difficiles à mettre en place rapidement. La démilitarisation complète d’Uvira et surtout le déploiement d’une force neutre prendraient beaucoup de temps à organiser.

Qui pourrait être cette force neutre ? La Monusco est déjà disqualifiée…

C’est justement le problème : on ne sait pas qui pourrait constituer cette force neutre. Puisque l’AFC/M23 considère la Monusco comme partie au conflit, il n’est pas du tout clair que ce retrait sera effectué dans les prochains jours et que la situation changera sur place.

Simple manœuvre pour calmer Washington ?

Absolument. Cette annonce visait clairement à apaiser la pression américaine. Rappelons que l’offensive dans la plaine de la Ruzizi puis la prise d’Uvira avaient été préparées et lancées pendant même la cérémonie de signature des accords à Washington. Cela avait beaucoup fâché la médiation américaine. Avant même la prise d’Uvira, Washington envoyait déjà des messages forts à Kigali pour stopper cette offensive.

Kigali craint-il vraiment les sanctions américaines ?

Cette annonce était clairement faite pour influencer les débats en cours à Washington sur les réponses appropriées. Au-delà des messages fermes envoyés par plusieurs leaders américains, dont le secrétaire d’État Marco Rubio, il y a des discussions sérieuses sur des sanctions qui pourraient être assez fortes contre le Rwanda.

Quelles sanctions inquiètent le plus le Rwanda ?

Notamment la mise sous sanctions de plusieurs autres hauts gradés de l’armée rwandaise, et aussi de compagnies rwandaises comme Gasabo Gold. Si on visait une compagnie ou des institutions rwandaises, ça pourrait avoir un impact significatif sur le Rwanda. Cette annonce constitue donc un rétropédalage par rapport à l’offensive d’Uvira, destiné à apaiser la pression américaine.

Washington, 4 décembre : signature historique ou mise en scène ?

Les accords de Washington avaient déjà été plus ou moins signés avant. L’accord de paix avait été signé par les ministres des Affaires étrangères en juin. L’Accord-cadre d’intégration régionale avait aussi été préparé et conclu auparavant. Le 4 décembre, il s’agissait d’une cérémonie pour célébrer tout cela. C’était du show, typiquement Trump : annoncer au monde, prendre des photos avec les chefs d’État, organiser une grande cérémonie pour annoncer la paix.

Quelle est la substance réelle de ces accords ?

La substance existait déjà bien avant, c’est la première chose à dire. La deuxième, c’est que cette substance n’entérine pas la paix effective dans la sous-région.

Déclaration d’intentions ou engagement contraignant ?

C’est plutôt une déclaration d’intentions de part et d’autre. Par exemple, l’Accord-cadre sur l’intégration régionale contient beaucoup d’intentions, de grandes ambitions : construction de routes, d’un barrage hydroélectrique sur la Ruzizi, projets miniers à l’est de la RDC impliquant un raffinage au Rwanda. Mais tout cela ne pourrait être mis en œuvre que si le Rwanda se retire de la RDC. La RDC était très claire sur ce point. C’est un accord qui ne deviendra pertinent qu’une fois la paix établie en RDC.

Et cette paix dépend à la fois de l’accord signé à Washington et du processus en cours à Doha entre l’AFC/M23 et le gouvernement congolais. Car même si on avance dans le processus de Washington, le Rwanda pourra toujours dire qu’il ne contrôle pas le M23 et qu’il n’est pas responsable de ses avancées sur le terrain. Voilà les faiblesses des Accords de Washington.

Beaucoup de bruit pour rien finalement ?

Malgré ces faiblesses, cet accord est prometteur dans la mesure où, s’il est mis en œuvre, il reprend l’essentiel de presque tous les accords précédents entre la RDC et le Rwanda : la RDC promet d’agir contre les FDLR tandis que le Rwanda, simultanément – ce mot était très controversé –, se retire de la RDC ou revoit ses mesures de défense. Si on arrive à avancer sur cette dynamique, ça peut effectivement avoir un impact sur le terrain.

