Comme il se doit, à l’occasion des cinq années de pouvoir du président Évariste Ndayishimiye, le champagne sera sabré. Les convives, dans une sorte de cène républicaine, lèveront leurs verres pour porter des toasts et lui souhaiter une « longue vie ». C’est la salutation consacrée par son parti, le CNDD-FDD, qui s’apprête à régner — sans partage — après les scores « bagaziens » réalisés lors du dernier double scrutin. Pour Bagaza, rappelons que l’époque était celle du parti unique. Soit.
L’opposition proteste et avance qu’il y a eu des irrégularités flagrantes, des manquements d’ailleurs confirmés par les observateurs envoyés dans plusieurs bureaux de vote par la Conférence des Évêques catholiques du Burundi. Il ne s’agit pas de grincheux ni de mauvais perdants, contrairement à ce que certains milieux tentent de faire croire. Il y aurait en effet beaucoup à redire sur un processus qui n’a pas été « fair », comme on dit.
Revenons à ces cinq bougies de Neva et laissons place aux griots version 2.0, prompts à magnifier les hauts faits du Président, désormais élevé au rang de « Grand Timonier ». Par une étrange alchimie, ces nouveaux chantres savent transformer des échecs cuisants en réussites éclatantes, des dérives en victoires.
Ils évoquent « cinq ans de paix et de sécurité », « cinq ans de développement intégré », « des œuvres d’autonomisation des jeunes, des femmes et des vulnérables », « cinq ans de rayonnement dans le concert des Nations », ou encore la « consolidation de l’État de droit » et l’édification d’un « Burundi prospère ». Il y a du vrai, certes. Mais aucun bémol à ce tableau? Disons que ce n’est pas leur rôle…
Cependant, analystes et acteurs sociopolitiques s’accordent à reconnaître au Chef de l’État un mérite indéniable : celui d’avoir sorti le Burundi de son isolement diplomatique hérité de son prédécesseur. Aujourd’hui, quoi qu’on en dise, il jouit d’un certain leadership régional.
Ce n’est pas le seul héritage. Lorsque Évariste Ndayishimiye prête serment le 18 juin 2020, précipitamment, suite au décès de son mentor, les voyants sont au rouge. Le pays tente de se relever après de longues années de sanctions internationales. L’économie est exsangue, les droits humains malmenés, la société civile paie un lourd tribut.
Neva prend le bâton de commandement et promet des améliorations, à commencer par la bonne gouvernance et la protection des droits humains. Des gestes sont posés, notamment la libération de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes — dont quatre collègues d’Iwacu —, contribuant à un certain dégel de l’aide au développement. Mais, hélas, suivront d’autres emprisonnements.
Je passe sur celui de l’ancien Premier ministre Guillaume Bunyoni en 2022 — une sorte de purge dans la volonté affichée du président de lutter contre la corruption. A luta continua.
La présidence de Ndayishimiye avait laissé entrevoir une ère nouvelle. Hélas, le désenchantement est palpable aujourd’hui. L’opposition est laminée. Des voix respectables appellent à « repenser et réajuster la manière de concevoir la démocratie au Burundi ».
Sur le plan économique, malgré sa bonne volonté, le président peine à inverser la tendance. L’accès aux engrais reste problématique, les prix des produits de première nécessité flambent. L’énergie demeure insuffisante, et les pénuries de carburant et de devises étranglent le quotidien des Burundais. L’inflation est galopante, atteignant 45,6 %, avec des conséquences désastreuses sur le panier de la ménagère. Les prix des denrées alimentaires ont bondi de 37,2 %. Le franc burundais a perdu 38,5 % de sa valeur face au dollar américain. Quant à faire du secteur minier un levier de développement, cela reste encore un vœu pieux.
En attendant que le président Ndayishimiye insuffle une nouvelle dynamique — décisive, espérons-le — place à la messe d’action de grâce… pour couvrir le brouhaha de ceux qui murmurent à voix basse.
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