Jeudi 12 juin 2025

Politique

Elections législatives et communales : Un double scrutin dans un climat globalement calme

06/06/2025 0
Elections législatives et communales : Un double scrutin dans un climat globalement calme
Président Evariste Ndayishimiye : « La participation du citoyen dans la vie de la nation en élisant ses représentants montre que la démocratie s'est enracinée dans le pays. »
Le jeudi 5 juin 2025, les Burundais se sont rendus aux urnes pour un double scrutin combinant élections législatives et communales, sur l’ensemble du territoire national. Iwacu vous fait vivre cette journée électorale grâce à ses reporters déployés dans plusieurs centres de vote à travers plusieurs provinces du pays.

Gitega : Vote dans une relative accalmie

Dans la ville de Gitega, les électeurs se sont mobilisés pour exercer leur droit de vote. Sur certains centres de vote de la ville de Gitega et de la commune Giheta, le scrutin s’est déroulé dans le calme. Cependant, force est de constater une faible représentativité des mandataires politiques du côté de l’opposition et des observateurs issus de la société civile.

Au centre de vote de l’Ecofo Musinzira I, où sont installés cinq bureaux, de longues files d’électeurs étaient visibles dès l’aube. Le matériel électoral était en place à 6 h et le vote débute à l’heure, sauf au bureau n°1, où un léger retard était constaté sans explication. Deux isoloirs et deux urnes étaient prévus par bureau, distinguant les scrutins législatif et communal. Des élèves internes votent en uniforme scolaire.

« Nous avons été trop matinaux afin de retourner à l’école pour réviser les matières. Les examens de fin d’année sont en cours », confie l’un d’eux.

Certains électeurs avaient expliqué qu’ils préféraient voter tôt pour vaquer à leurs activités. Le vote avait toutefois avancé lentement, plusieurs personnes éprouvant des difficultés à plier les bulletins.

Dans les rues de Gitega, les shops et galeries étaient fermés, rendant la ville inhabituellement déserte ; seuls quelques taxis-motos et vélos transportaient les électeurs vers les centres de vote. À Magarama, vers 7 h, une file d’électeurs s’était formée devant les bureaux installés à l’Ecofo de la Paix et au Lycée de la Paix. Certains se bousculaient, d’autres attendaient calmement, assis sur les bancs-pupitres. Aucun retard ni incident n’avait été signalé mais une électrice sexagénaire se plaignit de ne pas avoir aperçu le spécimen de la coalition Burundi Bwa Bose sur le bulletin communal.

Une faible représentativité des mandataires

Dans les quinze bureaux visités, la présence des mandataires politiques et d’observateurs était très faible. Seul le CNDD-FDD en avait dépêché 25, tandis que l’Uprona, le CNL et la Coalition « Burundi Bwa Bose » n’en comptaient chacun que quelques-uns, souvent moins de cinq. Les représentants de la société civile et des confessions religieuses étaient tout aussi rares : un ou deux membres de l’Association Dushirehamwe, de Great Lakes Peace Building Initiative, de la communauté islamique du Burundi, du ministère Paix et Réconciliation ou de la Commission épiscopale Justice et Paix apparaissaient parfois, mais la plupart du temps, ils étaient absents. Aucun mandataire ni observateur n’avait été autorisé à garder son téléphone portable sur lui.

« La démocratie, nous la vivons. Aujourd’hui, c’est un symbole. »

Dès 6 h, de longues files d’électeurs se formaient devant les trois bureaux du centre Musama, en commune Giheta. Une habitante, la soixantaine, expliqua : « Je suis ici depuis 4 h du matin. Je devais venir très tôt pour accomplir mon devoir civique ». La colline était particulièrement surveillée, car c’est la colline natale du président Evariste Ndayishimiye où il est venu lui-même voter, entouré de policiers et de militaires postés dans les bananeraies.

