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Économie

Osez Entreprendre / Recyclage : gagner leur vie en protégeant l’environnement

22/07/2016 2

Dans cette association innovante de Kinama, on n’a pas peur de se salir les mains ! Depuis octobre 2015, Gaston Ntahomvukiye et son équipe recyclent charbon de bois et ordures ménagères.

Osez Entreprendre / Recyclage : gagner leur vie en protégeant l’environnement

Que propose l’association Turwanye umwavu mu gusukura aho tubaye à ses clients?

Du charbon recyclé et du compost. Nous ramassons des ordures ménagères que nous trions à la main pour ne garder que les matières biodégradables. Nous en faisons du compost que nous vendons. Nous ramassons également des restes du charbon que nous transformons pour la réutilisation

Comment se fait la transformation des restes du charbon ?

Nous collectons ces résidus dans des ménages et chez des vendeurs. Puis nous les faisons passer dans un filtre pour ne garder que les petites granules de charbons.

Nous faisons alors cuire 1kg de farine de manioc ou de maïs dans 20l d’eau. Après la cuisson, on ajoute à ce mélange 600g de poudre d’argile, et enfin 15 kg de poudre de charbon. Il ne reste plus qu’à verser ce mélange dans une machine à presser. Quatre barres de charbon en ressortent à chaque tour de machine. La dernière étape consiste à faire sécher au soleil ces barres de charbon pendant deux jours.

Et la rentabilité ?

Elle est faible. Faute de financement, nous ne sommes équipés que de deux machines, ce qui limite la production. Nous parvenons tout de même à produire au minimum 150kg de charbons par semaine que nous vendons à seulement 300Fbu le kg. L’argent de cette vente suffit à peine pour payer les employés. Quant au compost il est vendu à une somme modique de 10Fbr le kilogramme. Mais comme nous sommes en période de la saison sèche, la transformation du compost est au ralenti.

Combien de personnes employez-vous ?

Une trentaine. Ils sont répartis en deux équipes: cinq sont affectés au recyclage du charbon, et trente à la collecte et au tri des déchets ménagers.

Quelle est votre clientèle ?

Les ménages de Kinama. Beaucoup d’entre eux utilisent du charbon pour la cuisson. Et comme c’est du bon charbon, nous n’avons pas de difficultés particulières quant à l’écoulement de nos produits.

Comment est née l’idée de cette activité ?

Cette idée de recyclage a vu le jour avec le programme de pavage de la CTB (Coopération Technique Belge) dans la zone Kinama, en août 2013. Il fallait déboucher les caniveaux pour éviter l’inondation des routes nouvellement emménagées.L’activité de recyclage a commencé avec les déchets biodégradables récupérés.

Pour la transformation du charbon, l’opération n’a débuté qu’en 2015, dans la même optique : rendre propre notre quartier tout en en tirant du profit. Toujours grâce au soutien de la CTB, nous avons pu obtenir le hangar dans lequel nous travaillons et les deux machines qui transforment le charbon

Un démarrage difficile ?

Pas vraiment car la CTB a beaucoup contribué à ce projet en aménageant la zone de transit de déchet de Kinama. Ce n’est que l’année passée avec l’arrêt de certains des projets de la CTB que les activités ont commencé à en souffrir.

Quels sont vos défis aujourd’hui ?

Suite au retrait de la CTB, nous avons du mal à nous autofinancer et à mieux nous équiper. De plus, notre matériel est archaïque. Il nous faudrait disposer de matériel électronique pour augmenter la productivité. L’autre difficulté est liée au pouvoir d’achat de nos clients.Cela nous contraint à vendre à bas prix par rapport aux moyens investis dans la production et au coût de la main d’œuvre. Nous lançons d’ailleurs un appel à toute personne qui aimerait nous aider en apportant sa pierre à l’édifice.

Vos projets d’avenir ?

Nous faisons du lobbying auprès de l’administration et de différentes organisations, surtout pour obtenir un meilleur équipement.

Un message pour les jeunes qui veulent se lancer ?

Oui, et il est simple : il ne faut pas rester bras croisés. Il faut que la jeunesse se trouve une activité, aussi petite ou méprisable soit-elle.. Lorsque nous avons commencé, l’entourage nous définissait comme «les gens des ordures» mais nous n’avons pas arrêté pour autant. Il ne faut pas tout attendre de l’Etat, la jeunesse doit créer.


Bio express

Gaston bio expressNé le 15 novembre 1977 dans la zone de Kinama, Gaston Ntahomvukiye est père de six enfants. Il est titulaire d’un diplôme des humanités générales dans la section Scientifique B du Lycée de la Sainte Famille de Kinama. Depuis Août 2013, il est le président de l’association Turwanye umwavu mu gusukura aho tubaye (luttons contre les déchets en rendant propre notre entourage) qui œuvre dans la zone de Kinama.


