Mercredi 20 août 2025

Société

Coupure de courant électrique : Des dégâts incommensurables

Coupure de courant électrique : Des dégâts incommensurables
Des distributeurs de courant électrique déjà installés

Une coupure généralisée de courant électrique s’abat sur la ville de Bujumbura depuis le 4 août. Les conséquences sont lourdes pour les services stratégiques. Même si la coupure avait été annoncée, personne ne s’attendait à des dégâts aussi catastrophiques.

Dans un communiqué sorti le 1er août 2025, la Regideso annonce des perturbations dans la fourniture de l’énergie électrique dans les communes Muha, Mukaza et Ntahangwa. Des perturbations qui seront dues aux travaux de raccordement du nouveau poste de Rubirizi à la ligne transport 110kv Gahongore-Poste RN1 à partir du 4 jusqu’au 14 août.

Les perturbations annoncées se sont soldées par une coupure généralisée dans toute la ville de Bujumbura.

La première victime qui sort du lot dès les premiers jours est l’hôpital Prince régent Charles qui est pris de court. Il n’arrive pas à gérer les cadavres des chambres froides, la néonatologie, l’hémodialyse, les admissions et les sorties etc.

Les cadavres et les patients des couveuses doivent être rapatriés ailleurs pour éviter le pire. C’est la pagaille. Les travailleurs en tenue kaki s’activent dans la distribution des bombonnes à oxygène en remplacement de ceux qui fonctionnent sous électricité.

Les deux groupes électrogènes de l’hôpital ne fonctionnent pas. Celui de devant l’enceinte de l’hôpital n’a pas de carburant et l’autre de derrière a sauté tard dans la nuit après quelques heures de fonctionnement, témoigne un membre du personnel.

Dans l’avant midi du 9 août, devant la salle d’hémodialyse, on y voit des infirmières. « Tous les malades qui avaient rendez-vous sont partis. Sans électricité, nous ne pouvons pas travailler », dit l’une d’elles.

Tard dans la journée, l’hôpital sortira un communiqué, qualifiant les informations recueillies et diffusées à ce sujet de malveillantes alors que le personnel de l’hôpital a vécu les faits.
Vaut mieux prévenir que guérir.
Après, l’Unicef a dépêché un groupe électrogène à l’Hôpital pour appuyer dans la continuité des services.

L’hôpital roi Khaled quant à lui, a un groupe électrogène qui assure le fonctionnement, selon son directeur Stany Harakandi. « Nous nous sommes abonnés à une station-service pour une fourniture continue en carburant pour le groupe électrogène. Nous observons quelques coupures mais les services continus ».

Il souligne que l’institution fait recours aux frais de fonctionnement pour un ravitaillement permanent en carburant. « Avec cette carence de carburant, la station-service à laquelle nous nous sommes abonnés s’arrange pour qu’on n’en manque pas. »

Dans d’autres secteurs, c’est le calvaire aussi

Des fournisseurs de lait et des propriétaires des cafétérias souffrent sévèrement des coupures d’électricité observées ces derniers jours. « J’ai versé 50 l de lait avarié car le délestage a duré toute une journée perdant ainsi 250 000 FBu. Même si j’avais lu le communiqué de la Regideso, en voyant “perturbations”, J’ai compris que le courant serait coupé pendant une heure ou une trentaine de minutes », se lamente un fournisseur anonyme. Il a cessé de s’approvisionner en lait pour le moment. Mais, cela l’a malheureusement conduit à s’endetter.

« Depuis qu’ils ont annoncé ces perturbations, je ne vends plus de lait écrémé alors qu’il m’attirait beaucoup de clients. Je gagne 12 000 FBu par bidon de 5 l. Cela fait plus d’une semaine que je perds beaucoup d’argent car je n’achète désormais qu’un seul petit bidon de lait entier », déplore Patient Bigirimana, propriétaire d’une cafétéria dans le quartier Nyabagere. Lui aussi estime qu’il aurait gagné 84 000 FBu supplémentaires. Il suppose qu’il aurait vendu au moins un bidon de 5 l par jour.

Dans ce même quartier, les propriétaires des secrétariats publics déplorent la situation. « Que le 14 août arrive ! Les jours s’allongent puisqu’on n’a plus rien à faire », se lamente l’un d’eux. Et de préciser qu’il n’a pas d’autres alternatives. Le manque à gagner s’élève à environ 700 000 FBu, car il perçoit entre 100 000 et 700 000 Fbu par jour.

Une situation inédite

Faustin Ndikumana, président de Parcem, fait savoir que nous vivons une panne électrique qui est inédite et que son impact est immense et incalculable sur la vie des populations et sur l’économie. « D’abord, sans électricité, tout s’arrête. La santé à travers le fonctionnement des hôpitaux, le commerce en famille suite à la conservation des denrées alimentaires, la production des entreprises, surtout industrielles. »

Faustin Ndikumana « Il faut rendre la planification dynamique à travers les politiques de vision »

Il ajoute que très récemment, dans une réunion co-organisée par les entrepreneurs, il disait que « maintenant, les entreprises de production, surtout les entreprises industrielles, travaillent jusqu’à 60% de leur capacité de production suite à des pannes électriques devenues récurrentes ». Pour lui, tout s’arrête, la scolarité, la communication, les ordinateurs dans les bureaux et la restauration.

