Sur le papier, les notables collinaires sont des femmes et des hommes qui incarnent la mémoire des collines, les garants de la cohésion sociale. Mais, derrière cette image respectée se cache une réalité plus sombre : menaces, pauvreté et absence de statut juridique. Ces figures indispensables à la vie communautaire lancent un cri d’alarme.
Appelés à jouer un rôle clé dans la prévention et le règlement des conflits, en particulier les conflits fonciers, pour désengorger les tribunaux de résidence, les notables collinaires affirment qu’ils travaillent dans des conditions dures. Ce qui entache souvent leur prestige.
Sur les collines et quartiers, une équipe de 15 personnes choisies pour leur intégrité et leur sagesse tranchent les conflits, réconcilient les familles divisées et apaisent les querelles du voisinage. Au début, beaucoup d’entre eux se sont fait élire tambour battant espérant qu’ils allaient recevoir des intérêts de la part de la population. Beaucoup d’entre eux témoignent qu’ils ont aujourd’hui déchanté.
« Je ne dirais que tout va mal mais nous travaillons dans des conditions spéciales. Nous n’avons pas de bureau, de matériel ni de rémunérations à la hauteur de notre tâche. Ceux qui pensaient venir amasser des intérêts travaillent aujourd’hui en trainant les pieds ou carrément ne comprennent pas dans quoi ils se sont engagés », affirme Juvénal Mbarushimana.
Selon cet homme très apprécié par les habitants de Yoba, le conseil des notables est une institution où chaque membre doit se sacrifier pour les autres. Aucun salaire ne pourrait compenser les efforts qu’ils fournissent. Comme rémunération, il souligne qu’il reçoit une modeste enveloppe tous les 3 mois. « Ce n’est même pas dix kilogrammes de riz », dit-il en souriant tristement. Il appelle à l’amélioration de leurs conditions de travail pour continuer à renforcer le lien social au sein des communautés.
Même son de cloche chez Noël Bancamugakike qui reconnait que les notables ne sont pas considérés à leur juste valeur. « L’une des partis en conflit peut minimiser notre rôle. Elle pense qu’elle perd son temps à venir vers nous. Elle va directement vers les tribunaux. Ce qui est pourtant interdit par la loi »
Un climat d’intimidation
Si au quartier Yoba les décisions des notables sont encore respectées, ailleurs aux quartiers Magarama et Nyabututsi, sur la colline Songa etc, la réalité est tout autre. Beaucoup affirment vivre dans un climat d’intimidation permanent. Certains justiciables passent même à la menace. Un notable du quartier Nyabututsi affirme que leur légitimité est souvent foulée aux pieds par certains qui se considèrent comme très importants dans la société.
« Il n’est pas rare que quelqu’un te met en garde ouvertement si tu ne tranches pas en sa faveur. » Des officiers de la police judiciaire (OPJ), censés travailler en complémentarité avec les notables peuvent transformer cette collaboration en rapport de force. Il arrive en effet qu’un OPJ délivre une convocation à un notable pour n’avoir rien fait pour satisfaire les doléances d’une personnalité publique. « Les affaires de terre, c’est ce qu’il y a de plus dangereux. Parfois, on me dit ‘’si tu continues, on s’occupera de toi’’. Mais, je n’ai pas de choix. Cela relève de ma responsabilité », confie-t-il.
Dans d’autres cas, les menaces proviennent de personnes puissantes. « Nous recevons des coups de fil, des intimidations », souligne un notable de Songa sous anonymat. D’après lui, cette pression est d’autant plus insupportable du moment que les notables ne bénéficient d’aucun statut juridique clair pour les protéger comme les magistrats ou les élus locaux qui disposent de l’immunité et de moyens légaux pour se défendre. Les notables collinaires ne perçoivent qu’une indemnité jugée symbolique.
« Cela engendre parfois de la corruption ou d’autres arrangements pour trancher en faveur de celui qui a des moyens », souligne un habitant de Magarama. Des voix s’élèvent également pour demander que les notables bénéficient d’une rémunération digne ainsi que d’une formation régulière sur le droit coutumier et les règles de médiation modernes.
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