Le Cndd-Fdd vient de fêter en grande pompe ses vingt ans au pouvoir. Une occasion de démontrer sa force, de montrer qu’il est à la place qu’il mérite, mais aussi de s’auto-évaluer. Le parti met en avant un bilan largement positif. Le thème de l’événement célébré avec beaucoup d’éclat en dit long : « Vingt ans de stabilité politico-sécuritaire : Tremplin d’une jeunesse engagée pour le développement du Burundi ». Pour le parti de l’Aigle, son règne a été marqué par des progrès socio-économiques, notamment la gratuité des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, la gratuité de l’enseignement primaire ; la souveraineté et le patriotisme ; la construction d’infrastructures ; l’électrification rurale et les investissements dans l’agriculture… La liste n’est pas exhaustive.
Le score écrasant lors des dernières élections serait par ailleurs le reflet direct de la satisfaction des Burundais envers le travail accompli. « Un parti aimé par son peuple pour son bilan positif, qui remporte une victoire écrasante et logique ».
À l’inverse, les partis d’opposition et certains acteurs de la société civile dénoncent ce qu’ils qualifient d’« autoglorification » et d’« autosatisfaction ». Pour eux, il y a un contraste frappant entre le discours officiel du parti majoritaire et la réalité vécue par une grande partie de la population. Ils dressent un bilan très sombre, qualifiant son discours de démagogie, en « total décalage avec les souffrances quotidiennes des Burundais ». Dans sa déclaration du 28 août, le parti Sahwanya Frodebu « constate avec amertume la détérioration de la situation politique, économique et socio-culturelle ».
Des critiques sévères concernent la dégradation de l’économie (une inflation galopante, des pénuries de carburant et de devises, une pauvreté généralisée), le recul démocratique (le verrouillage de l’espace politique, la fermeture de l’espace civique, l’absence d’élections libres, la persistance des violations des droits humains), la mauvaise gouvernance, la corruption… Le chapelet des critiques peut être égrené à satiété.
Pour ses détracteurs, au lieu de prendre à bras-le-corps cette situation, le parti au pouvoir fait la dérobade par des promesses irréalistes, une simplification à l’extrême (« la crise économique est la faute des spéculateurs »), la désignation d’un bouc émissaire, l’appel à l’émotion plutôt qu’à la raison.
Est-ce qu’on vit dans un même pays ?
Ces deux discours ne sont pas simplement différents ; ils sont devenus irréconciliables et décrivent deux réalités parallèles. Cela me rappelle Janus, ce dieu à deux visages opposés, dans la mythologie romaine.
Le Cndd-Fdd n’a pas entièrement tort sur tout. Il est indéniable que le parti a mis fin à la guerre civile et a initié des programmes sociaux qui ont eu un impact réel, surtout au début de son mandat. Ces actions expliquent par ailleurs en partie sa base populaire historique, notamment en milieu rural.
L’opposition n’a pas entièrement raison sur tout, mais certaines de ses critiques sont fondées sur des faits vérifiables.
La divergence radicale des discours montre qu’il y a absence de terrain d’entente, de compromis. Le pays semble pris en otage par deux camps qui, apparemment, ne se reconnaissent plus mutuellement. Une situation qui doit cesser car elle peut mener à une impasse politique, économique et sociale durable.
Au final, pendant que les élites politiques se battent à travers des récits contradictoires, la population burundaise en paie les frais au quotidien.
J’ai toujours beaucoup apprécié tes éditoriaux.
Cependant, celui-ci me semble trop orienté du côté du pouvoir.
À mon sens, trop de diplomatie peut parfois édulcorer, voire déformer la réalité.
Cela dit, je reste attentif à tes prochaines publications.