Par Thérence Niyongere
Introduction
Je suis né dans un coin du monde où les miracles s’écrivent avec des ratures et où les destins s’enlacent avec des épines. Thérence ? Un murmure porté par le vent du combat, une syllabe obstinée que même les fatalités n’ont su faire taire.
Ce que tu t’apprêtes à lire n’est point une oraison larmoyante ni un procès contre la normalité. J’y parle de ma lutte contre les escaliers de l’injustice, des portes fermées par l’ignorance, de mes études gravies à la force du front et du cœur, de mon amour pour une femme qui défie les lois de la mesure, car elle est petite de taille mais colossale d’âme. J’y évoque mes aspirations entrepreneuriales, mes élans poétiques, mes rêves suspendus au fil du temps… Dans ce texte, j’y ai semé un besoin urgent, comme on glisse une larme dans un éclat de rire, un cri dans un murmure. Lis entre les lignes, ressens entre les mots : tu y trouveras le poids discret de l’attente, le souffle d’un rêve suspendu, l’urgence douce d’un cœur en quête de réponse. Alors lis tout… et si ton âme sait entendre, elle saura aussi répondre.
Ce récit est mon autoportrait en mosaïque : chaque morceau brisé raconte une splendeur. Que tu sois roi ou roturier, valide ou vacillant, lis ces lignes avec l’oreille du cœur. Car même si mes jambes ne foulent pas la terre, mon verbe, lui, sait marcher sur les étoiles.
Ma biographie
Poète en fauteuil, philosophe en freestyle, capitaine d’un vaisseau nommé Résilience, je suis Thérence Niyongere, né en 14 octobre 1996, dans les bras tranquilles de la colline Mugongo, au nord du Burundi, province de Muyinga, commune de Butihinda, zone Kamaramagambo (non, ce n’est pas un sortilège, c’est bien mon adresse !). Aîné d’une tribu de cinq enfants, j’ai poussé mon premier cri dans une famille modeste, là où le luxe, c’était de rêver sans qu’on vous le reproche.
Mais la vie, cette grande farceuse à l’humour parfois douteux, m’a offert une surprise assez croustillante : j’ai perdu l’usage de mes jambes avant même que mes poils de barbe n’envisagent d’éclore. Triste ? Oui. Tragique ? Peut-être. Mais j’ai très vite compris que ce n’était pas une fin… c’était une métamorphose. Puisque mes jambes m’ont trahi, j’ai fait un pacte avec ma tête : « Toi, tu me mèneras là où les pieds n’osent même pas rêver. »
Et c’est ainsi que je me suis lancé dans une folle odyssée d’apprentissage. Mon premier port d’attache fut l’Institut Saint Kizito de Bujumbura, école bénie des enfants extraordinaires. Là, j’ai compris que ma « différence » n’était pas un fardeau, mais un carburant. Après avoir terminé le primaire, je suis ensuite retourné respirer l’air natal à MUYINGA, au Lycée RUGARI, pour y poursuivre le cycle inférieur. C’était une époque de transition : j’ai eu l’honneur de faire partie de la toute première promotion du nouveau programme appelé « Fondamental ». Une aventure pédagogique inédite, où nous étions à la fois élèves et cobayes d’une réforme encore en chantier… mais avec le sourire et la soif d’apprendre comme bouclier, puis hop ! direction Bujumbura à l’ETS KAMENGE, section informatique des télécoms, histoire de dompter les machines.
Mais comme la vie ne se programme pas en Java, j’ai préféré plonger dans les abysses de l’économie. Me voilà donc à l’Université du Burundi, nageant à contre-courant dans le département d’économie politique, filière économie publique et planification. Moi, le petit gars de Mugongo, devenu analyste de systèmes sociaux bancals, jongleur de chiffres et poète des budgets injustes.
Dans cette jungle académique, mon fauteuil n’était pas un frein, mais un char philosophique, blindé à l’humour, propulsé à la volonté. Mon cerveau, aiguisé comme un sabre de samouraï sarcastique, m’a permis de regarder plus haut que ceux qui me regardaient de haut.
