L’ironie est amère. L’article 162 de la Constitution burundaise de 2018 proclame sans ambiguïté que « les séances de l’Assemblée nationale et du Sénat sont publiques ».
Pourtant, depuis plusieurs semaines, une dérive inquiétante s’installe dans les couloirs du pouvoir législatif burundais. Les médias privés, gardiens traditionnels de la transparence démocratique, se voient progressivement écartés du palais de Kigobe.
Cette exclusion systématique n’est pas un accident : elle révèle une volonté délibérée de contrôler l’information et de soustraire l’action parlementaire au regard critique de la presse indépendante burundaise.
Lors des séances à Kigobe, seuls quelques médias triés sur le volet, notamment ceux des radios Rema FM, la RTNB, et du journal Le Renouveau – obtiennent le sésame pour l’hémicycle, pendant que les professionnels d’Iwacu, d’Isanganiro, de Bonesha et d’autres organes indépendants se voient claquer la porte au nez.
Cette exclusion ne se limite pas aux murs de l’Assemblée. Elle s’étend aux canaux numériques qui constituaient un lien vital entre les élus et leurs mandants. Le retrait brutal de nombreux journalistes du groupe WhatsApp institutionnel, l’arrêt des diffusions en direct sur YouTube depuis le 7 août, la dissimulation des séances importantes comme l’adoption du projet de loi sur la CNIDH : tout concourt à créer une opacité délibérée autour de l’action législative.
Il y a là une stratégie assumée de confiscation de l’information publique. Car ces débats parlementaires n’appartiennent pas aux députés, ils appartiennent au peuple burundais qui a le droit inaliénable de savoir comment ses représentants exercent le mandat qui leur a été confié.
Voilà donc où nous en sommes : les travaux de l’Assemblée nationale sont accessibles à quelques médias qui « accompagnent l’action gouvernementale » selon la formule consacrée depuis… l’ère du parti unique. Au fait, j’oubliais, avec un parlement monocolore, c’est exactement la situation du Burundi.
À ceux qui douteraient encore, le silence assourdissant de l’Assemblée nationale face aux interrogations légitimes des journalistes est une réponse, un aveu : celui d’une dérive autoritaire assumée par le parti dont les membres avaient pris les armes pour défendre, semble-t-il, la démocratie…
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