Mercredi 18 juin 2025

Santé

Interview exclusive avec Gédéon Fatirisigaye : « L’auto-injection permet aux femmes de gérer leur contraception de manière autonome »

18/06/2025 0
Interview exclusive avec Gédéon Fatirisigaye : « L’auto-injection permet aux femmes de gérer leur contraception de manière autonome »

Au Burundi, l’introduction de l’auto-injection contraceptive marque une avancée significative dans l’autonomisation des femmes en matière de santé reproductive. Gédéon Fatirisigaye, infirmier titulaire au centre de santé Jani à Muyinga témoigne des bienfaits de cette méthode qui permet aux femmes de gérer leur contraception de manière autonome selon leur besoin et emploi du temps.

Pouvez – vous nous présenter brièvement la méthode de contraception par auto-injection ?

La contraception par auto–injection est une méthode hormonale moderne destinée aux femmes, leur permettant de s’administrer elles-mêmes une injection contraceptive, généralement tous les trois mois, sans l’intervention directe d’un professionnel de la santé.

Le contraceptif utilisé dans cette méthode est une version sous-cutanée d’acétate de médroxyprogesterone présente dans un dispositif prérempli comme sayanna press. L’injection est directement envoyée dans le tissu sous cutané, généralement au niveau de la face antérieure de la cuisse, du ventre ou du bras. Ce dispositif combine une seringue et une aiguille fine, facile à manier.

Depuis quand cette méthode est-il disponible au Burundi ?

La méthode est disponible au Burundi depuis 2020, mais ici dans notre centre, ce n’est qu’en 2022 que nous avons commencé à recevoir des formations sur cette méthode pour qu’à notre tour, nous puissions informer et former les femmes et les accompagner dans cette nouvelle pratique.

Quels sont les principaux avantages de cette méthode pour les utilisatrices ?

Cette méthode est facile à utiliser notamment parce qu’elle ne demande pas de compétences médicales avancées. Une fois que la femme a été bien formée, elle peut s’administrer elle-même l’injection sans avoir besoin de se rendre à chaque fois au centre de santé.

Ce qui lui permet de gagner du temps et d’éviter les déplacements vers les centres de santé. D’ailleurs, récemment, il y a eu d’autres séances de formation pour apprendre aux utilisatrices comment elles peuvent s’injecter chez elles.

En plus, l’injection se fait avec une petite aiguille sous la peau. Ce qui rend la procédure moins douloureuse. Cette méthode présente aussi moins d’effets secondaires chez certaines patientes. Cela dépend de chaque utilisatrice parce que nos organismes ne réagissent pas de la même manière aux médicaments.

C’est tout ?

La discrétion et l’autonomie sont aussi des avantages liés à l’auto-injection.
Discrétion parce que dans certains milieux et pour certains, la contraception est encore considérée comme un sujet tabou à cause de la stigmatisation qui l’entoure. Au début, on formait d’abord les leaders communautaires qui, ensuite, transmettaient l’information aux utilisatrices.

Aujourd’hui, on forme directement chaque femme qui vient au centre de santé pour qu’elle puisse l’utiliser elle-même chez elle afin d’éviter qu’elle ait à se montrer ou à passer par plusieurs intermédiaires ou des visites régulières au centre de santé.

Autonome parce que cette méthode permet aux utilisatrices de gérer elles-mêmes leur contraception sans dépendre d’un professionnel de la santé pour chaque injection, car on leur donne les outils nécessaires pour l’auto-injection.

Vous avez parlé de mois d’effets secondaires pour certaines. Quels sont ces effets ?

Comme toute méthode hormonale, l’auto-injection peut entrainer certains effets secondaires chez certaines utilisatrices et leur intensité varie selon les femmes. La plupart restent gérables et réversibles.

Ces effets sont notamment l’aménorrhée qui est une absence de menstruations pendant l’utilisation de cette méthode. Cet effet n’est pas grave médicalement et il est lié à l’action de l’hormone. Et une fois la méthode arrêtée, tout redevient normal. Par exemple, je connais une femme qui n’a pas connu ses règles pendant 3 ans parce qu’elle était sous cette contraception. Mais quand elle a arrêté, ses règles sont revenues et elle a pu même tomber enceinte.

Chez certaines, une prise de poids progressive peut survenir.Si une femme commence à dépasser 70 kg, c’est important qu’elle consulte un professionnel de la santé dans ce cas pour voir si elle peut changer de méthode.