Je suis un philosophe 2.0, avec Wi-Fi spirituel intégré. Un poète de l’invisible, qui murmure aux douleurs pour les transformer en rires. Un militant en cravate et en vers libres, qui déclame la dignité à chaque virage. Mon humour est une armure. Ma plume, une catapulte.
Aujourd’hui, je poursuis un objectif clair : accéder au niveau Master en économie, non pas uniquement pour le prestige académique, mais pour comprendre et agir sur les mécanismes de la justice sociale et économique. Mon rêve va au-delà des diplômes : Dans mes textes, je mêle la comédie et la philosophie, l’amour et le combat, la douleur et l’espérance. J’écris pour les rêveurs debout comme pour les guerriers assis. Pour que chacun comprenne que nos limites physiques ne sont rien face à l’infini de nos esprits.
Je suis Thérence Niyongere. Plus qu’un nom, une voix, une vision, une révolution à roulettes, une voix roulante, une vision dansante, une révolution qui s’écrit avec des roues et des ailes.
Le début d’une réflexion pas si tranquille…
Parfois, il m’arrive de m’asseoir seul, façon philosophe africain version 2.0, avec le regard plongé dans un mur innocent, témoin silencieux de mes contemplations existentielles. Ce mur n’a rien demandé, et pourtant, il devient l’écran de projection de mes pensées les plus profondes. Mon cerveau passe alors en mode « Netflix spirituel », avec une playlist de réflexions métaphysiques dignes de Socrate sous acide doux.
Et là, une question revient comme un refrain entêtant : c’est quoi, au fond, un handicap ? Est-ce une punition karmique envoyée par le ciel, un ticket VIP pour les galères sociales, ou un challenge bonus dans le grand jeu vidéo de la vie, façon mode extrême activé sans consentement ? Peut-être est-ce, selon Platon, une caverne dans laquelle la société veut nous enfermer, refusant de voir la lumière que nous portons. Peut-être aussi que c’est, comme dirait Nietzsche, la forge de notre volonté de puissance, ce feu sacré qui pousse à créer, à penser, à dépasser l’invisible mur des limitations. Certains jours, je me dis que c’est une sorte de code secret, un bug sacré dans la matrice de l’existence.
Le monde, ce jury non sollicité
Un être humain, bien fabriqué par Dieu, sans copie ni version bêta, naît, grandit, et découvre que sa vie sera rythmée non par le nombre de followers sur Instagram, mais par le nombre de trottoirs sans rampe ! Un vrai jeu de survie. Et moi, … je suis né comme tout le monde : avec deux jambes, une envie furieuse de courir et une dose de mignonnerie à faire fondre n’importe quel oncle bourru. On disait de moi : « Celui-là, il est né avec une étoile dans les yeux. » Et moi, je cabriolais dans le ventre de maman comme si j’avais un rendez-vous avec les Jeux Olympiques.
Mais voilà… la vie, cette scénariste fantasque, a décidé de modifier le script en douce. Paf ! Une maladie débarque, sans prévenir, sans excuse, sans fleurs. Elle m’embrasse les jambes… puis les emporte. Adieu cache-cache, bonjour chaise roulante. Clic clac, et voilà ma monture à roulettes. Elle grince un peu parfois, mais elle a du style.
Et comme si ce n’était pas suffisant, voilà que le monde se transforme en juge non demandé :
• Oh, il est handicapé, il doit pas savoir écrire !
• Ah bon ? Pourtant j’écris mieux que ton Wi-Fi capte !