La RDC peut-elle vraiment agir contre les FDLR tout en combattant le M23 ?

Le problème, c’est que ça avance très lentement. La RDC mène quelques actions contre les FDLR, mais assez peu. La collaboration sur le terrain continue parce que l’armée congolaise se dit : « C’est notre partenaire, on ne peut pas chasser nos alliés tant que l’ennemi avance. » Du côté rwandais, on ne fait presque rien non plus.

D’ailleurs, toute l’offensive vers Uvira a été menée en collaboration avec les troupes rwandaises, ou plutôt organisée et pilotée par elles sur le terrain. C’est du moins ce que rapportent les témoins sur place.

Ces accords ont-ils la moindre chance d’être appliqués ?

Tout dépend de la pression internationale. Je vois mal le M23, qui contrôle maintenant effectivement un vaste territoire – environ 10 millions de personnes : Goma, Bukavu, Uvira, Rutshuru, une grande partie de Walikale –, céder tout cela sans recevoir quelque chose en contrepartie. Le gouvernement congolais, de son côté, n’est pas prêt à compromettre quoi que ce soit ni à céder une partie de sa souveraineté. Quand on regarde les demandes du M23 – fédéralisme, nouvelles élections, partage du pouvoir, départ de Tshisekedi –, on voit que tout cela n’est même pas un début de négociation à Kinshasa.

Pourquoi Kigali lâcherait-il prise maintenant ?

Le Rwanda a dépensé beaucoup d’argent, perdu beaucoup de vies humaines – certainement des centaines, sinon plus, de soldats rwandais sont morts sur le terrain. Le Rwanda a des intérêts stratégiques et économiques en RDC. Je le vois mal abandonner tout cela sans obtenir de grandes concessions de Kinshasa. On est loin de concevoir un compromis entre ces différents acteurs.

La diplomatie suffit-elle face aux intérêts en jeu ?

La médiation qatarie est très faible. Washington pense pouvoir inciter les parties à conclure un accord uniquement avec des incitations économiques – cet accord-cadre d’intégration, les accords bilatéraux entre Washington, Kigali et Kinshasa. Je ne pense pas que ce soit faisable. En tout cas, jusqu’ici, on ne voit ni à Kinshasa ni à Kigali la volonté d’avancer.

Faut-il passer des incitations aux sanctions ?

En plus des incitations, il faudra des pressions politiques et économiques de la part des bailleurs de fonds. L’épisode d’Uvira nous a peut-être poussés à voir que le processus actuel ne marche pas. Faut-il un autre mélange de bâtons et de carottes ? J’espère qu’il y aura des réflexions sérieuses à ce sujet dans les capitales des bailleurs de fonds, mais aussi à Kinshasa et à Kigali, pour affronter la réalité.

On est dans une impasse sur le terrain. Soit on résout cette impasse avec créativité et un nouvel équilibre entre pressions et incitations à la paix, soit le processus de paix cède face à la guerre. Si Washington n’avance pas, on retournera forcément à la guerre. L’avancée vers Uvira ces dix derniers jours l’a prouvé. La balle est maintenant dans le camp des bailleurs de fonds, et surtout des États-Unis.

Des dizaines de milliers de Congolais fuient vers le Burundi. Qu’est-ce que cela révèle ?

C’est dû à la guerre. Quand il y a la guerre, les gens fuient. Ils fuient aussi les recrutements forcés. Au Nord-Kivu, le M23 s’est rendu coupable de nombreux abus : recrutements forcés, ciblage de membres de la société civile, etc. Pour beaucoup de Congolais, c’est avec peur qu’ils ont accueilli ce mouvement rebelle au Sud-Kivu. Ils ont de l’expérience : le RCD a occupé le Sud-Kivu pendant cinq ans, et avant lui l’AFDL. Tous ces mouvements rebelles sont venus avec des troupes rwandaises et des partenaires congolais.

