Au Burundi, l’allaitement reste un défi de taille pour les femmes vivant avec le VIH-sida. Dans la commune Rumonge, les mères allaitantes séropositives témoignent d’un quotidien marqué par la peur de contaminer leur bébé, le manque de soutien, la pauvreté et la rareté des médicaments essentiels.
Du 8 au 12 septembre 2025, le Burundi a célébré la semaine mondiale de l’allaitement maternel sous le thème : « Donner la priorité à l’allaitement maternel, créer des systèmes de soutien durables ». Un message qui trouve une résonance particulière chez les femmes allaitantes séropositives de la commune Rumonge, en province de Burunga.
A.M, âgée de 36 ans, témoigne de son quotidien. Pour une femme vivant avec le VIH, « l’arrivée d’un bébé représente une série de défis ». L’allaitement devient d’abord une source d’angoisse. Il faut nourrir l’enfant exclusivement au sein, sans eau ni autre aliment car, la moindre erreur peut accroître le risque de contamination. Or, beaucoup de mères n’ont pas de moyens pour acheter du lait en poudre lorsque l’allaitement n’est pas possible.
Pour elle, l’accès aux médicaments constitue un autre problème majeur. « Le bactrim est devenu inabordable. » Il s’achète à 10 000 FBu dans les pharmacies. L’enfant doit en consommer deux fois par jour, de l’âge d’un mois et demi jusqu’à un an. « Ces dépenses hebdomadaires nous pèsent lourdement dans un contexte de précarité. Les six premiers mois sont particulièrement éprouvants. »
Elle souligne en outre que le manque de soutien des conjoints accentue ces difficultés. Dans certains foyers, les hommes rejettent la responsabilité sur leurs épouses.
Parfois, ils découvrent la séropositivité de leur femme après une grossesse et réagissent violemment alors que ce sont eux qui ont transmis le virus.
Les aides alimentaires, autrefois distribuées par l’Abubef (farine de blé et haricots pour les mères ; bouillie et biscuits pour les nourrissons) ne sont plus disponibles. « Ces soutiens étaient essentiels. Mais, aujourd’hui, nous n’avons plus rien », déplore-t-elle.
Selon elle, la pauvreté dans les ménages aggrave la situation. « Nous peinons à nous procurer du lait pour nos enfants ou même de la nourriture de base pour nous-mêmes, car nous ne pouvons pas allaiter sans avoir rien mangé ». Pour ces mères séropositives, survivre et protéger leurs bébés reste un combat quotidien.
Dans certains foyers, le VIH divise les couples.
Quand l’un des conjoints est séropositif et l’autre séronégatif, la méfiance et le rejet fragilisent la vie familiale. C’est la situation que vit Mme.Ndayizeye, mère de six enfants, dont le dernier a un an et trois mois.
Pour elle, allaiter tout en vivant avec le VIH n’est pas insurmontable. Mais les difficultés ne manquent pas. « Je suis séropositive depuis 13 ans et mon mari est séronégatif. Nous formons un couple discordant », raconte-t-elle. Elle fait savoir que, souvent, son mari lui dit de s’occuper des enfants seule comme s’ils ne sont pas aussi les siens. « Parfois, il va jusqu’à dire que ç’est suicidaire d’être avec moi ».
Selon elle, la situation était encore plus pénible au cours des premières naissances : stress permanent, maltraitance conjugale et manque de lait maternel. Malgré tout, Mme. Ndayizeye s’est accrochée. Elle prend ses antirétroviraux sans interruption.
Son enfant a déjà 13 ans. Une preuve que malgré les épreuves, elle réussit à protéger ses enfants. Mais elle estime que les problèmes persistent. Elle exhorte les associations œuvrant dans la lutte contre le sida à leur apporter un soutien alimentaire nécessaire dans l’allaitement. « Nous avons besoin du lait, de la bouillie et d’autres produits de base pour le bien-être de nos enfants. Pendant les six premiers mois, si nous allaitons, nous ne pouvons rien leur donner d’autre. Ce qui exige que nous disposions de suffisamment d’énergie ».
Les actions remplacent les dons alimentaires
Selon Olepa Ngendakuriyo, représentante de RBP+ regroupant les personnes vivant avec le VIH-sida dans la commune Rumonge, l’association compte actuellement 252 membres. Elle collabore avec d’autres structures comme le CBF+ dans la mise en œuvre de projets de développement pour les femmes allaitantes séropositives.
Elle souligne que RBP+ mène également des campagnes de sensibilisation dans les centres de santé afin d’encourager les hommes à se faire dépister car beaucoup restent réticents. Pour les couples discordants où l’un est séropositif et l’autre séronégatif, des conseils spécifiques sont proposés pour les aider à mieux gérer leur quotidien.
« Autrefois, l’appui passait par des dons alimentaires. Aujourd’hui, face à la réduction des soutiens, l’association privilégie les initiatives de développement. Nous demandons aux bienfaiteurs de continuer à soutenir ces femmes financièrement puisqu’elles sont capables de réussir par elles-mêmes », exhorté Mme Ngendakuriyo aux différents ONG qui travaillent dans la lutte contre le sida.