Les héros invisibles et le swag mal compris
Je suis né dans un coin du monde où la modernité a manqué le rendez-vous, là où le handicap n’est pas une condition, mais une punition céleste, une affaire de sorcier au chômage ou de marabout jaloux. Un jour, la paralysie s’est installée dans mes jambes sans même me demander mon avis, et là, panique générale. L’entourage s’est précipité pour organiser les funérailles… de mon avenir ! Mes parents recevaient des condoléances dignes d’un film dramatique : « Hooo, vous perdez un bon fils aîné… » Perdre ? Pardon ? Je respirais encore ! Je mangeais encore ! Je parlais, je riais, je comprenais même les maths mieux que les géants de notre entourage.
Le plus drôle ? Ce ne sont pas les défis physiques les plus durs… non, ce sont les préjugés avec majuscule et accent circonflexe ! je voulais faire quelque chose de grand, mais on me regardait comme si j’avais dit que j’allais construire la tour Eiffel à Gitega. Je sortais avec style, je m’assois avec élégance, et là quelqu’un osait me dire :
• Tu es courageux hein, malgré ton… ton… euh…
• Mon quoi ? Mon intelligence ? Mon swag ? Ma patience devant ta bêtise ?
Mais à les écouter, j’étais devenu un objet de musée, un bibelot de salon, un chapitre triste dans un livre qu’on ne veut pas finir. Ils avaient oublié que parfois, c’est dans le silence d’un fauteuil que naissent les pensées les plus bruyantes. Parce qu’en vérité, le corps peut s’arrêter, mais la tête, elle, court le marathon de la vie, et moi, j’avais bien l’intention de franchir la ligne d’arrivée, en roue libre s’il le faut !
Moi, Thérence, penseur en pleine turbulence mentale
Et parfois aussi, moi Thérence, en pleine action de pensées sur le handicap, je me pose encore des questions si profondes que même Socrate me dirait : « Frère, tu vas loin là… ». Je me demande ce que c’est, ce handicap, ce mot court avec des effets longs… Je cherche une voie de sortie, un raccourci, un tunnel, un GPS céleste ! Et pourtant, malgré le courage que je me construis chaque matin, c’est le manque de déplacement qui me coince, me laisse suspendu dans mes pensées sans fin, à chercher un bouton « échap » dans la vraie vie.
Parfois encore, en pleine nuit, sous un ciel étoilé qui semble écrire en morse des messages d’encouragement que je suis le seul à ne pas capter, moi, Thérence, je m’assois seul. Oui, seul, mais comme un personnage principal de roman romantique exagéré. Genre ceux que Jane Austen aurait adorés s’ils avaient eu des pneus Michelin à la place des bottes en cuir. Et là… BAM ! Me voilà dans mes pensées. Des pensées profondes. Si profondes que même Jules Verne aurait hésité avant d’en faire le tour. Je cogite sur le handicap, ce mot à la fois doux comme une chanson triste et rude comme une gifle de réalité. C’est quoi au juste, ce machin-là ? Un sort ? Un test divin ? Une blague cosmique de Cupidon qui, au lieu de flécher mon cœur, a visé mes jambes ?
Je me demande : Mais bon sang de romantisme, c’est ce handicap qui va me faire rester derrière les autres ? Derrière comme le figurant triste d’un film d’action ? Derrière comme le gars qui arrive à la fin de la fête alors qu’il a fait la playlist ?
Des exploits… et un grand point d’interrogation
Avant même que ma voix ne découvre les chemins rocailleux de la puberté, le sort, farceur de profession, m’a volé mes jambes comme on vole des sandales au bord d’un fleuve. Le monde s’est soudain rétréci à la hauteur d’une chaise roulante, mais mes rêves, eux, ont pris de la hauteur.
