Samedi 27 avril 2024

Économie

Interview exclusive avec Mary Porter Peschka : « Améliorer la compétitivité des entreprises publiques contribuerait à attirer davantage d’investissements privés »

06/12/2023 Commentaires fermés sur Interview exclusive avec Mary Porter Peschka : « Améliorer la compétitivité des entreprises publiques contribuerait à attirer davantage d’investissements privés »
Interview exclusive avec Mary Porter Peschka : « Améliorer la compétitivité des entreprises publiques contribuerait à attirer davantage d’investissements privés »

En marge du 2ème Forum national du secteur privé (Umuzinga Day), la directrice régionale pour l’Afrique de l’Est d’International Finance Corporation (IFC), une branche de la Banque mondiale en charge du secteur privé, s’est entretenue avec Iwacu. Une occasion de faire un tour d’horizon des problèmes qui hantent ce secteur.

Globalement, comment évaluez-vous l’investissement du secteur privé dans l’économie du Burundi ?

Une chose est sûre : pour favoriser une croissance inclusive et la création d’emplois, le pays doit miser aujourd’hui sur le secteur privé. Ceci pour vous signifier combien sa place devient grandissante dans l’économie burundaise. C’est d’ailleurs le genre d’initiatives qu’IFC soutient.

C’est-à-dire une stratégie qui vise à contribuer dans la création des emplois et des opportunités. C’est dans ce cadre qu’intervient IFC. Nous travaillons avec les institutions financières du Burundi pour les aider à augmenter les prêts qu’elles accordent aux entreprises locales.

Parmi les autres interventions d’IFC figure, un nouveau programme dénomme “Local champions initiative”. C’est un programme que nous avons lancé en vue de fournir une assistance sous forme de conseils aux entreprises burundaises. L’objectif : les aider à se développer et à être plus bancables.

Concrètement ?

L’idée, c’est de mettre un accent sur certains secteurs-clés. Les plus prometteurs en matière d’investissement sont l’agriculture, la finance, et les infrastructures.

Avec environ 80 % de la population travaillant dans l’agriculture, ce secteur est essentiel au développement futur du pays et bénéficierait d’investissements permettant d’améliorer la productivité et l’accès aux marchés, notamment dans les filières du thé, du café et du coton.

Les petites entreprises du pays sont aussi dynamiques, mais elles ont besoin d’un meilleur accès au financement et de soutien pour se développer. Enfin, alors que la population du Burundi augmente, la demande en énergie et en infrastructures numériques s’accélère et génère également des opportunités d’investissement.

La transition de l’informel vers le formel reste un grand défi pour les microentreprises burundaises. D’après vous, qu’est-ce qui devrait être fait ?

Il faut savoir que les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) et le secteur informel sont essentiels à la croissance économique et à la création des emplois. Par rapport à cela, vous saurez qu’on estime que neuf entreprises sur dix sont des MPME, lesquelles contribuent en moyenne à 50 % du PIB dans les économies émergentes et à plus de 60-70 % à la création des emplois.

Par ailleurs, une étude récente de la Banque mondiale a révélé que le secteur informel représentait plus de 70 % de l’emploi total — et près d’un tiers du PIB — dans les marchés émergents et les économies en développement. En pourcentage du PIB, c’est en Afrique subsaharienne que le secteur informel est le plus important : il représente en effet 36 % du PIB de la région.

Toutefois, le manque de financement reste un grand défi…

Malheureusement, le manque d’accès au financement et aux marchés reste l’un des principaux obstacles auxquels sont confrontées les petites entreprises, en particulier dans le secteur informel.

Et à ce niveau, les enquêtes menées par IFC auprès de petites entreprises dans plusieurs pays d’Afrique sont plus évocatrices. Elles ont montré que les entreprises informelles sont moins susceptibles de disposer d’un compte bancaire et que leurs clients sont plus enclins à payer en espèces.

C’est dans ce cadre que nous nous attelons à réduire l’informel. Pour ce, nous pouvons améliorer l’accès à la formation professionnelle, aux marchés et au financement afin que les travailleurs et les entreprises du secteur informel puissent intégrer le secteur formel.

Les recherches d’IFC montrent également que l’accès aux services financiers numériques peut favoriser l’accès aux services bancaires formels, ce qui est primordial pour favoriser la transition d’une économie informelle à une économie formelle.

Sinon, que faut-il faire pour améliorer l’environnement des affaires et attirer davantage d’investissements au Burundi ?

A ce propos, il ne fait aucun doute qu’un environnement adéquat est important pour soutenir les investissements du secteur privé et attirer les investisseurs étrangers.