Au début du vote, peu d’observateurs de la société civile étaient présents (confessions religieuses, Comibu, Mac, Codip), et seul le CNDD-FDD avait dépêché des mandataires. Vers 8 h, d’autres arrivèrent : le Consortium Ihuriro de Gérard Hakizimana, des experts de NP Suisse ainsi que des observateurs de l’Union africaine et de la CIRGL.

Le couple présidentiel, accompagné de ses enfants en âge de voter, est arrivé à 8 h 55. Après avoir glissé leur bulletin dans l’urne, le président s’est adressé aux médias. « C’est une manifestation réelle du patriotisme. La participation des citoyens dans la vie de la nation en élisant leurs représentants montre que la démocratie s’est enracinée dans le pays. La démocratie, nous la vivons. Aujourd’hui, c’est un symbole. »

Il a remercié les Burundais qui ont participé massivement à cette activité patriotique. Dans la foulée, il a exhorté ceux qui vont gagner de travailler pour l’intérêt du peuple et de la nation. Par après, il a discuté quelques minutes avec les observateurs internationaux ainsi que les électeurs qui attendaient sur la file.

Sur le bureau de vote se trouvant sur la colline Rweru de la zone Kabanga en commune Giheta, les électeurs votaient dans le calme. Les électeurs attendus étaient au nombre de 475. Treize partis politiques et la coalition Burundi Bwa Bose étaient en lice pour les législatives et cinq partis politiques pour les législatives. Seuls 2 mandataires du CNDD-FDD et un de l’Uprona étaient présents. La présidente du bureau de vote a soulevé deux problèmes. « Après le vote, nous n’avons pas de tableau pour compter les voix. De plus, nous n’avons pas de poste de radio pour suivre régulièrement les directives de la Ceni. »

La question de l’heure de fermeture des bureaux de vote

À l’école fondamentale Sainte-Thérèse, les électeurs qui sont arrivés après 15 h sont rentrés sans voter

Dans le centre de vote logé au lycée Notre-Dame de la Sagesse, les agents ont déclaré que le vote a commencé à temps. Mais, à 15 h 30, il y avait encore des votants qui se présentaient. « Ce sont des élèves qui étaient occupés à passer les examens », a expliqué un des membres du bureau de vote.

De l’autre côté, à l’Ecofo Sainte-Thérèse, le vote a été clôturé à 15 h comme prévu. Mais, à notre arrivée, il y avait des électeurs, à peu près une vingtaine, qui attendaient à l’entrée tout en espérant qu’ils puissent voter. Mais en vain. Le président du centre a refusé catégoriquement de leur accorder une dérogation. « Ils nous ont volé notre droit de voter. C’est injuste », fulmine une dame, la cinquantaine. « Nous sommes à 15 h 30. Ils auraient pu nous laisser voter. Plusieurs électeurs sont rentrés sans voter parce qu’ils ne connaissaient pas l’heure de la clôture », renchérit un autre homme, très frustré.

Au centre de vote de l’Ecofo Musinzira I, à 15 h, le vote avait été clôturé. Et le dépouillement a vite commencé.

Il est à signaler que, dans tous les centres de vote visités, la sécurité était assurée par les militaires et les policiers qui se trouvaient à une vingtaine de mètres des votants.

Rappelons que tous les bureaux de vote devaient fermer à 15 h. Le dépouillement étant prévu de commencer directement après le vote.


« Nous voulons des réponses ! »

Être proches de la population, résoudre les problèmes de carburant, du sucre… Ce sont les souhaits de la population de la province de Gitega. Les électeurs demandent aux nouveaux élus de se préoccuper de leur situation.
Sur la colline Musama, des électeurs interrogés après le vote, demandent aux nouveaux élus de rester proches d’eux

« Qu’ils soient proches de nous ! Cela leur permettra de connaître nos problèmes, nos doléances et de trouver des solutions », plaide Joséphine Inabigega, une habitante de Musinzira, rencontrée à l’Ecofo Musinzira II.