Mais l’esprit ? Oh non, lui, il a refusé de s’asseoir. Il a bondi dans les livres, a couru dans les idées, a sprinté dans les chiffres. Là où certains voyaient la fin, moi j’ai vu un détour… un raccourci même, vers l’essentiel : ma tête. Puisqu’on m’avait confisqué la course à pied, j’ai lancé un sprint cérébral. J’ai pris mes neurones pour des haltères, et mes cahiers pour un tapis de course. Et c’est là que j’ai dit, avec un clin d’œil à la vie : « Bonjour les études, en route vers un avenir pas comme les autres, mais tout aussi grandiose. »
À l’école, cloué à ma chaise roulante en permanence, je déchiffrais les cours plus vite que les géants debout au tour de moi, j’étais le garçon dont les notes faisaient rougir les profs et pâlir les tableaux noirs. J’étais celui qu’on appelait : « l’encyclopédie en fauteuil ». Moi, je me disais : peut-être que mes jambes se sont sacrifiées pour que ma tête coure plus vite. Et puis, je me rappelle… Partout où je suis passé : université, formations, stages, j’ai brillé comme un soleil en pleine nuit ! J’étais l’étoile filante qui forme les autres avant même d’avoir reçu sa propre médaille. Et tout le monde disait : « Ooooh Thérence ! Toi, après les études, le monde du travail va te dérouler le tapis rouge, version Deluxe avec pop-corn et musique d’entrée. »
Mais voilà… Le monde, ce grand jury qui n’a jamais été sollicité, se permet encore de juger. « Il est en fauteuil, donc sûrement pas productif. » Pardon ? Je suis plus connecté que ton Wi-Fi et plus constant que ta 4G ! J’écris, je pense, j’analyse. Et pourtant, rien. Pas de bourse. Pas de contrat. Pas même un petit bureau avec vue sur les collines de Bujumbura.
Mais… que s’est-il passé ? Où est mon tapis ? Mon contrat CDI surprise ? Mon bureau avec vue sur les montagnes de l’espoir ?
Et là, je me demande en mode tragédie romantique : Est-ce parce que ma chaise roulante est un peu poussiéreuse ? Ou bien parce qu’on a peur qu’elle fasse des traces sur le sol ciré des grandes institutions ? Ou peut-être… peut-être qu’on a trop pitié de moi pour me fatiguer avec un travail ? Ahhh, cette pitié qui cache une flemme de faire de la place !
Mon amour m’attend, mais l’inspiration me retient
Et pourtant… Même ma dulcinée, cette perle rare à la voix de miel et au rire plus doux que toutes les séries turques confondues, m’envoie des messages d’amour si profonds que même Roméo en perdrait son épée, … et aurait dit : « Frérot, t’as gagné ! » Mais moi… non ! Je ne réponds pas toujours. Je suis trop occupé à rêver d’un monde où ma chaise roulante est une monture royale, où mon handicap n’est pas un frein, mais un carburant.
Parce qu’au fond, ce que je veux, ce n’est pas qu’on m’applaudisse parce que j’ai un handicap, non ! Je veux qu’on m’applaudisse parce que je suis doué, passionné, prêt, et que j’ai trop d’amour à donner, même à l’administration.
Alors oui, je me pose la question avec sérieux comique : un handicap, c’est quoi vraiment ? Ce n’est ni un sort jeté, ni une faiblesse éternelle. C’est une vie avec mode « expert activé », mais aussi un champ de gloire où chaque petite victoire est une médaille. C’est l’histoire de gens qui n’ont peut-être pas tous leurs 10 doigts fonctionnels, mais qui ont 10 fois plus de volonté que ceux qui les regardent de travers.
Perché sur les hauteurs de Bujumbura, … je médite
Quelquefois, …. dans le silence du crépuscule, je m’assois seul quelque part là-haut, dans les montagnes qui surplombent la grande ville de Bujumbura, là où la ville scintille comme si elle ignorait mes pensées, où le vent murmure plus que les décideurs, et je me demande : c’est quoi, un handicap ? Un sort ? Un bonus de difficulté dans ce jeu vidéo qu’on appelle la vie ? Ou juste
une manière divine de te dire : « Tu vas devoir briller autrement » ? Et je me pose de questions sans réponses : comment réussir avec un handicap ? Que signifie vraiment porter ce mot, lourd comme un sac d’histoires qu’on n’a jamais racontées ?