Libérateurs ou occupants ? Comment les populations du Sud-Kivu voient-elles le M23 ?

Ces mouvements rebelles, pour la plupart des gens sur le terrain, n’ont pas été considérés comme des libérateurs, à part peut-être l’AFDL au début, en 1996. Ils étaient surtout perçus comme des mouvements d’occupation. On n’a pas mené de sondage au Sud-Kivu, donc je ne peux pas répondre précisément sur l’opinion populaire vis-à-vis du M23. Ce qu’on peut dire, c’est que dans certaines communautés, notamment chez les Banyamulenge au Sud-Kivu, ils ont probablement plus de popularité qu’ailleurs.

Cela s’explique par le conflit acharné entre miliciens banyamulenges et miliciens d’autres communautés, devenu très brutal pour la population locale banyamulenge ces dernières années. Ils pourraient voir dans cette occupation une stabilité, même précaire. Mais il faut souligner que les relations entre la communauté banyamulenge et le Rwanda sont tendues depuis assez longtemps, donc eux aussi regarderont ce mouvement avec scepticisme.

Au-delà des Banyamulenge, quelle est l’attitude des autres communautés ?

Les Banyamulenge représentent un petit pourcentage de la population du Sud-Kivu. Pour les autres communautés, j’imagine que le M23 sera perçu avec beaucoup de méfiance, à cause de la longue histoire de violence à l’est de la RDC, dans laquelle le Rwanda et ses partenaires locaux ont été impliqués.

Les Wazalendo : solution militaire ou bombe à retardement ?

Le phénomène Wazalendo, institutionnalisé maintenant par le gouvernement congolais via la création légale de la réserve de défense, est devenu un sérieux problème, une hypothèque pour l’avenir de la RDC. On a armé des dizaines de milliers de jeunes à l’Est qui ne sont pas formés, qui ont de graves problèmes de discipline, qui n’ont pas de chaînes de commandement claires, et qui sont recrutés souvent selon leur affiliation ethnique.

Tout cela fait du phénomène Wazalendo un grand problème pour l’avenir de la RDC, et déjà pour la population locale. C’est vraiment un signe de la faiblesse de l’armée congolaise et du gouvernement, qui recourent à ce genre de milices, à l’alliance avec les FDLR, à la sous-traitance du conflit à des compagnies de mercenaires privés. Tout cela signale une faiblesse étatique, une faiblesse de l’armée congolaise, et c’est un très mauvais signe pour l’avenir de la RDC en termes de stabilité et de sécurité.

Ces combattants Wazalendo au Burundi : menace sécuritaire ?

La présence des FARDC et des Wazalendo sur le sol burundais pourrait effectivement constituer un problème pour la population locale si on ne les nourrit pas, si on ne les désarme pas, s’ils commencent à harceler les habitants. Mais le plus grand défi sécuritaire pour le gouvernement burundais, ce n’est probablement pas ça.

Le vrai danger pour Bujumbura ne vient-il pas plutôt de sa propre armée ?

C’est la gestion de la frustration et des griefs de leur propre armée, déployée en RDC dans des conditions très difficiles. Le gouvernement burundais a été récompensé financièrement, même s’il n’y a pas eu de grande transparence là-dessus. Mais il a probablement perdu des centaines, voire beaucoup plus de soldats en RDC, ce qui a créé des frustrations. Pour Évariste Ndayishimiye, c’est toute l’armée qu’il faudra gérer, surtout dans le contexte d’une crise socio-économique profonde qui sévit dans le pays. C’est un problème parmi d’autres.

Conflit existentiel ou erreur stratégique ?

