Mercredi 16 juillet 2025

Société

Recrutement de nouveaux enseignants : L’inadéquation entre les besoins réels et les effectifs à recruter persiste

16/07/2025 0
Recrutement de nouveaux enseignants : L’inadéquation entre les besoins réels et les effectifs à recruter persiste
François Havyarimana : « Nous allons nous baser sur des critères objectifs »

Parmi les perspectives de l’exercice 2025-2026, François Havyarimana, ministre ayant l’éducation dans ses attributions, prévoit de recruter 2 000 enseignants à l’école fondamentale et post-fondamentale ainsi que plus de 100 enseignants à l’enseignement supérieur. Pour certains syndicalistes, c’est un coup d’épée dans l’eau.

« Nous allons recruter 2 000 enseignants à l’enseignement fondamental et post-fondamental et plus de 100 enseignants à l’enseignement supérieur », a promis François Havyarimana, ministre de l’Education nationale et de la Recherche scientifique. C’était au cours d’un point de presse organisé le mercredi 2 juillet 2025, dans le cadre de la présentation des réalisations de l’année budgétaire 2024-2025 et des principales activités prévues au cours de l’exercice 2025-2026.

Il a fait savoir que ce recrutement sera lié avec le retour des redéployés et la facilitation de certains enseignants qui ont besoin des mutations. Il a précisé que cela doit se faire avant la rentrée scolaire 2025-2026 pour alléger la souffrance de certains enseignants. Il se veut aussi rassurant en garantissant de baser ce recrutement sur des critères objectifs.

« Nous commencerons par ceux qui ont des maladies chroniques, les familles dont le mari et l’épouse ont été tous redéployés. Ensuite, nous passerons aux plus âgés et nous allons poursuivre par d’autres critères » avant de rassurer qu’ils vont se baser « sur des critères objectifs pour être le plus impartial possible car les demandes sont nombreuses ».

Un recrutement salué, mais…

Certains parents saluent la mesure. Toutefois, ils estiment que cet effectif est insuffisant compte tenu de la carence persistante des enseignants aussi bien dans les écoles fondamentales et post-fondamentales que dans l’enseignement supérieur. Ils appellent le gouvernement à revoir ces effectifs à la hausse pour assurer un encadrement adéquat des apprenants.

« Ce recrutement constitue une valeur ajoutée pour les élèves et les parents. En effet, cela va permettre aux élèves d’étudier dans de bonnes conditions et de diminuer le chômage des jeunes diplômés », estime Norbert Ndiho, un habitant de la zone Gihosha.

C’est le même appel de la part de Nestor Ndabacekure, un parent de la même zone. Il demande au ministère en charge de l’éducation nationale d’embaucher un nombre suffisant d’enseignants pour garantir une bonne éducation aux apprenants. Il plaide également pour le désengorgement des classes pléthoriques.
« En tant que parent, il faut alléger le fardeau à certains enseignants qui gèrent des classes pléthoriques. C’est la qualité de l’enseignement qui en souffre puisqu’il y a baisse du rendement scolaire ».

La situation reste alarmante sur le terrain. La surpopulation dans les établissements scolaires est une réalité. Les conditions d’apprentissage se dégradent et la qualité́ de l’enseignement en souffre.

M. N. est enseignant depuis 10 ans. Il décrit le calvaire qu’il endure avec des classes pléthoriques allant jusqu’à dépasser même sa charge horaire hebdomadaire. Il tire la sonnette d’alarme. « J’enseigne le français dans deux classes qui comptent chacune 100 élèves. Je me sens épuisé à la fin des leçons. Il m’est difficile de vérifier si tous les élèves ont bien suivi et compris la leçon. Il faut un autre enseignant pour m’alléger ce fardeau ».

Un autre parent qui a requis l’anonymat salue l’annonce du ministre. Cependant, met-il en garde, il faut que l’autorité éducative veille à la bonne organisation du test de recrutement. « Il faut éviter les tricheries ainsi que les cas de népotisme et d’autres irrégularités qui ont entaché le test de recrutement dans le passé ».