Parfois, je cogite si fort que même Socrate me dirait : « Frère, calme-toi, va boire un thé. » Et parfois, je pleure… de rire. Parce que franchement, il faut bien rigoler. Sinon, on fait quoi ? On s’éteint ? Non merci. Moi, je suis plutôt du genre lampe torche en pleine nuit d’orage.
Pourquoi est-ce que nos droits doivent être réclamés, criés, suppliés… alors qu’ils devraient tout simplement être là ? Naturels. Évidents. Normaux.
Je me demande : Ceux qui ont réussi, là, avec leurs fauteuils, leurs cannes blanches, leurs silences ou leurs douleurs invisibles… ils ont fait comment ? Est-ce qu’ils ont eu une formule magique ? Une main tendue au bon moment ? Ou bien, suis-je le seul dont le handicap a décidé de faire un peu de zèle ?
Je rêve fort d’un Master en analyse économique, … Mais en face ? Pas de rampe, pas de toilettes accessibles, des escaliers partout, comme si pour rêver il fallait faire de l’escalade.
Et puis l’argent… ce vieux camarade fantôme. Comment atteindre mon master avec un compte bancaire aussi vide qu’un frigo à la fin du mois ? Comment continuer mes études dans ce désert administratif ? On me dit que je suis brillant, qu’on croit en moi. Mais à croire, sans agir, on reste dans le néant.
Et pourtant, je n’abandonne pas. Je suis un capital humain à haute résistance, un survivant poétique, un stratège du quotidien. Je suis cet homme qu’on appelle courageux, mais qui ne demande pas la pitié. Juste la possibilité.
Parfois, je me dis que peut-être… peut-être que c’est mon handicap qui a pris goût à me bloquer les chemins. Mais ensuite je me reprends : non, c’est pas le handicap qui exagère… c’est le monde qui ne simplifie pas. Et là, … encore, la grande question se pose : quoi faire ? Par quelle voie ? Par quelle porte ? Ou peut-être… faut-il construire ma propre porte, même si je dois la clouer avec les dents, pousser avec les roues, et l’ouvrir avec le courage ? « Je ne sais pas !!! »
Mais toujours, dans ces hauteurs tranquilles, je cherche la réponse… avec tout l’espoir du monde. Parce que franchement, si vivre avec un handicap, c’est être aussi fort, alors le monde a intérêt à s’inspirer… et vite !
De la classe au tapis rouge
L’an 2019, j’ai passé l’examen d’État. Résultat ? Troisième sur le plan national. La présidence m’a appelé. Oui, Le Président de la République du Burundi en personne m’a remis un certificat d’honneur et une enveloppe bien dodue, le tout sur tapis rouge. Non, ce n’est pas une scène d’un film… c’était ma vie. Les ONG, les journalistes, les autorités… tout le monde me cherchait. On me disait : « Thérence, ton avenir est assuré. » Aujourd’hui je leur réponds : « Alors il est où, cet avenir ? Vous l’avez mis où ? »
L’université : victoire au prix du sacrifice

Je suis allé jusqu’au bout du baccalauréat en économie politique. Oui, avec ma fidèle chaise, mon sac, mes projets et mes espoirs. Mais quelle guerre ! Les salles sans accès, les escaliers sans fin, les toilettes inaccessibles, les distances inhumaines… J’ai tout traversé. Pas avec les jambes, mais avec une volonté qui fait trembler les montagnes.
Aujourd’hui, j’ai terminé mes études de baccalauréat promotion 2024, diplôme en main, mais rien dans les poches. Pas d’emploi, pas de bourse, pas de miracle. Je passe mes journées à écrire des projets de Master, des lettres de motivation, des candidatures… Je suis un « professionnel des demandes de bourses ». Je postule partout, j’écris même plus que certains écrivains. Mais la chance, elle, semble être en voyage. Je postule, je postule, … ô noble vocation ! A chaque bourse qui passe, j’envoie ma dévotion. Qu’elle vienne de Suède ou du fin fond du Japon, je suis prêt, motivé, CV en procession.
