Le 11 juillet de chaque année, c’est la Journée mondiale de la population. Elle est dédiée à la sensibilisation sur la croissance démographique, entre autres. Au Burundi, le taux de fécondité est de 5,5 enfants par femme. Evariste Ngayimpenda, historien et démographe, explique les implications de ce phénomène.
Comment expliquez-vous la forte croissance démographique au Burundi ?
La forte croissance démographique au Burundi est un phénomène historique. Le Burundi, comme l’Ouganda et certains espaces de l’Est de la RDC, font partie de ce qu’on appelle des nids de peuplement. C’est-à-dire que le niveau de peuplement a toujours contrasté avec celui du reste de l’Afrique en général.
Deuxièmement, le relief du Burundi permet une bonne santé démographique. Même si aujourd’hui, le taux de célibat définitif s’est légèrement élevé, tout le monde cherche à se marier et exerce la procréation aussi longtemps que possible. La contraception reste relativement peu pratiquée.
Quel est l’impact de cette croissance sur les ressources naturelles du pays (terre, eau, forêts) ?
L’impact, c’est une forte consommation de ces ressources. Car cette croissance démographique ne s’accompagne pas d’une modernisation de nos structures économiques.
Nous continuons à dépendre d’une terre exploitée de manière rudimentaire. Ainsi, l’augmentation de la production nécessaire pour soutenir cette croissance repose sur l’extension des terres cultivables.
Or, cette extension a pratiquement atteint ses limites sur la majeure partie du territoire national. Le maintien d’un niveau de production capable de supporter le peuplement et le rythme de croissance démographique repose désormais sur la surexploitation des terres.
Nous sommes contraints de grignoter sur les réserves naturelles, notamment les forêts, mais aussi sur les terrains marginaux à fort risque. Cela provoque souvent des accidents et des glissements de terrain.
La conséquence sur l’eau, c’est que nous nous retrouvons dans une situation très paradoxale. Le pays est exposé à la fois au risque de ruissellement des eaux et au manque d’eau. Nous n’avons plus suffisamment de couverts végétaux pour permettre une infiltration efficace des eaux.
La croissance démographique actuelle est-elle soutenable à long terme selon vous ?
Oui et non. Non, car cela semble évident. Les projections les plus crédibles situent la population du Burundi entre 15 et 25 millions d’habitants d’ici 2050. Mais le problème n’est pas tant le chiffre, que la capacité de nos structures économiques.
Si elles restent telles qu’elles sont, on peut légitimement se demander si le Burundi pourra supporter une telle population.
Il risque d’y avoir ce qu’on appelle des « freins malthusiens ».
Cela signifie que plus la population augmente sans une croissance parallèle des ressources, plus la faible disponibilité de ces ressources poussera à la dépendance.
Il y aura davantage d’épidémies, une hausse de la criminalité etc. C’est déjà perceptible. Les médias rapportent de plus en plus d’histoires d’enfants qui tuent leurs parents pour des raisons d’héritage foncier. C’est un exemple typique de frein malthusien.
J’ai mené une étude sur la violence en 2008–2009. Contrairement à ce que l’on croit souvent, la première cause de violence au Burundi est liée aux conflits fonciers. Cela explique une grande part de la criminalité, même si d’autres facteurs peuvent entrer en jeu.
La population peut continuer à croître, mais cela comporte de nombreux risques à savoir une mauvaise qualité de vie, une alimentation médiocre, la perte d’une éducation de qualité (ce qui est déjà le cas), l’incapacité à accéder à des soins de santé adéquats, des problèmes d’emploi et de logement, surtout en milieu urbain. La population peut augmenter mais les structures de production devraient suivre la cadence.
Quelles sont les projections démographiques pour le Burundi d’ici 2030 ou 2050 ?
Selon les résultats provisoires, le taux d’accroissement est de 2,7 %. Même si l’on retient un taux de 2,5 %, cela entraîne un doublement de la population en 28 ans. Nous sommes en 2025, ce qui signifie qu’en 2053, la population pourrait atteindre 27 millions d’habitants.
Le pays bénéficie-t-il d’un dividende démographique ou, au contraire, fait-il face à une pression sur les services ?
En théorie, le pays devrait bénéficier d’un dividende démographique. Le Burundi a une forte proportion de population en âge de travailler.
Mais cela ne suffit pas. La population n’est qu’un facteur de production parmi d’autres.
Il faut d’abord qu’elle soit bien nourrie. Est-ce le cas au Burundi ? J’en doute. Ensuite, qu’elle ait accès aux soins de santé. Est-ce le cas ? Pas vraiment. Enfin, elle doit avoir accès à une éducation de qualité.
Ce n’est plus le cas non plus. Tout dépend de l’environnement dans lequel évolue cette population : capacité de l’État à organiser efficacement sa population,gouvernance,lutte contre la corruption,accès aux opportunités régionales et mondiales. Or, cette jeunesse n’est pas préparée. Elle est confrontée au chômage et le pays rate souvent les opportunités offertes par le contexte mondial.
Quel est le taux de dépendance actuel et quelles en sont les implications économiques ?
En 2008, 45 % de la population avait moins de 15 ans. Environ la moitié de la population du Burundi avait moins de 16 ans et demi.
Aujourd’hui, les données n’ont probablement pas beaucoup changé, car la structure démographique évolue lentement.
Le taux de fécondité est toujours élevé : 5,5 enfants par femme (contre 6,4 il n’y a pas longtemps). Dans la plupart des pays africains, il se situe autour de 3 à 4 enfants par femme.
Le poids combiné des jeunes et des personnes âgées (dépendants) devient un fardeau pour les adultes.Les structures économiques ne se sont pas améliorées.
Le niveau d’investissement est toujours faible.
Même la productivité des adultes actifs reste limitée. Ils ont peu de moyens pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs proches.
Que faire pour équilibrer la croissance démographique avec le développement socio-économique ?
Les pouvoirs publics doivent organiser la population de manière à tirer parti des opportunités disponibles, d’où qu’elles viennent. Cela suppose une ouverture plus large,un personnel diplomatique plus avisé, plus offensif et mieux connecté aux milieux économiques des pays partenaires, une reforme du système scolaire, de la base jusqu’à l’université.C’est ainsi que le pays pourra former une main-d’œuvre de qualité.
Selon vous, quels sont les secteurs les plus urgents à renforcer pour faire face à cette dynamique démographique ?
Le secteur électrique, celui de l’urbanisation, la gouvernance ainsi que la planification démographique.
Les résultats provisoires du recensement édition 2024
D’après Nicolas Ndayishimiye, la population totale du Burundi est de 12 332 788 habitants. Selon les données du dernier Recensement général de la population, de l’habitat, de l’agriculture et de l’élevage (RGPHAE), on compte 5 901 069 hommes et 6 431 719 femmes.
Le taux d’accroissement annuel est de 2,7 % entre le recensement de 2008 et celui de 2024. La proportion de la population burundaise âgée de moins de 15 ans est de 45 % selon le RGPHAE 2024.
Le taux de fécondité au Burundi est de 5,5 enfants par femme, selon la 3e Enquête Démographique et de Santé de 2016/2017 (EDSB-III), contre 6,4 enfants par femme selon l’EDSB-II de 2010.
« La fécondité est donc en baisse », fait-il remarquer.
Le taux d’urbanisation actuel du Burundi (poids de la population urbaine) est de 24,5 %. « Les données du RGPH 2008, comparées à celles du RGPHAE 2024, montrent que la population urbaine est passée de 805 357 habitants à 2 990 466 ».
Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu
Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.
Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.