Dans ce sens, IFC collabore avec la Banque mondiale pour aider le gouvernement à envisager des réformes qui permettraient à IFC ainsi qu’à ses partenaires d’accroître leurs investissements au Burundi. Le forum, Umuzinga Day s’inscrit dans ce processus.

C’est un espace pour poursuivre les discussions sur ce que les secteurs privé et public peuvent faire ensemble pour tirer parti des vastes opportunités offertes par le pays.

Nous suivons de près les efforts des autorités burundaises dans la réforme du marché de change. Il s’agit d’une étape importante, qui contribuera à renforcer la confiance des investisseurs et à promouvoir la croissance économique.

Pour revenir à votre question, il faut savoir que les infrastructures abordables et fiables sont également indispensables pour attirer les investissements. Dans le secteur de l’énergie, le gouvernement a travaillé sur des réformes et des réglementations afin d’ouvrir le secteur à un plus grand nombre d’investissements privés. Le pays a déjà ouvert le secteur de l’énergie à la participation du secteur privé et œuvre à d’importantes réformes de la société publique, Regideso.

Quid de ces investissements ?

Dans le domaine de l’énergie, IFC fournit un financement pour soutenir la phase initiale de développement du projet hydroélectrique de Tembo qui, une fois mis en œuvre, augmenterait de 14 % la quantité d’électricité fournie au réseau du pays. IFC est prête à soutenir d’autres initiatives visant à améliorer l’accès à l’électricité.

Par rapport aux autres États membres de la CAE, le Burundi reste le pays avec le moins d’industries de transformation. Y a-t-il un moyen d’inverser la tendance ?

Des investissements privés visant à moderniser, diversifier et développer le secteur agroalimentaire aideraient le Burundi à être compétitif sur les marchés internationaux. L’économie burundaise a besoin d’investissements du secteur privé, par exemple dans la transformation des aliments, les emballages biodégradables et le recyclage des déchets. D’autres opportunités existent pour substituer les importations. En améliorant ses chaînes de valeur, le Burundi pourrait considérablement approfondir et formaliser ses échanges commerciaux en Afrique de l’Est.

Améliorer la compétitivité des entreprises publiques contribuerait à attirer davantage d’investissements privés dans le segment de la transformation, par exemple. Actuellement, le secteur agricole burundais est dominé par de grandes entreprises publiques et de petits exploitants agricoles, qui pratiquent une agriculture de subsistance. De ce fait, les investissements dans le secteur de la transformation sont limités. Alors que l’activité du secteur privé s’intensifie, les réformes visant à améliorer la compétitivité des entreprises publiques faciliteraient l’activité du secteur privé, y compris à travers des partenariats public-privé.

Le secteur minier, le café et le thé constituent les principales sources de devises, mais selon plusieurs rapports, ils restent sous-exploités. Que faut-il faire ?

Si les ressources naturelles sont bien gérées, l’exploitation minière pourrait changer la donne pour le développement économique du Burundi. Le pays possède d’importants gisements connus de nickel et d’autres métaux utilisés dans l’industrie de l’acier et de l’acier inoxydable, y compris des terres rares magnétiques de haute qualité.

Je vous assure que bien que l’exploitation minière ne représente pas la majeure partie de l’activité économique du Burundi, elle constitue néanmoins une part importante des exportations du pays et une grande source de devises.

L’IFC et la Banque mondiale mènent actuellement une étude approfondie du secteur minier burundais qui, une fois achevée, proposera des recommandations sur la manière de développer l’investissement responsable dans le secteur minier.

D’autres secteurs que le gouvernement devrait développer ?

Le tourisme. Au vu de l’incroyable diversité des paysages, des parcs naturels, et de la faune et de la flore du pays. C’est un secteur, s’il est bien exploité pourrait également favoriser la création d’emplois et générer des recettes en devises. L’autre volet, c’est le renforcement du secteur financier burundais. L’objectif, c’est impulser un effet d’entraînement positif sur l’ensemble de l’économie.

Dans ce sens, IFC travaille déjà avec la CRDB Bank et l’Interbank Burundi pour améliorer l’accès au financement, tant pour le commerce que pour les petites entreprises.

Sou peu, nous prévoyons de lancer d’autres programmes visant à soutenir la croissance des entreprises locales, avec un accent particulier sur l’entrepreneuriat féminin.

Favoriser l’adoption des technologies et investir dans ces dernières pour moderniser l’économie, tirer parti des technologies numériques et améliorer les systèmes logistiques et les infrastructures pour le commerce et le transport constituent aussi d’autres grandes opportunités d’investissement.

Lors du 1er jour d’Umuzinga Day

Propos recueillis Hervé Mugisha

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