J’arpente le web comme un moine en mission, Je connais tous les sites, c’est presque ma religion. Dans les recoins sacrés de ma boîte mail, là où les rêves académiques vont dormir entre deux notifications de spam, s’empilent des centaines de tentatives poétiquement désespérées : Campus France, Eiffel la française chic, Fulbright l’Américaine ambitieuse, Chevening la Britannique distinguée, DAAD l’Allemande ponctuelle, Vanier l’hiver érudit du Canada, Gates Cambridge le millionnaire philosophe, Rhodes le noble d’Oxford, Erasmus+ la voyageuse sentimentale.
A leurs côtés, la Fondation Mastercard trône comme une reine philanthropique distribuant l’espoir aux enfants du continent, pendant que MEXT, CSC, KGSP, Stipendium Hongrois, Turkiye Burslari, Manaaki, Endeavour, et les Open Doors de Russie m’ouvrent, ou me ferment, leurs portes avec élégance algorithmique. Leurs onglets n’ont plus de secret, je clique sans surplus. Parfois je me dis, dans un élan d’extase : « Peut-être que la bourse, c’est juste une chimère qui passe ? »
Mais sitôt cette pensée, me revoilà lancé, à remplir des formulaires, encore un pavé !
J’ai tendu la main à toutes les constellations administratives. Aux étoiles Onusiennes, j’ai écrit avec soin. PNUD, FAO, UNESCO, PAM, UNHCR, je connais leurs sigles comme des prières anciennes. Je les ai invoqués, ces grands noms de la solidarité mondiale, en glissant ma voix dans le flot numérique d’un formulaire sans visage.
J’ai toqué aux portes panafricaines, celles de la renaissance promise. L’Union Africaine, la BAD, les bourses Kwame Nkrumah, les promesses d’un continent debout. J’ai crié avec l’espoir des héritiers de Sankara, posé ma foi sur des plateformes en ligne, souvent défaillantes, toujours exigeantes.
Mon ministère de l’Éducation aussi, je l’ai supplié, comme on appelle un père au cœur bureaucratique. Chaque année, une annonce. Chaque année, un espoir. Chaque année, je relis les critères avec application, et chaque année, je disparais dans la brume opaque de la « non-sélection ».
J’ai même postulé aux bourses réservées aux personnes vivant avec un handicap, non pas par ruse mais par zèle universel, dans l’espoir qu’un robot lise entre les lignes de mon âme fatiguée ; mais peut-être n’ont-ils pas vu que je ne suis pas handicapé… sauf peut-être d’une légère déficience en chance. Oui, chaque candidature est devenue un acte de foi, un slam diplomatique glissé dans un formulaire Google, une lettre d’amour lancée à des comités invisibles qui répondent par « Nous avons reçu un grand nombre de candidatures de qualité ».
Pourtant, je continue, car ma boîte mail est plus qu’une simple archive : c’est une cathédrale numérique où s’accumulent mes petites prières PDF, mes relevés de notes sanctifiés, et mes lettres de motivation, ces épitres existentielles signées d’un « Veuillez agréer… ». Désespéré mais stylé. Je suis le philosophe des candidatures vaines, Le clown du PDF, le poète de la peine. Mais qui sait, dans ce chaos de dossiers sans retour, une bourse, un jour, répondra à mon amour…
Alors j’écris. Je postule. Je rêve. Et je transforme chaque refus en encre. Chaque silence en phrase. Chaque échec en preuve que je suis toujours là. Pas encore boursier. Mais déjà écrivain de mes propres refus.
Appel à la solidarité
Dans ce vaste théâtre qu’est la vie, où chaque acteur joue son rôle avec ses forces et ses faiblesses, je me tiens à la croisée des chemins, conscient que mon handicap n’est ni une fatalité ni une malédiction irrévocable. Ce corps limité, que certains pourraient voir comme une entrave, est pour moi une invitation à transcender les apparences et à cultiver la puissance de l’esprit. Car si le corps peut fléchir, l’âme, elle, est un éternel voyageur, toujours en quête de lumière.
