Jeudi 28 mars 2024

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Ces Burundais indésirables dans la sous-région

06/08/2018 Commentaires fermés sur Ces Burundais indésirables dans la sous-région
Ces Burundais indésirables dans la sous-région
Les réfugiés burundais inquiets quant aux menaces de refoulement

Les autorités tanzaniennes ont entrepris une vaste campagne pour inciter des réfugiés burundais à rentrer. Ces derniers craignent un imminent rapatriement « forcé ». Plusieurs organisations tirent la sonnette d’alarme.

Des paroles et des actes de hautes autorités tanzaniennes qui sonnent comme des menaces pour les réfugiés burundais.
Les discours parlent de paix et de la sécurité qui règnent au Burundi. Les réfugiés ne doivent pas traîner les pieds. Le ministre de l’Intérieur tanzanien, lors d’une visite au camp de Nduta le 24 juillet lance. « Ceci est un dernier avertissement. Tout le monde doit se faire inscrire sur la liste de rapatriement volontaire.»

Et le gouverneur de Kigoma d’enfoncer le clou le lendemain. « Celui qui va s’opposer à cette décision sera mis sous les verrous par la police tanzanienne,» prévient Emmanuel Maganga. Kigoma abrite à lui seul les camps de Nyarugusu, Nduta et Mtendeli.

Les autorités passent aux actes et interdisent toute activité génératrice de revenus. Dans un communiqué sorti ce samedi 28 juillet, le patron du camp de Mtendeli annonce la fermeture de commerce, bars et restaurants, Guest house, transport en moto. Des réfugiés de ce camp y voient une opération destinée à les affamer et les contraindre à rentrer. Certains vont opter pour le retour au pays natal, d’autres demandent à la Tanzanie de leur chercher un autre pays d’accueil.

Une rhétorique de Ngara

Pour rappel, John Pombe Magufuli avait tenu des propos mielleux à l’endroit « de son frère» qui a ramené paix et sécurité dans son pays, le 20 juillet 2017, lors de la visite de Nkurunziza à Ngara en Tanzanie. Reprenant la rhétorique de Bujumbura « du tout va bien », le Tanzanien était allé plus loin accusant le HRC de gonfler les chiffres et d’empêcher les réfugiés burundais de rentrer.

Et le ministre de l’Intérieur d’alors avait fustigé le comportement du Haut-Commissariat aux Réfugiés. Les réfugiés avaient organisé des manifestations, protestant contre le HCR qui « ne facilite pas leur retour. » A cette occasion, le ministre M. Mwigulu Nchemba avait martelé : « Vous êtes très heureux de les accueillir comme réfugiés, mais quand il s’agit de les aider à rentrer, le HCR regarde ailleurs. Tous ces camps sont désormais superflus. Il faut les fermer … »

Le récent rapport du HCR du 30 juin parle de 237 mille réfugiés burundais vivant sur le sol tanzanien. L’accord tripartite entre ce pays, le Burundi et HCR sur le rapatriement a été mis en place. Il prévoit de rapatrier 2.000 personnes par semaine depuis le 5 avril jusqu’au 31 décembre 2018. Au total pas moins de 72.000 réfugiés burundais souhaitent retourner dans leur patrie d’ici fin 2018.

Le dernier rapport du HCR du 31 mai 2018 parle de plus de 396 mille réfugiés burundais. La plupart sont essentiellement basés en Tanzanie, au Rwanda et en RDC. Cette organisation onusienne fait face actuellement à des difficultés financières. Elle parle d’un besoin de plus 391 millions de dollars pour venir en aide à ces Burundais en exil « tombés dans l’oubli ».


Les refoulés du Rwanda

Le président Nkurunziza parle de la mise en place d’une commission chargée de dresser un inventaire des biens des refoulés restés au Rwanda.

Les autorités rwandaises parlent de personnes en situation irrégulière et non des réfugiés reconnus et enregistrés par le HCR.

Par ailleurs, une certaine tension régnait au camp de Mahama le mois dernier suite aux récentes attaques opérées dans ce pays. Le 17 juillet, la police rwandaise a investi le camp, pour une opération de contrôle et de fouille surprise. Des centaines de personnes sans papiers ont été embarquées par la police.

Dans la foulée, le Président Pierre Nkurunziza s’est rendu ce 30 juillet dans la commune de Vumbi de la province de Kirundo, objectif : rencontrer les refoulés du Rwanda. Il était accompagné du ministre de l’Intérieur, de la Justice ainsi que le ministre des Travaux Publics.

Le chef de l’Etat a promis la mise en place dans l’urgence d’une commission chargée de recenser biens ou familles restés au Rwanda. Cet inventaire sera transmis aux organisations internationales afin de procéder à leur restitution.
Pierre Nkurunziza a par ailleurs salué la bonne collaboration de la RDC ainsi que de la Tanzanie en matière de rapatriement des réfugiés burundais se trouvant sur leur sol.

Convention de Genève relative aux réfugiés en matière d’expulsion et de défense d’expulsion et de refoulement

L’article 32 de la Convention de Genève indique que les Etats Contractants n’expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public.
2. L’expulsion de ce réfugié n’aura lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à la procédure prévue par la loi. Le réfugié est admis à fournir des preuves tendant à le disculper, à présenter un recours et à se faire représenter.