Elle a fait savoir que les membres de RBP+ reçoivent des prêts remboursables sur trois ans, mais qu’ils gardent les bénéfices de leurs activités. « Un groupe de neuf personnes, par exemple, bénéficie d’un prêt total de 7,5 millions de francs burundais ».
Mme. Ngendakuriyo plaide également pour la disponibilité des médicaments, notamment le bactrim, essentiel pour les mères allaitantes séropositives et leurs enfants afin de prévenir les infections et protéger leur santé.
Interview avec Dr Aimé Ndayizeye
« Se lancer dans les activités génératrices de revenus peut aussi améliorer leur vie et celle de leurs enfants »
Quels sont les objectifs de PTME (Prévention de la transmission Mère-Enfant du VIH)
Nous voulons prévenir la transmission du VIH, de la syphilis et de l’hépatite B de la mère à l’enfant. Les femmes enceintes sont encouragées à consulter les structures de soins pour se faire dépister. Si elles sont séropositives, elles commencent un traitement antirétroviral pour atteindre l’accouchement avec une charge virale indétectable et donner naissance à un enfant sain.
Que doivent faire les mères après l’accouchement ?
Elles doivent continuer le traitement antirétroviral pendant toute la période d’allaitement et pour la vie. Arrêter les ARV augmente le risque de transmission par le lait maternel.
Comment sont pris en charge les enfants nés des mères séropositives ?
Les enfants reçoivent un traitement prophylactique à base de névirapine et d’osidovudine pendant six à douze semaines. Nous administrons aussi le bactrim pour prévenir les infections opportunistes. Le dépistage précoce est effectué à six semaines, à six mois et après le sevrage.
Si l’enfant est positif, il est immédiatement mis sous traitement antirétroviral et suivi avec un test de confirmation.
Pourquoi y-a-t-il de rupture de stock du bactrim ?
Les retards sont dus à la réduction du financement de certains partenaires comme le Pephar et l’OMS, ainsi qu’à des difficultés logistiques et de personnel. Nous avons mis en place des mesures palliatives, à savoir la redistribution des stocks entre districts et le morcellement des comprimés de 480 mg pour les enfants, en attendant les nouveaux arrivages.
Comment administrer le bactrim aux enfants avec ces perturbations ?
Les comprimés de 480 mg destinés aux adultes peuvent être morcelés en quatre parties et dissouts dans l’eau pour être administrés aux enfants, car ceux-ci consomment une dose de 120 mg de bactrim.
Y-a-t-il d’autres mesures pour la santé des enfants ?
Oui. Certaines mères ayant une charge virale élevée ou un mauvais état de santé reçoivent du lait maternisé pour leurs enfants jusqu’à ce qu’elles puissent reprendre l’allaitement. Le risque de transmission reste très faible si la mère est sous traitement.
Quel est le soutien nutritionnel prévu pour les mères séropositives allaitantes ?
Le gouvernement encourage également les activités génératrices de revenus pour les personnes vivant avec le VIH afin qu’elles puissent subvenir à leurs besoins. Cela contribue à leur autonomie et au suivi régulier du traitement.
Pouvez-vous développer sur ces activités génératrices de revenus ?
Oui. Nous encourageons vivement les femmes vivant avec le VIH à se lancer davantage dans ces activités. Elles reçoivent des prêts remboursables sur trois ans, mais elles conservent les bénéfices de leurs activités. Cela leur permet de mieux subvenir à leurs besoins, d’assurer l’alimentation de leurs familles et de renforcer leur indépendance économique.
Quelles sont les autres interventions menées ?
Nous assurons le suivi des charges virales, le dépistage précoce, la prophylaxie et l’accompagnement continu des mères et des enfants. Les mutualités de santé sont aussi encouragées pour réduire la charge financière en cas de maladies non subventionnées.
Comment garantir la durabilité des programmes sur le VIH ?
Avec la diminution des financements mondiaux, notamment le programme Pephar des Américains, nous travaillons à renforcer le financement domestique et les lignes budgétaires pour le VIH.
L’objectif est de garantir la continuité des soins et de l’accompagnement, même après l’agenda de 2030 des Nations-unies, et d’assurer que les personnes vivant avec le VIH restent en bonne santé.
Existe-t-il des actions spécifiques pour les enfants qui ne peuvent pas etre allaités ?
Oui. Pour les enfants que les mères ne peuvent pas allaiter temporairement, le gouvernement fournit du lait maternisé. Cela permet de nourrir les enfants en toute sécurité et de maintenir leur bonne santé jusqu’à ce que les mères puissent reprendre l’allaitement.
Quels messages pour les mères séropositives allaitantes ?
Continuer le traitement, respecter les suivis médicaux, participer aux dépistages et aux programmes de soutien. Se lancer dans les activités génératrices de revenus peut aussi améliorer leur vie et celle de leurs enfants. Avec un suivi rigoureux, les enfants peuvent naître et grandir en bonne santé, même lorsque la mère est séropositive.
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