Ainsi, dans cette quête, je me tourne vers à vous, ONG (s), bienveillantes, autorités gouvernementales, ambassades engagées, société civile éveillée, institutions, âmes sensibles et têtes éclairées… non pas avec des mains tendues pour quémander, mais avec un esprit déterminé à écrire une autre histoire. L’histoire d’un être qui refuse que son destin soit dicté par les préjugés et les limitations physiques. Je vise haut, je vise loin : je veux embrasser le savoir dans sa forme la plus pure, dans l’exigence d’un master qui me permettra d’aller au-delà de moi-même.
Ce désir ardent d’avancer, d’apprendre, de contribuer ne se limite pas à un simple accomplissement personnel. Il est une forme d’engagement profond envers la société qui m’entoure. En effet, chaque diplôme, chaque savoir acquis est un levier pour briser les chaînes de l’exclusion et pour bâtir des ponts entre les êtres, quelles que soient leurs différences. La philosophie m’enseigne que la véritable grandeur ne réside pas dans la puissance brute, mais dans la capacité à transformer ses épreuves en sagesse. C’est cette sagesse que je cherche à nourrir. Ainsi, votre soutien, qu’il prenne la forme d’une bourse, d’un appui, d’un plaidoyer, ne serait pas seulement un secours ; il serait un investissement dans un futur où la différence devient source de richesse et d’innovation. C’est un appel à ouvrir les portes du ciel, à desserrer l’étau des limites et à embrasser la diversité des possibles.
Enfin, sachez que ce chemin vers l’excellence ne sera pas un sentier solitaire. Il est le fruit d’une volonté collective, où chaque pierre posée avec bienveillance construit une route nouvelle pour ceux qui, comme moi, cherchent à dépasser les barrières. Je vous promets de ne jamais trahir la confiance qui pourrait m’être accordée. Je veux être un témoignage vivant que, malgré les obstacles visibles et invisibles, l’homme peut s’élever au-dessus des contingences physiques par la force de l’esprit et la profondeur de la pensée. Accorder cette chance, c’est ouvrir une fenêtre sur un monde plus juste, plus humain, où le handicap ne définit plus la destinée mais révèle l’humanité. Je suis prêt, déterminé, résolu. Il ne manque que votre main tendue pour que ce voyage commence.
Alors voilà : je cherche un financement pour mes études, ou à défaut, un emploi qui m’aidera à continuer à rêver. Parce que même avec des roues, moi, je vise la lune. Je suis un capital humain à haute résilience, une richesse nationale roulante, un penseur qui mérite de continuer, une main tendue pour une tête bien faite. Et si, quelque part entre les Alpes de Suisse, les cafés de Paris, les ruelles de Dakar ou les montagnes de Bujumbura, ton regard croise mes mots, sache que ce n’est pas un hasard, mais un rendez-vous cosmique.
A toi qui me lis depuis ton bureau, cher ministre, ambassadeur, représentant d’ONG, bienfaiteur, preneur de décisions, âme touchée, ou simplement cœur sensible quelque part dans le vaste monde… que ce soit en France, Suisse, Chine, Inde, Sénégal, Afrique du Sud ou ailleurs sur notre planète aux accents pluriels : n’oublie pas que parfois, les rêves les plus puissants naissent dans un fauteuil roulant et voyagent plus loin que les avions. Je suis prêt à tisser de grandes choses avec ceux qui croient encore à la magie des talents singuliers.
Disponible à toute seconde, comme le vent qui effleure les cœurs sensibles, voici mon humble souffle : [email protected] ; Tél : +257 79 35 20 70
Offre-moi une chance, et je ferai germer des possibles là où même les certitudes hésitent à pousser.
« Là où le corps s’arrête, l’esprit prend le relais. », Socrate revisité par Thérence.