Il lance une alerte parce que le niveau d’activité risque de chuter actuellement en ce qui concerne les recettes fiscales, que ce soit au niveau du commerce, de la taxation, et des revenus des entreprises.

Selon lui, on ne peut pas se rabattre sur les groupes électrogènes qui utilisent une grande quantité de carburant qui est aujourd’hui difficile à trouver. « C’est doublement accablant. Je crois que si on analyse en profondeur la situation, c’est le résultat d’une longue période de mauvaise gouvernance, de manque de planification et de crise politique. »

Il estime que la construction récente d’un barrage digne de ce nom date de 1986, à savoir le barrage de Rwegura. : « On a commencé à parler du barrage de Jiji Murembwe, le Kabu16, depuis le CCLP en 2007. Mais son achèvement, c’est en 2025, presque deux décennies après, suite à une mauvaise gouvernance des projets. »

En outre, il fait observer que « le dernier plan d’adduction d’eau potable, en mairie de Bujumbura, date de 1985, rien n’a été prévu. A cela s’ajoute la vétusté du réseau d’installation qui date de la période coloniale. Cela est sans parler de la mauvaise gouvernance qui a conquis, émaillé, la gestion de la Regideso : corruption, mauvaise commande, passation des marchés publics gré à gré, détournements, pléthore du personnel, stocks détournés et manque de modernisation. »

M. Ndikumana trouve qu’il faut encourager la Regideso mais que le travail sera titanesque. « Le Burundi a déjà un fort potentiel énergétique, surtout au niveau de l’énergie hydroélectrique. Selon les experts, le Burundi a un potentiel hydroélectrique de 1 700 mégawatts, avec 300 mégawatts directement commercialisables.

Redynamiser la coopération

Pour remédier à la situation, il croit qu’il faut redynamiser la coopération. « Le Burundi ne peut rien sans la coopération. S’il est parvenu à construire Jiji Murembwe, c’est grâce à la coopération. Le fait de continuer à brandir la souveraineté sans ressources, avec le manque de clients, de devises, c’est vraiment honteux. Le Burundi ne peut pas se permettre le luxe de se couper des bienfaits de la coopération. »

Il propose l’amélioration de l’environnement des affaires pour assister les investisseurs privés et les investissements directs étrangers dans le secteur à travers le partenariat public-privé.
Ce dernier a aussi besoin d’un cadre organisationnel, opérationnel et juridique intéressant pour les bailleurs potentiels. Il faut pour cela lutter contre la corruption, améliorer la bonne gestion des projets pour qu’il n’y ait plus de retard énorme dans la réalisation des projets
Il propose également de moderniser la Regideso « pour qu’elle soit une entreprise capable d’affronter les problèmes actuels. Il faut aussi rendre la planification dynamique à travers les politiques de vision, les plans nationaux de développement encore qu’il faut les concrétiser à travers une volonté politique de mobiliser des ressources nécessaires à la mise en application des programmes politiques arrêtés ».

« Les dispositions doivent être prises »

Alexis Nimubona « il faut indemniser toutes les personnes qui ont subi des pertes »

Alexis Nimubona, chargé de la communication à l’Olucome, fait savoir que ce problème a eu des conséquences néfastes sur la santé des populations, sur les commerçants ainsi que sur de nombreuses familles qui dépendent de l’accès à l’électricité et à l’eau.
Il déclare que la Regideso savait qu’elle allait exécuter ce projet : « Étant donné que la ville de Bujumbura représente plus de 80 % de l’économie nationale, le gouvernement aurait dû se préparer à cette période afin de protéger cette économie. »

Il appelle les autorités à indemniser toutes les personnes qui ont subi des pertes à cause de cette situation et à tout mettre en œuvre pour que le pays dispose d’une fourniture électrique suffisante.

Les médias n’ont pas été épargnés

Charles Makoto, directeur de la radio Isanganiro, fait savoir que cette coupure d’électricité est compréhensible étant donné que des travaux techniques sont en cours pour rétablir l’approvisionnement. Cette station n’a pas pu diffuser les informations du matin du 12 août en raison du manque d’électricité et de carburant : « Nous avons demandé une autorisation au ministère de l’Énergie pour aller chercher du carburant en bidons dans une station, mais nous ne l’avons pas obtenue. Et c’est compréhensible, car eux-mêmes n’en ont pas. »

Charles Makoto préconise la distribution du carburant

Il appelle le gouvernement à agir: « La solution à tout cela, c’est que le carburant soit disponible. Qu’il soit cher, mais qu’il soit accessible. »

La plupart d’autres médias indépendants tels que le journal Iwacu, PJ Classic FM, Black FM ou Ejo Heza, ne diffusent plus avec le rythme habituel à cause de ce problème. Ils doivent attendre la disponibilité d’électricité. Certains d’entre eux n’ont pas reçu l’autorisation d’aller se procurer du carburant dans des bidons auprès des stations-service, et ceux qui l’ont obtenu rencontrent des difficultés pour en trouver, ce qui les pousse à l’acheter au marché noir à un prix très élevé.

Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu

Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.

Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.