Nombre de Burundais estiment que les autorités burundaises ont fait une erreur en s’engageant dans cette guerre à l’Est de la RDC. De plus, ils se demandent pourquoi leur pays n’est jamais mentionné dans les négociations alors que lui aussi paie un lourd tribut dans cette guerre. Décryptage avec Jason Stearns, professeur en relations internationales à l’Université Simon Fraser au Canada et cofondateur d’Ebuteli, Institut de recherche à Kinshasa

Pour ce chercheur, la dimension rwando-burundaise est souvent négligée dans les analyses internationales. « Le Burundi considère la guerre en RDC comme un conflit presque existentiel, dans le sens où si le Rwanda gagne, si le M23 gagne sur le terrain, le gouvernement burundais pourrait considérer ça comme une menace à sa survie. »

D’après lui, le régime de Gitega estime que si le M23 continue son occupation d’Uvira, il pourra étouffer l’économie burundaise qui subit déjà une situation socio-économique très difficile. « Et maintenant, Uvira est contrôlée par des forces qui se disent ennemies par rapport au régime de Gitega. Il faut comprendre la participation des forces burundaises dans ce conflit dans ce sens. Et cela date du coup d’État raté de 2015, dans lequel le Burundi pense que le Rwanda a été impliqué. »

Selon Jason Stearns, l’implication burundaise s’est intensifiée à l’Est de la RDC après ce coup d’État manqué à cause de la présence là-bas du mouvement rebelle Red Tabara et d’autres groupes armés hostiles au Burundi, et alliés, au moins à cette époque-là, au Rwanda. « Cette guerre avec le M23 est une culmination d’un conflit qui date d’au moins 2015. »

Selon le chercheur, il s’agit aussi d’une lutte existentielle pour le président Paul Kagame, dans le sens où il voit le Burundi en alliance avec des forces qui veulent le chasser du pouvoir. « Ndayishimiye et Tshisekedi ont fait des déclarations dans ce sens. Ces déclarations, au moins, montrent le degré de sévérité, le sérieux que les trois chefs d’État portent à ce conflit. »

Une erreur stratégique du Burundi ?

« Maintenant, on a l’impression que oui. Ce n’était pas cette impression qu’on avait en 2015, ni en 2022, quand les forces burundaises ont intensifié leurs opérations à l’Est de la RDC, et ont porté main-forte à l’armée congolaise dans leur lutte contre le M23 et l’armée rwandaise. »

Lorsque ce conflit se limitait au Nord-Kivu, estime le professeur, le Burundi pensait que c’était une répétition, peut-être, de la première rébellion du M23 en 2012-2013, et que ce conflit pourrait être limité là. « Mais aujourd’hui, il paraît que ce conflit, qui maintenant a conquis pas seulement Bukavu, mais aussi Uvira, pourrait menacer la stabilité et la survie du gouvernement de Gitega. »

Le Burundi absent des négociations

Depuis plusieurs mois, les activistes de la société civile et d’autres Burundais fustigent le gouvernement burundais et ils ne comprennent pas pourquoi il n’est jamais invité dans les discussions alors que des enfants du pays tombent chaque jour sur le sol congolais.

Jason Stearns reconnaît que le processus de paix en cours a beaucoup été critiqué, car limité à seulement le Rwanda, la RDC et le M23, contrairement à la dynamique initiale de 2022, autour de la Communauté de l’Afrique de l’Est, qui était plus inclusive.

« Cette inclusion aussi a frustré des gens dans le sens où il y avait trop d’acteurs. Je pense que parmi les approches des États-Unis, c’était de limiter le nombre d’acteurs dans le processus de paix. Ayant parlé avec certaines personnes impliquées dans le processus de paix, l’idée est d’essayer de trouver un compromis entre ces trois acteurs d’abord et par après, le processus pourra être élargi aux autres acteurs. Ils trouvent que cela sera plus facile de trouver un accord. »
Pour Jason Stearns, le grand risque actuellement est que l’armée congolaise, ensemble avec leurs alliés Wazalendo et l’armée burundaise, essaye de reprendre Uvira. « Mais voyons ce qui va se passer. Je pense qu’il y a de fortes pressions pour qu’il y ait une désescalade actuellement afin que les acteurs rentrent dans le processus de paix. »

RDC

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