Mardi 29 juillet 2025

Editorial

The game is over !

13/06/2025 3

Le verdict des urnes est tombé. Sans appel. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a rendu publics, le 11 juin, les résultats provisoires des élections communales et législatives. Le parti de l’Aigle a obtenu un score digne des scrutins brejnéviens. À moins d’un coup de théâtre de dernière minute, tous les signaux laissaient déjà présager, durant la campagne électorale, une victoire du parti majoritaire. Mais pas un tel raz-de-marée !

Sur un total de 1052 sièges aux communales, il en a décroché 1031. À l’exception de 3 représentants Twa cooptés, l’hémicycle de Kigobe sera exclusivement composé de députés-Abagumyabanga lors de la prochaine législature : 108 députés sur 111. Le Sénat connaîtra le même scénario, les sénateurs étant élus par les conseillers communaux, eux aussi largement dominés par le parti majoritaire. Bref, nous aurons un Parlement monocolore. Une victoire totale. Du jamais vu ou entendu dans un Burundi démocratique.

Le CNDD-FDD exulte et jubile. Les autres partis et candidats indépendants, eux, sont dépités.
« Ça donne le vertige », s’est exclamé, avec amertume et déception, un candidat malheureux. « C’est le jeu démocratique », lui a rétorqué, avec une ironie mordante, l’un des élus.
Comment expliquer les comportements électoraux des Burundais ? Ont-ils fait un choix rationnel de leurs candidats ou simplement reconduit le parti majoritaire ? Durant la campagne, les partis d’opposition ont dressé un réquisitoire sévère contre le bilan du pouvoir sortant : économie exsangue, mauvaise gouvernance, corruption, abus de pouvoir, promesses non tenues, etc. Ils s’attendaient logiquement à un vote sanction, traduisant la désaffection des citoyens envers le parti de l’Aigle.

Sitôt les résultats proclamés, les contestations post-électorales ont surgi. Les candidats malheureux dénoncent de nombreuses irrégularités, qui selon eux, entachent la crédibilité du scrutin. Ils parlent de hold-up électoral, de tripatouillage, de mascarade.

Un contentieux électoral est engagé. Mais dans quel but ? Il est difficile d’imaginer que la Cour constitutionnelle invalide le processus électoral. D’ailleurs, certains observateurs estiment que, malgré quelques incidents isolés, le double scrutin s’est globalement déroulé dans le respect de la Constitution, du Code électoral et des standards internationaux.

Les carottes sont donc cuites, même si certains parlent de paradoxe électoral, de résultats qui défient la réalité. Pour eux, un score parfait (100 %) n’est pas le signe d’une démocratie triomphante, mais bien plutôt le symptôme d’un dysfonctionnement institutionnel. Ce type de résultat annonce souvent un affaiblissement des contre-pouvoirs.

Soit. L’essentiel est fait, du moins en apparence. La CENI a validé les élections, ce qui suppose que l’électeur a fait son choix, souverain.

Quel que soit le sentiment qui anime chaque Burundais face à cette « éclatante victoire », comme la qualifie le parti au pouvoir, il ne nous reste qu’à retourner à nos occupations quotidiennes. Comme diraient les anglophones : The game is over.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Jereve

    Ce score fleuve du parti au pouvoir ne devrait pourtant pas étonner outre mesure. Nous vivons dans un pays où la corruption est omniprésente (y-a-t-il quelqu’un pour contester ce fait accompli?); il faut être naïf ou simple d’esprit pour croire que les élections feront exception pour suivre une voie contraire. En d’autres mots celui qui a pris l’habitude de faire main basse sur les biens de l’état n’hésitera pas à faire main basse sur les élections. C’est dans la logique même de l’ambiance générale. Il n’y a pas eu de miracle! Il fallait seulement penser à baisser un tout petit peu les pourcentages pour laisser une petite place pour un semblant de crédibilité.

  2. arsène

    The game is over et ce sera pareil en 2027. Ainsi nos chers élus feront du Burundi un pays émergent en 2040 et développé en 2060.

  3. Jean Pierre Hakizimana

    Franchement, je ne sais pas comment interpréter cette situation! Le Burundais souffre t il du syndrome de Stockholm ou une main invisible qui decide les résultats?

    Espérons les journalistes vont nous éclairer cette situation dans un très proche avenir.

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