Vendredi 01 août 2025

Société

Gitega : Les transporteurs crient à l’asphyxie entre carburant introuvable et amendes démesurées

Gitega : Les transporteurs crient à l’asphyxie entre carburant introuvable et amendes démesurées
Des passagers agglutinés autour d’un tricycle tuktuk improvisé mini-bus faisant le transport Gitega-Bujumbura.

A Gitega, la vie tourne au ralenti. Les gares routières sont désertes, les files d’attente aux stations-service s’allongent. Les motos ont remplacé les bus. Officiellement, il n’y a pas de grève. Mais, dans les faits, tout est à l’arrêt. Les transporteurs dénoncent une crise profonde.

« Ce n’est pas une grève, c’est une impossibilité de travailler », lâche un conducteur sur la ligne Bujumbura-Gitega. Il est 10h du matin le mardi 29 juillet 2025 au cœur de Gitega. Le soleil se lève sur le parking principal de Rukoba, mais rien ne bouge. Pas de moteurs qui ronronnent. Pas de clameurs de rabatteurs. Pas de passagers en mouvement. L’air fatigué, seuls des vendeurs de beignets, de jus, d’eau en bouteille et d’arachide traînent devant le parking vide et des bureaux des agences de voyages fermés.

« Les gens pensent qu’on est en grève. Mais c’est faux », rectifie le prénommé Damien, 34 ans, chauffeur de bus depuis 12 ans. « On aimerait travailler, mais il n’y a pas de carburant. On a épuisé toutes nos réserves. »

Dans la capital politique, comme dans d’autres villes du Burundi, la pénurie de carburant n’est pas nouvelle. Mais elle atteint ces dernières semaines un niveau critique. Les stations sont à sec depuis plusieurs jours. Les rares voitures et camions qui disposent encore de quelques litres de carburants sont ceux qui font le transport vers les provinces frontalières avec la Tanzanie et imposent des restrictions pour avoir une place.

« Je vous avertis maintenant, ceux qui veulent me causer des problèmes avec leurs copains policiers doivent descendre. Si vous considérez que je vous fais payer cher, aller chercher les véhicules de la police ou du gouvernement. Ils ont toujours des réservoirs pleins », clament un chauffeur de taxi-voiture faisant le trajet Gitega-Ruyigi. Dans cette économie de la débrouille, un marché parallèle s’est imposé. Le bidon de 20 l d’essence atteint aujourd’hui jusqu’à 400 000 FBu au noir, soit 20 000 FBu le litre.

« A ce tarif, si je fais un aller-retour Gitega-Bujumbura, je ne couvre même pas mes frais. Et si j’augmente le ticket, la police me tombe dessus », déplore le prénommé Augustin, chauffeur de minibus de marque Toyota Hiace.

Des amendes à un million de francs : la loi contre la réalité

Face à la hausse des prix du transport, les autorités réagissent par la répression. La police exécute les instructions du gouvernement, qui interdit toute augmentation tarifaire non approuvée. Résultat : les conducteurs se voient infliger des amendes allant de 200 000 à 1 000 000 FBu.
« On nous verbalise sans discussion, La loi est la loi, nous dit-on », témoigne un chauffeur arrêté la veille sur la route Bujumbura-Gitega.

Pour les passagers, la situation vire au cauchemar. Depuis la disparition quasi-totale des bus et minibus, les motos-taxis sont devenues l’unique solution pour quitter ou entrer dans Gitega. Mais là encore, les prix s’envolent. Un trajet Gitega-Bujumbura est entre 70 000 à 100 000 FBu, par personne, et souvent on est à 4 sur une seule moto.

« Ce n’est pas humain. On met nos vies en danger, mais on n’a pas le choix. Il faut aller travailler, se faire soigner, faire des affaires. On ne peut pas rester enfermés à Gitega », déplore un fonctionnaire de l’Etat à Bujumbura. Les tensions s’installent. Certains redoutent un durcissement du climat social. Des chauffeurs, frustrés, parlent d’une opération escargot, d’autres évoquent la possibilité d’une grève réelle, organisée cette fois, pour forcer le dialogue.
« Si on continue à nous punir alors que nous cherchons à survivre, on devra répondre collectivement. Le silence ne peut pas être une solution durable », menacent-t-ils.

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