Témoignages

«Aucun métier n’est méprisable»

Employé de l’association, Faustin Irambona est conscient de sa chance d’avoir un métier.

Faustin témoin1Après dix mois de prestation dans l’association, Faustin Irambona fait un clin d’œil aux jeunes qui sous-estiment son métier : « Je fais un travail manuel et crasseux. Beaucoup se moquent. Mais au moins, je gagne honnêtement ma vie»

Chef de famille et père d’un enfant, M. Irambona affirme que son travail lui assure le nécessaire «Ce métier me permet de faire vivre ma petite famille, de payer mon loyer et de m’acheter le strict minimum sans quémander. Je ne le prends aucunement à la légère ». La preuve : il a suivi une formation en octobre 2015 auprès des agents de la CTB : «C’était une formation intensive de trois jours sur la technique de recyclage. Acquérir une nouvelle technique est toujours un plus».

M. Irambona se dit prêt à partager ses connaissances moyennant un paiement «Ce serait un autre moyen d’arrondir mes fins de mois !»

«Le charbon recyclé est de bonne qualité et dure longtemps »

Client de l’association depuis le début du recyclage, Servais Niyonsaba atteste de la qualité de ce charbon.

Servais témoin 2«En utilisant les charbons katazimata (très inflammable), j’épargne la moitié de la somme nécessaire pour le charbon ordinaire», peut-on lire en langue nationale sur l’enseigne de l’association.

Propos que confirme Servais Niyonsaba, un habitant de Kinama. Etant parmi leurs fidèles clients, il dit n’avoir pas été déçu. «Aussitôt que j’ai su que l’association vendait du charbon recyclé, je suis venu m’approvisionner, et je continue !»

M. Niyonsaba garantit la qualité de ce charbon et dit le recommander à d’autres. «1kg de charbon peut faire cuire 1kg de haricot et du riz. Ce qui est impensable avec le charbon ordinaire».

Autre qualité appréciée par M. Niyonsaba : «Ce charbon ne dégage pas de fumée pendant la cuisson».

Le seul hic reconnaît-il est que ce charbon n’est pas réutilisable : «Quand tu fais la cuisson, tu ne peux pas éteindre ce charbon dans l’espoir de le rallumer. C’est à usage unique»


Conseils d’un pro

« Cette association innovante doit vendre de façon plus agressive »

Pierre Claver, directeur de la BBIN conseille cette entreprise de miser sur les éléments de marketing pour vendre

Pierre Claver Nduwumwami - Expert«Cette association innove. Elle mise sur un produit et un processus de production relativement nouveaux», apprécie le Directeur du Burundi Business Incubator.

Selon M. Nduwumwami même si cette association est une entreprise à caractère social ( l’’objectif premier est la protection de l’environnement), des revenus sont nécessaires pour pérenniser l’affaire.

« La rentabilisation dépend en grande partie de la taille du marché et de la maîtrise des coûts de production. L’association doit bien calculer en fonction de ces deux éléments».

La taille de marché dépend, selon le directeur de la BBIN, de la capacité de chaque entreprise à le conquérir avec un produit de qualité, satisfaisant aux yeux du client, d’une bonne promotion et d’un système de distribution efficace. «Cette association doit revoir les éléments ci-haut cités si elle veut rentabiliser sa production», insiste le directeur de la BBIN

M. Nduwumwami assure qu’il est normal pour une association dans le domaine de l’entrepreneuriat social, d’être assistée au début pour surmonter les premiers obstacles.

Toutefois, il souligne que l’entreprise est censée par la suite générer suffisamment de ressources pour couvrir les frais de fonctionnement ainsi que les dépenses d’investissement nécessaires.

Le directeur de la BBIN conseille à cette association de vendre de façon agressive pour s’accorder une certaine marge : «il leur faut cibler d’autres quartiers de la capitale, faire une livraison à domicile ou des abonnements».

En dernier lieu, M. Nduwumwami propose à cette association d’élaborer un compte de résultats prévisionnel et calculer le seuil de rentabilité.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Abel

    Bonjour,
    Est ce possible d’avoir le contacte de Monsieur Gaston Ntahomvukiye, dans le but d’étudier un éventuel partenariat.

    Vous en remerciant par avance.

  2. Abdallah Ben Mansour

    Bonjour,
    Est ce possible d’avoir le contacte de Monsieur Gaston Ntahomvukiye, dans le but d’étudier un éventuel partenariat.

    Vous en remerciant par avance.

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