Le président de la Cour suprême dénonce les avocats-conseils qui se comportent comme des « commissionnaires ». Cela constitue un recul pour la justice burundaise. Certains justiciables témoignent en avoir été victimes. Le bâtonnier du barreau de Bujumbura promet de sanctionner tout écart de comportement de n’importe quel avocat.
« Depuis les tribunaux de résidence jusqu’à la Cour suprême, nous avons des avocats-conseils qui se comportent mal. Certains exercent leur métier comme de simples ‘’commissionnaires’’ », a révélé Gamaliel Nkurunziza, président de la Cour suprême. C’était le mercredi 27 août 2025 lors d’une réunion d’évaluation à la veille de la rentrée judiciaire à l’endroit des responsables des juridictions du ressort des Cours d’appel de Muha, Mukaza et Ntahangwa.
Il dit avoir déjà alerté les avocats intègres afin qu’ils les mettent en garde puisque ce genre de comportement ternit l’image de la justice burundaise.
Gamaliel Nkurunziza demande aux Cours d’appel compétentes de prendre des sanctions à l’endroit des avocats qui affichent un tel comportement.
Toutefois, il reconnaît que les avocats sont des auxiliaires de la justice et qu’ils doivent collaborer avec les cours et tribunaux.
Une triste réalité
Certains justiciables affirment avoir été victimes de ce genre d’agissement de la part de certains avocats. Des fois, ils se concertent en effet pour faire perdre le procès à l’une des parties moyennant un pot-de- vin. Ces justiciables précisent que ce genre de comportement se manifeste dans les affaires civiles, surtout les litiges fonciers.
« Dans un procès de litige foncier qui m’opposait à mon voisin, j’ai remarqué qu’à chaque audience, mon avocat-conseil se concertait avec celui de la partie défenderesse. Ces plaidoiries étaient orientées dans le sens de me faire perdre le procès. J’ai soupçonné de la corruption et je l’ai récusé séance tenante », témoigne B.M., un justiciable rencontré à la Cour d’appel de Mukaza. Il dit avoir lui-même défendu sa cause et gagné le procès.
« J’ai engagé un avocat-conseil pour qu’il m’aide à défendre mon procès qui m’opposait à mon demi-frère à propos d’une propriété foncière héritée de nos parents. Au niveau du tribunal de Résidence, j’ai gagné le procès. C’est au niveau du tribunal de Grande instance que j’ai su que mon avocat avait été approché avec un pot-de- vin pour me faire perdre le procès », raconte H.J.
Un autre justiciable témoigne avoir perdu son procès à cause de son avocat qui n’a pas bien défendu sa cause alors qu’il lui avait donné tous les éléments de preuve. « J’avais acheté une propriété foncière dans la zone Rubirizi. Et j’avais toutes les preuves. Mais, soudain, un autre est venu la réclamer. J’ai engagé un procès contre lui. Au cours du procès, mon avocat s’est coalisé dans la clandestinité avec celui de la partie adverse pour me faire perdre le procès. Je l’ai découvert après. La partie adverse leur avait promis une portion de terre s’il advenait qu’il gagne le procès », témoigne G.D.
Certains avocats approchés ne nient pas ces écarts de comportement de la part de leurs collègues. Ils en appellent au respect strict de l’éthique et de la déontologie de la profession. « C’est une pure vérité car les avocats ont perdu l’essence de leur mission. Ils sont à la recherche effrénée de l’argent. C’est pour cette raison qu’ils ont transformé leur profession en commission », se désole maître Prosper Niyoyankana, avocat au barreau de Bujumbura.
Il dénonce certains avocats qui ne font que chercher de l’argent peu importe sa couleur ou son odeur au lieu d’exercer correctement leur métier. « Ils se comparent aux autres qui ont réussi et veulent à tout prix les rattraper. D’où toutes les voies mènent à Rome ».
Pour lui, une structure solide et efficace au sein du barreau pourrait les en dissuader. Il déplore le fait qu’aujourd’hui les membres du Conseil de l’Ordre n’aient jamais pris l’initiative de veiller à la protection des justiciables et de la justice contre pareils comportements des avocats. « Il suffirait que le Conseil de l’Ordre sévisse contre cet écart de comportement des avocats pour que cela diminue ou soit éradiqué. »
Tout écart de comportement doit être sanctionné

De son côté, Me Patrick Didier Nukuri, bâtonnier du barreau de Bujumbura, apprécie la démarche du nouveau présent de la Cour suprême. Une démarche qui consiste à renforcer le dialogue et la concertation entre tous les intervenants du système judiciaire burundais. « Cette démarche permettra sans nul doute d’éradiquer les maux qui hantent la Justice, sans faux fuyants ».
Pour lui, si le constat qu’il y a des avocats qui se comportent comme des « commissionnaires » émane des juges, c’est qu’il doit y avoir des indices clairs.
Il promet de faire le nécessaire pour renforcer la discipline, le respect des règles déontologiques et la formation continue des membres de son barreau.
« A chaque fois que des écarts de comportement des violations des règles de déontologie nous sont signalés, et nous devons préciser que ces cas sont de plus en plus rares, nous appliquons les sanctions prévues ». Il précise que ces sanctions vont de l’avertissement à la radiation définitive en passant par le blâme et la suspension temporaire.
Me Patrick Didier Nukuri encourage toute personne, y compris les justiciables, à dénoncer toutes les violations orchestrées par les avocats. « C’est à ce prix que nous pourrons faire avancer les choses ensemble ».








Certes, des écarts existent dans la profession d’avocat,mais les plus destructeurs du système judiciaire sont du côté des magistrats. On n’en a pas évoqué.
Pourtant, c’est la catastrophe!
« Il précise que ces sanctions vont de l’avertissement à la radiation définitive en passant par le blâme et la suspension temporaire. »
Je pense que le bâtonnier du barreau de Bujumbura minimise le crime par lequel un avocat se coalise avec son compère pour faire perdre le procès à un justiciable pourtant dans son droit.
Ce système de sanctions graduelle n’a pas lieu d’être. Il faut appliquer directement la sanction à la hauteur du crime: la radiation! Si c’était possible d’emprisonner, il n’y avait pas à tergiverser.
A défaut, nous allons penser soit à la solidarité négative, ou pire , à la complicité