Pour elle, c’est ingrat de voir un député qui, après son élection, disparaît et revient lors de la suivante campagne électorale. Elle demande aussi que ces députés se penchent sur la question des carburants.

Elle estime que sans carburant, les conséquences sont tellement énormes sur la vie de la population. Ce que soutient Marie Goreth Ndayisenga, 44 ans, une électrice de la colline Musama de la commune Giheta. « Quand il n’y a pas de carburant, il y a une hausse généralisée des prix des produits. Donc, c’est une question très urgente à résoudre. »
Veuve et mère de cinq enfants, elle indique qu’aujourd’hui, pour se rendre dans la ville de Gitega, les gens sont souvent obligés de marcher à pied. Et ce par manque d’argent pour payer le ticket ou par manque de véhicules parce qu’ils n’ont pas de carburant.

De son côté, Aline Ntahomvukiye, de la même colline, demande aux nouveaux élus de résoudre le problème des fertilisants. D’après elle, il arrive souvent que des agriculteurs paient de l’argent en espérant être servis à temps, en vain. L’autre préoccupation est la défense des droits de la femme. « En cas de litiges, de conflits, quand une femme porte plainte, elle n’est pas souvent bien écoutée. »

Pour sa part, Sylvana Nizigiyimana, 62 ans, une habitante de la colline Rweru, zone Kabanga, commune Giheta, le développement de la femme devait être aussi une préoccupation des nouveaux députés. « Sur nos collines, il y a des coopératives de femmes. Mais, nous avons besoin d’un appui technique et financier de ces députés et conseillers communaux. » Pour elle, il faut aider les femmes surtout les veuves à scolariser leurs enfants.

Quant à Joseph Désiré Nduwayezu, un autre citoyen de Gitega, les nouveaux députés devaient apporter des solutions aux problèmes que connaît le pays. « Nous vivons une situation actuellement très difficile au niveau économique. Il y a pénurie des carburants, de sucre et de devises. Nous demandons que les élus puissent s’occuper de ces problèmes et y apporter des solutions. »


Bujumbura : Frustrations, peur et confusion autour des récépissés

Alors que le président de la Ceni, Prosper Ntahorwamiye avait bien précisé que les détenteurs de récépissés pourraient voter dans leurs bureaux d’enrôlement, plusieurs électeurs munis de récépissés valides se sont vus refuser l’accès aux urnes. Cette situation a immédiatement suscité colère, inquiétudes et accusations d’irrégularité.

Au lycée municipal de Musaga, dans le quartier Gasekebuye (zone Musaga, commune Muha), le vote avait débuté très tôt comme prévu. Rapidement, plusieurs détenteurs de récépissés valides ne furent pas autorisés à voter. Ce qui a posé un problème majeur.

Lors de notre identification pour couvrir le scrutin, un membre du bureau de vote lança : « Vous n’êtes pas des journalistes. D’ailleurs, rien ne nous prouve que ce document de la Ceni ne soit pas une contrefaçon de Buyenzi ». Cette remarque agressive contrastait avec l’attitude plus conciliante du président du centre qui nous a permis finalement de travailler.

Patrick Nkurunziza « Quelques irrégularités ont été signalées, mais il est prématuré d’en tirer des conclusions avant la fin des élections. »

Plusieurs électeurs exprimèrent colère et inquiétude, ne comprenant pas pourquoi, malgré leurs récépissés, ils ne pouvaient pas voter. « Nous sommes ici depuis le matin, venus accomplir notre devoir civique. Hier, on a entendu que ceux qui ont des récépissés peuvent voter. Mais, les présidents des bureaux de vote et le président du centre nous disent qu’on ne peut pas. On a peur pour notre survie », déclarèrent de jeunes hommes visiblement inquiets.