Quoi d’autres?

Des saignements irréguliers appelés métrorragies peuvent apparaitre surtout pendant les premiers mois d’utilisation. Il peut s’agir de petites pertes de sang entre les cycles. Si ce symptôme persiste, il est recommandé de consulter toujours un professionnel de la santé.

Il y a aussi des céphalées ou maux de tête dus à la modification hormonale. La fréquence et l’intensité varient d’une femme à l’autre. En cas de douleurs persistantes, on les conseille de venir au centre de santé. On peut proposer des solutions ou réévaluer la méthode.

Il y a aussi l’acné. Bien que moins fréquente, la peau de certaines femmes peut manifester des boutons, des points noirs ou des kystes. C’est souvent passager et ça diminue avec le temps. Mais en cas d’aggravation, il est conseillé de venir au centre de santé pour voir s’il faut continuer ou trouver d’autres alternatives.

Chaque fois qu’un effet secondaire apparait, même léger, c’est toujours important de consulter un professionnel de la santé pour recevoir des conseils ou un traitement adapté.

Quelles sont les contre-indications liées à l’utilisation de l’auto-injection ?

L’auto-injection n’est pas recommandée aux adolescentes ou aux très jeunes filles qui n’ont pas encore terminé leur développement car, cette méthode peut avoir un impact négatif sur leur développement ainsi que sur leur santé.

Les femmes aussi qui prennent certains médicaments de manière régulière surtout celles qui ont des maladies chroniques. Certaines interactions médicamenteuses peuvent diminuer l’efficacité du contraceptif ou provoquer des effets indésirables. Par exemple, les femmes qui prennent un traitement pour des maladies chroniques comme l’épilepsie, la tuberculose, ou le VIH.Elles doivent en informer le médecin ou l’infirmier pour s’assurer que la méthode est compatible avec le traitement en cours parce que certaines ne disent rien quand elles viennent.

Les femmes aussi qui n’ont jamais accouché Pour ces femmes, les professionnels de santé peuvent privilégier d’autres méthodes contraceptives car certains effets secondaires comme l’aménorrhée prolongée ou les retards de retour à la fertilité après l’arrêt peuvent susciter des inquiétudes ou interférer avec un projet de maternité future.

Comment cette méthode est perçue par les utilisatrices ?

La méthode d’auto-injection est généralement bien perçue par une partie des utilisatrices. Certaines la saluent disant que ça leur facilite la tâche comme je l’ai dit. Elles apprécient le fait de ne plus devoir se déplacer régulièrement au centre de santé et de pouvoir gérer leur contraception elles-mêmes. Mais, les réactions sont partagées. Il y’en a d’autres qui nous parlent des effets secondaires remarqués et ça nous permet de les accompagner et d’ajuster selon les besoins.

Au-delà des effets secondaires réels, elles évoquent aussi des rumeurs dans certaines communautés. Certaines disent avoir entendu que cette méthode cause le cancer ou d’autres problèmes graves. Mais,ce sont des informations non vérifiées transmises de bouche à oreille.

Dans une communauté, les rumeurs naissent facilement surtout lorsque l’information fiable n’est pas véhiculée. C’est pourquoi j’insiste sur le fait que le mieux c’est de se renseigner toujours auprès d’un professionnel de la santé plutôt que de croire tout ce qu’on entend dans la communauté.

Depuis l’introduction de cette méthode quelle est votre appréciation par rapport à l’adhésion dans votre zone ?

Son utilisation s’est intensifiée progressivement notamment pour sa praticité. On commence à observer une utilisation fréquente allant de 50 à 60 % des femmes qui viennent pour la planification familiale. Ce chiffre même s’il est estimatif, montre que l’auto-injection est en train de gagner du terrain parmi les différentes options contraceptives disponibles.

On peut s’attendre à ce que l’utilisation de cette méthode continue d’augmenter dans les années à venir ?

Oui, dans les années à venir, avec une sensibilisation croissante et des formations continues, chaque femme pourra utiliser la contraception d’auto-injection de manière totalement autonome sans difficulté et en toute confiance. Cette évolution marque un pas important vers une planification familiale plus libre, plus discrète et plus adaptée aux besoins des femmes qu’elles vivent en ville ou en milieu rural.

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