Dans l’ancienne province de Kayanza, le directeur provincial de l’Éducation (DPE), Juvénal Mbonihankuye, fait savoir que le manque d’enseignants persiste. Les données chiffrées qu’il fournit montrent que pour l’année scolaire écoulée, la province a enregistré un manque de plus de 700 enseignants.


Réactions

Antoine Manuma : « Un recrutement qui ne répond pas aux besoins réels »

Selon Antoine Manuma, président de la Fédération nationale des Syndicats du secteur de l’Enseignement et de l’Education du Burundi (Fenaseb), les effectifs de nouveaux enseignants à recruter ne répondent pas aux besoins réels en enseignants qui sont estimés à plus de 10 mille. Il fait savoir que ces effectifs ne cessent de s’accroître suite aux départs à la retraite, aux décès et à la fuite des cerveaux.

Pour lui, le recours aux enseignants bénévoles ou vacataires comme solution de rechange ne résout pas pour autant le problème. « On ne peut pas attendre d’eux un meilleur rendement car les bénévoles bénéficient d’un intéressement peu motivant provenant des contributions des parents souvent irrégulières et quelque fois détournées par certains responsables des écoles. Par ailleurs, ils ne sont reconnus par aucune norme du travail ».

Il fait la même observation du côté des vacataires en évoquant leur irrégularité au travail. « Pour les vacataires, non seulement l’intéressement est moins motivant mais aussi ils ne sont pas souvent disponibles suite à leurs autres occupations quotidiennes ».

Pour ce syndicaliste, la carence d’enseignants est l’un des facteurs de la baisse de la qualité du rendement scolaire.

Il demande au ministère de tutelle d’accroître les effectifs d’enseignants à recruter car, 2 000 enseignants prévus sont de loin inférieurs aux besoins exprimés.
Antoine Manuma demande aussi au gouvernement burundais d’augmenter la rémunération des enseignants en poste pour les fidéliser. « Dans le cas contraire, le manque d’enseignants restera chronique ».

Jean Samandari : « Il y a un déficit criant d’enseignants »

« Nous remercions le ministère pour avoir répondu à notre doléance. C’est un pas même si les besoins réels en personnel enseignant dépassent de loin ces effectifs à recruter », apprécie Maître Jean Samandari, président et représentant légal de l’association Education pour tous/Bafashebige.

Il déplore le phénomène des départs des enseignants aussi bien dans les écoles secondaires que dans les universités. Il trouve que les raisons sont multiples. Il évoque notamment les conditions de vie qui deviennent de plus en plus intenables. « Je pense que la cherté de la vie en est la principale cause. Et le manque à gagner est énorme. Le déficit d’enseignant reste ».
Il demande au gouvernement burundais de penser à un système incitatif pour encourager et maintenir les enseignants à leurs postes.

Interrogé sur le budget qui est alloué à l’Education, Me Samandari fait savoir que le Burundi essaie, autant que faire se peut, de s’aligner aux recommandations de l’Unesco. Mais, le budget ne suffit pas pour couvrir tous les besoins.

Désiré Nisubire : « Il faut stabiliser les enseignants »

Désiré Nisubire, président du Syndicat du personnel enseignant de l’Université du Burundi salue lui aussi la mesure de recruter de nouveaux enseignants pour la rentrée académique prochaine. Cependant, il estime que le défi majeur reste la stabilisation du personnel enseignant.

Il rappelle qu’il y a eu introduction de nouveaux cycles de master et de doctorat dans les institutions universitaires. Mais, le parc du personnel enseignant n’a pas été augmenté.
« Avec ce recrutement, les enseignants vont être allégés dans leurs activités quotidiennes pour s’occuper plus de la recherche qui s’ajoute à l’enseignement académique », apprécie-t-il.

Cependant, le recrutement doit être accompagné par la stabilisation des enseignants qui sont en poste. Il fait observer que les enseignants qui quittent le pays ou qui changent d’emplois sont hautement qualifiés. Il y va donc de l’intérêt du gouvernement burundais de les stabiliser sinon on va se retrouver avec un vide de transmission de connaissances.
« Il faut stabiliser ces enseignants pour leur permettre de former la relève. Si la relève n’est pas bien formée, on se retrouvera avec des enseignants qui ont des grades académiques élevés mais avec des connaissances faibles. C’est une évidence », recommande ce syndicaliste.

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