3. Les Etats Contractants accorderont à un tel réfugié un délai raisonnable pour lui permettre de chercher à se faire admettre régulièrement dans un autre pays.

L’article 33 de la Convention de Genève sur les réfugiés stipule qu’aucun des Etats Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

Analyse/ Les oubliés

Avec la question des réfugiés, la Tanzanie se livre à un jeu politique. Pays hôte du dialogue burundais, elle, qui va organiser un prochain round - censé être le dernier -, souhaite le retour au pays de tous les réfugiés avant ces pourparlers de la dernière chance. Car comment déclarer la fin des hostilités avec autant de réfugiés sur son sol? Du coup, sa rhétorique ressemble étrangement à celle de Bujumbura : le Burundi est un pays en paix et en sécurité. Il n’y a donc plus de raisons pour les réfugiés de rester en Tanzanie. Les appels pressants des autorités tanzaniennes au retour frisent le harcèlement. Au nord, la situation n’est guère meilleure pour les réfugiés. Le Rwanda qui doit gérer des incursions d’un mouvement rebelle sur son sol est très nerveux. Paul Kagame a toujours misé sur un pays en sécurité et stable. Il veut attirer les investisseurs et développer son économie. La police rwandaise ne néglige rien et passe au crible le camp de Mahama. Des rumeurs font état d’infiltrations de rebelles. Le Rwanda est sans pitié pour les éléments qui ne sont pas en ordre. Ils sont refoulés du camp et renvoyés au Burundi. Le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés a pour sa part lancé une alerte sur la situation des réfugiés burundais, ces « oubliés de la communauté internationale. » L’organisation a évoqué la faiblesse des financements qui ne permettent pas aux pays voisins du Burundi d’offrir une aide acceptable aux réfugiés. Jusqu’au mois de mai, le HCR disposait de 9% des fonds nécessaires pour leur venir en aide en 2018. Cette situation affecte les réfugiés. Ils dénoncent la famine qui règne dans les camps. Le HCR confirme et parle de malnutrition chronique, d’une augmentation de mortalité chez les malades et une faible scolarisation dans les camps. Un tableau très sombre…
HCR

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Réactions

Le HCR : « Encore un besoin urgent de protection internationale » Le HCR rejette les déclarations des autorités tanzaniennes selon lesquelles ce sont les agences onusiennes qui retardent le retour des réfugiés burundais dans leur pays. Il se dit préoccupé par la nature des récentes déclarations et actions des autorités tanzaniennes aux réfugiés burundais qui selon cette organisation sont de nature à contraindre les réfugiés à rentrer au Burundi. A cela s’ajoute l’annonce de la fermeture prochaine des différents camps tanzaniens. Le HCR estime que les réfugiés burundais ont encore un besoin urgent de protection internationale afin d’assurer à ceux qui sont rentrés une vie sécurisée et digne. Le gouvernement tanzanien nie toute procédure de rapatriement forcé » Le porte-parole du gouvernement tanzanien évoque une campagne de sensibilisation au retour des réfugiés, peu importe leurs pays d’origine à condition que la paix et la sécurité y soient retrouvées. Selon lui, les Burundais ne sont pas spécifiquement ciblés. Hassan Abbas nie toute procédure de rapatriement forcé entrepris par la Tanzanie. « Si le gouvernement veut fermer les camps, il fera recours à de procédures légales qui ne violent aucune convention relative à la protection des réfugiés. » La société civile en exil dénonce les menaces de refoulement 14 organisations de la société civile burundaise en exil pointent du doigt le harcèlement excessif et continu que subissent les réfugiés Burundais se trouvant en Tanzanie. Elles parlent d’insécurité dans les camps, des menaces de refoulement et de pression. Ces organisations demandent notamment au Rapporteur spécial sur les réfugiés de dépêcher une mission d’enquête afin de mener des investigations poussées relativement à ces harcèlements excessifs. Elles demandent également d’engager un dialogue avec le gouvernement tanzanien afin de le ramener à respecter les conventions relatives à la protection des réfugiés. Le gouvernement burundais : « Aucune information sur les menaces de rapatriement ‘‘forcé’’ » Le gouvernement dit n’avoir aucune information sur les menaces de rapatriement ‘‘forcé’’ des réfugiés burundais en Tanzanie. Selon Thérence Ntahiraja, assistant du ministre de l’Intérieur, le gouvernement burundais n’a pas le droit ni le pouvoir de prendre des décisions concernant les réfugiés en exil qui sont sous la responsabilité du HCR et du pays d’accueil. « Ceux qui accusent le Burundi d’être de connivence avec la Tanzanie sont quelques réfugiés politiciens qui colportent des rumeurs pour empêcher les autres de rentrer ». Térence Ntahiraja appelle tous les réfugiés burundais à rentrer : «Dans les camps des réfugiés, il n’y a pas de vie. Les droits sont très limités.»

Editorial de la semaine

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Les dés sont jetés, les carottes sont cuites : le ministre de l’Intérieur a validé les conclusions issues du congrès extraordinaire tenu à Ngozi le 10 mars par des dissidents d’Agathon Rwasa. « Nous prenons acte du rapport et des décisions prises (…)

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