Mercredi 01 mai 2024

Editorial

Bannir l’immixtion arrogante du politique dans l’administration

07/07/2022 2

Quelle est l’autorité compétente pour édicter un acte administratif ? La question est sur toutes les lèvres après la correspondance du chef de la zone Maramvya, commune Mutimbuzi, adressée aux Eglises qui font le culte dans cette circonscription administrative. Elles sont sommées de donner, chacune, une contribution de 30 mille francs pour préparer les croisades d’évangélisation prévues du 21 au 24 juillet dans la salle de réunions de la commune. Il leur demande aussi une contribution de 12 mille francs pour la construction d’un bureau provincial. Faute de quoi, aucune Eglise ne pourra exercer à Maramvya. L’administrateur de la commune a réagi le même jour pour annuler la décision car « l’autorité n’en était pas compétente, ces confessions religieuses étant reconnues par le ministère de l’Intérieur ».

Par Léandre Sikuyavuga

Ce cas n’est pas isolé. Le plus emblématique est celui de la colline Kazigo, commune Bugarama où le secrétaire du parti au pouvoir sur cette colline a intimé l’ordre à deux commerçants de suspendre leurs activités pour une période de deux mois, à partir du 16 avril 2022, le jour de signature de sa « décision ». Le ministère de l’Intérieur a également annulé « la décision illégale d’un responsable collinaire du parti Cndd-Fdd », tout en invitant les leaders des partis politiques à rappeler à leurs militants le strict respect de la loi pour plus de bonne gouvernance.

De tels actes posent le problème au niveau de la hiérarchie administrative publique, de la méconnaissance des administratifs de leurs compétences ainsi que de l’ingérence ou de l’immixtion de la politique dans l’administration.

En effet, on constate une sorte d’empiétement, de chevauchement des missions et des tâches à assurer. Ce qui peut aboutir à l’anarchie. Ces décisions sont illégales dans la manière dont elles sont prises et dans leur contenu. Les auteurs des décisions étaient incompétents car les actes étaient étrangers à leurs attributions, ils n’ont pas non plus consulté leurs supérieurs hiérarchiques. Ils ont aussi agi par excès de pouvoir.

Le respect de la hiérarchie confère à l’administration sa puissance et sa cohésion. Ces mises en cause des responsabilités de ces autorités locales par leurs chefs, sur base des fautes administratives, influent négativement sur leur légitimité au sein de la population. Par ailleurs, il y a un risque qu’elles se sentent marginalisées, isolées de la sphère du pouvoir.

Leurs supérieurs hiérarchiques, en l’occurrence le ministère de l’Intérieur, sont appelés à leur transmettre régulièrement des orientations et des instructions, à les recadrer. « Juger l’administration, c’est aussi administrer », dit-on.

Certes, il est très difficile d’éviter la politisation de l’administration. Comme le souligne Quertainmont, dans « Le rôle et le fonctionnement de l’Administration », même au Royaume-Uni, le très stylé « Civil Service », souvent cité comme l’idéal type de la neutralité, n’y échappe pas totalement. Toutefois, on est habitué à vivre ce que les politologues appellent la politisation « particratique », cette mainmise des partis politiques sur les nominations et promotions dans l’administration et les grands corps de l’État. Mais, c’était rare qu’un responsable d’un parti politique prenne un acte administratif en donnant des injonctions officiellement à ceux qui sont censés le faire. Cette immixtion « arrogante » du politique dans l’administration est à bannir. En tout état de cause, elle ne laisse pas insensible le public. Le ministère de l’Intérieur a beau à interpeller les partis, mais il aura du mal à opérer une délimitation plus claire entre la politique et l’administration.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Nshimirimana

    Cher Monsieur,

    Je crois que nous pérennisons la culture de « Urazi ico ndi », autrement dit « sais-tu qui je suis » . Et là, nous aurons de la peine à endiguer ce phénomène car, chacun dans sa position sociale, veut rationaliser son rang pour gagner des galons, pour s’enrichir. Bref, être plus royaliste que le roi lui même. Comment ramener de l’ordre? Moraliser, former, moraliser, former…et surtout mettre sur pied des assises nationales de la gouvernance ( comprendre son rôle et sa place dans la société)

  2. Kaminuza

    Certes, chez nous, il y a eu des époques où umutware yatwara ukwo ashaka. Mais aujourd’hui les époques ont changé. Umutware arafise amategeko avuga ingene atwara gushika k-umukuru w-igihugu. Abatware bo hasi nibaba batwara uko bashatse batishinze amategeko, abatware bo hejuru bamenye ko hari ikibazo. Barakwiye lero kuva hasi bakigisha ababaserukira bo hasi ingene intwaro za none zigenda. Bitabaye uko akajagari kazokwama ho.
    Ko akari mu mpene ariko kari no muntama, ubwo ntivyoba biva kukugene abakuru b-imigambwe babwira abatwara bava mu migambwe yabo ?

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