« Ce n’est pas parce qu’on a perdu l’usage de ses jambes qu’on perd celui de ses rêves. », Un philosophe en fauteuil.
« Riez, mais pensez. Pensez, mais agissez. » Thérence Niyongere
Conclusion
Voilà, cher lecteur, chère lectrice, l’étrange odyssée d’un homme que la gravité n’a jamais vraiment apprivoisé. Un être que l’on croyait cloué au sol, alors qu’en vérité, il lévitait dans les hauteurs de la résilience. Ce récit n’est pas un appel à la pitié, non, j’ai trop de fierté dans la moelle de mes rêves pour mendier des larmes. C’est une offrande. Une lampe posée sur les marches sombres de nos préjugés. Une mélodie jouée sur les cordes vocales d’un destin qui a appris à chanter, même avec des poumons un peu cabossés.
J’ai franchi des montagnes avec des roues pour pieds, j’ai escaladé des diplômes avec des nuits blanches pour béquilles, j’ai aimé avec une intensité que même les poètes oseraient à peine coucher sur papier. Et aujourd’hui, me voilà, nu sous les projecteurs de la vérité, tendant la main non pas pour qu’on me relève, mais pour qu’on marche ensemble. Car si l’existence m’a enseigné une chose, c’est bien ceci : nous sommes tous, d’une façon ou d’une autre, bancals.
Certains le cachent sous des costumes trois-pièces, d’autres derrière des sourires étincelants. Moi, j’ai choisi d’en faire une bannière. Je ne suis pas un fardeau. Je suis une promesse.
Donnez-moi une chance, et je vous bâtirai des cathédrales d’espoir avec les pierres qu’on m’a lancées.
Merci de me lire, ô lecteur vaillant
Ah, merci infiniment de prêter tes yeux royaux à mes mots improvisés, ces mots venus tout droit du fond de mon cerveau fatigué mais toujours dramatique ! Vraiment, pendant que d’autres lisent des romans de Victor Hugo, des sagas de Balzac ou des poèmes de Baudelaire, toi tu choisis de lire… MOI ! Oui, moi, ce petit philosophe handicapé, mi-poète, mi-comédien, parfois même prophète en chaussettes trouées !
Merci de sacrifier ton forfait internet, ton temps sacré de scrolling TikTok ou même ta sieste digestive, juste pour lire mes pensées qui ressemblent souvent à un plat de spaghetti sans sauce : tout emmêlé mais rempli d’intentions nobles !
Tu vois, pendant que j’écrivais ces lignes, mon clavier a surchauffé, ma chaise roulante a grincé de jalousie, et même mon cœur a dit : « Ah oui, ça c’est du sérieux ! » Et comme si ce n’était pas suffisant, même mon amour adoré, ma partenaire de rêve, a dû m’attendre là-bas, toute douce, comme une parenthèse d’espoir dans les marges d’un cahier fatigué. Assise calmement avec son syllabus ouvert à la page 142, celle de son cours d’économétrie, elle m’attendait, impatiente de mes explications profondes. Car pour elle, entre les coefficients et les résidus, je suis l’économètre de son cœur, l’interprète de ses variables émotionnelles. Oui, oui, elle m’a envoyé un message : « Bébé, tu viens ou je révise avec Cupidon ? » Et moi, très concentré dans mes pensées, j’ai dit : « Attends, mon cœur ! L’inspiration me tient par le col comme un professeur fâché. »
Alors, du fond de mes roues, de mon dos penché et de mon humour cabossé… MERCI ! cher lecteur, tu es vraiment spécial… je t’adore !
Et voilà, chers amis, c’était Thérence Niyongere, philosophe à roulettes, poète à plein temps et rêveur professionnel, même sans carte de membre ! A plus dans le bus… ou dans la rampe d’accès, version VIP de nos destinées extraordinaires ! Je vous aime fort, avec tous les boulons de ma chaise roulante, les éclats de mon rire et la tendresse infinie de mon cœur cabossé mais passionné !
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