La peur y régnait. « Ici, il pourrait y avoir des fouilles et des perquisitions. Il est évident qu’ils peuvent désormais nous demander la preuve que nous avons voté à la place des cahiers de ménage », craint un électeur handicapé, qui a dû quitter le centre à cause de la fatigue. Une femme commerçante redoute des sanctions : « Les autorités locales ont été très claires là-dessus : nous n’aurons pas le droit de puiser de l’eau publique si on ne vote pas. » D’autres craignent des répercussions sur l’accès aux marchés ou à d’autres services de base.

Jean-Paul Irakoze, membre du FPI, était venu au lycée Musaga et partage son constat amer. « De nombreuses personnes ayant le droit de voter n’ont pas encore pu voter. Imaginez : les bureaux de vote 1 et 2 acceptent ceux qui ont des récépissés tandis que ceux des bureaux 3, 4, 5, etc., refusent de les laisser voter. Il y a aussi ceux qui ont voté malgré leur absence sur les listes électorales ».
Furieux, les électeurs lui avaient demandé des explications, mais le président du centre s’était contenté de répondre : « Attendez toujours, nous allons trouver une solution » avant de disparaître.

Le même constat a été fait au bureau de vote de la zone Kamenge et à l’école Les Lierres en zone Rohero. A la mi-journée, les détenteurs de récépissés n’avaient toujours pas voté. Les frustrations s’étaient accumulées. Malgré tout, la sécurité était maximale partout, et beaucoup continuaient de se présenter pour accomplir leur devoir civique.

Patrick Nkurunziza « Quelques irrégularités ont été signalées, mais il est prématuré d’en tirer des conclusions avant la fin des élections. »

Patrick Nkurunziza, président de la coalition Burundi Bwa Bose, a accompli son devoir civique à l’école Les Mignons, située dans le quartier OUA, zone Kinindo dans la commune Muha. Interrogé à la sortie du bureau de vote, il a déclaré : « Selon mes informations, il s’est avéré qu’il y a eu beaucoup d’irrégularités. Mais pour le moment, je ne peux rien dire de plus avant la fin des élections ». Toutefois, il a précisé que dans son propre bureau de vote « tout s’est bien passé ».

Le chef du gouvernement burundais, Gervais Ndirakobuca, accompagné de son épouse, a accompli son devoir civique vers midi au bureau de vote de Gihango, situé sur la colline Kabondo de la commune Bukinanyana.

Jean de Dieu Mutabazi, président du Radebu, a voté à l’ETS Kamenge et noté que, malgré un déroulement globalement régulier, certains « guides » tentaient d’influencer les personnes âgées ou non instruites.
Dieudonné Nahimana, candidat indépendant qui a voté au bureau du lycée municipal de Kibenga, a relevé que, « d’une manière générale, ce double scrutin s’est bien déroulé », mais qu’« il y a eu quelques tracas et irrégularités », notamment des votes sans carte d’électeur et des mandataires empêchés d’agir, pour lesquels il comptait porter plainte à la Ceni.
Jules Niyongabo, un autre candidat indépendant, a voté dès 7 h à l’Ecofo Kinindo 1. Il a admis que « théoriquement c’était bon, mais que pratiquement il y avait quelques imperfections ». Il a raconté comment, « au centre de Kanyosha, certains mandataires ont été chassés du bureau de vote ». Il a été obligé d’intervenir pour que ces derniers soient rétablis dans leur mission.

Dans d’autres provinces, Révérien Ndikuriyo, accompagné de son épouse, s’est rendu à l’Ecofo Sampeke de la commune Makamba dans la province de Burunga, pour voter. Après le vote, M. Ndikuriyo a indiqué qu’il est satisfait du niveau de participation de la population à ce rendez-vous. « C’est un devoir constitutionnel. Je me réjouis de voir les citoyens voter librement, dans le calme et sans contrainte », a-t-il déclaré.

Au nord, dans la province de Butanyerera, le président de l’Assemblée nationale Daniel Gélase Ndabirabe a voté au bureau de vote de Ruvumu B, dans la commune Matongo. C’était à 9 h 30. Il a rappelé que ce scrutin est un moyen d’obtenir des représentants du peuple.

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