Méfiez-vous du carburant du marché noir !

Certains propriétaires de véhicules ne savent plus quoi faire. En plus des journées et des nuits passées devant les stations-services, des rétroviseurs volés, … même le marché noir est désormais miné. Des gens malhonnêtes l’ont envahi. « La pénurie qui préoccupe les Burundais et qui affecte l’économie nationale est devenu un deal pour certains. Par des moyens malsains, ils encaissent de l’argent », décrie le prénommé Bosco, propriétaire d’un véhicule.

Ce qui lui est arrivé est révélateur de l’esprit qui anime certains vendeurs clandestins de carburant. « En fait, j’avais une fête familiale à l’intérieur du pays. Après avoir passé trois jours à la queue devant une station-service, je n’avais pas d’autres choix que de me rabattre sur le marché noir. J’ai alors acheté un bidon de 20 l, à 290 mille BIF. » Ce qui n’était pas d’ailleurs pour la première fois. Le lendemain, Bosco entre dans son véhicule. Il essaie de démarrer, en vain. Le véhicule ne s’allume pas.

Stressé, il fait appel à Hamza, son mécanicien préféré. Après vérification, le bilan est terrible. Certaines pièces sont déjà endommagées. « On t’a arnaqué. On t’a donné du carburant mélangé avec de l’eau. Il y a d’autres impuretés qui ont bouché le filtre à carburant. La pompe à essence est aussi endommagée. Tout est à remplacer. »

Bosco est abasourdi. Choqué, il n’a pourtant pas d’autres choix. Il faut faire réparer le véhicule. « Le coût a été de plus d’1 million de BIF. Pour sauver mon véhicule, le mécanicien m’a recommandé que le réservoir soit aussi nettoyé. »

De tels cas sont nombreux

Interrogé, Hamza indique que par semaine, il reçoit au moins une vingtaine de véhicules endommagés. Pourquoi ? « Il y a des vendeurs de carburant qui, pour gagner plus, mélangent le produit avec de l’eau. Malheureusement, les propriétaires de véhicules ne savent pas vérifier cela. Ils s’empressent de verser le carburant dans leurs véhicules sans aucun système de filtrage. »

D’autres vendeurs y mettent des colorants pour faire comprendre que c’est du carburant venu de la République démocratique du Congo (RDC). « Comme ils savent très bien que vendre du carburant c’est déjà illégal, ils le font dans des endroits obscurs. Ils disent aux clients qu’ils doivent se cacher pour ne pas être attrapés par les policiers. »

Les conséquences sont graves. « La présence de l’eau dans le réservoir de carburant entraîne de nombreux problèmes qui affectent le moteur. Les performances globales du véhicule sont affectées. L’eau se dépose généralement au fond du réservoir. Lorsque le moteur l’aspire, cela perturbe la combustion. »

Ce qui se justifie par le fait que l’eau ne se mélange pas avec le carburant de manière homogène. « Il en résulte alors des poches d’eau qui ne brûlent pas correctement. Ce qui provoque des ratés d’allumage et des démarrages difficiles. Souvent, le moteur se retrouve tout simplement dans l’incapacité de démarrer. »

De son côté, Donatien Nshimirimana, un autre mécanicien, indique que suite à la présence de l’eau, le filtre à carburant peut se boucher. « Le filtre est conçu pour retenir les impuretés solides et non pour gérer de l’eau. Lorsque l’eau s’y accumule, cela complique la circulation du carburant. Ce qui entraîne une perte de puissance du moteur ou des pannes récurrentes. »

Il souligne par ailleurs que les systèmes d’injection sont particulièrement sensibles à l’eau. « L’eau endommage les injecteurs. Ce qui réduit leur capacité à vaporiser le carburant de manière efficace. » Cela se traduit par la réduction de la performance du moteur, une forte consommation du carburant et une augmentation des émissions polluantes.

Tous les types de moteurs sont affectés. A titre illustratif, Hamza signale que dans les moteurs diesel, la présence de l’eau provoque une perte de lubrification des composants entrainant leur usure prématurée.

A long terme, il précise que l’eau favorise la corrosion des composants métalliques. « Le réservoir, les conduites de carburant et le système d’injection sont vulnérables à l’oxydation. La rouille générée par l’eau est tout aussi capable de provoquer des fuites. »

Vérifier souvent le voyant de filtre à carburant

Pour les deux mécaniciens, le recours aux marchés noirs est devenu une pratique courante au Burundi. « En fait, les gens n’ont pas d’autres choix. Seulement, il faut être prudents, très regardants », conseille M. Nshimirimana.

Il propose d’avoir sur soi un matériel pour filtrer le carburant. Ici, Hamza propose de se munir d’un sachet qui peut retenir l’eau ou d’autres déchets pouvant se retrouver dans le carburant.
A ceux qui le peuvent, il conseille de ne plus s’approvisionner sur le marché noir. En effet, explique-t-il, normalement, seules les pompes à essence sur les stations-services sont capables de servir du carburant sain, non affecté.

« Si le problème est déjà arrivé et que l’eau ou d’autres impuretés sont déjà dans le réservoir, il faut chercher un mécanicien pour le nettoyer. La pompe et le filtre à essence doivent aussi être remplacés. »
Afin de vérifier s’il y a de l’eau dans le carburant, il signale que les véhicules sont dotés d’un voyant de filtre à carburant sur le tableau de bord. Lorsque ce dernier s’allume, on doit arrêter directement le véhicule. « Pour s’afficher, le témoin à filtre à essence peut avoir l’apparence d’une pompe à essence avec des gouttelettes autour. » Il ajoute qu’il peut aussi s’afficher en représentant le filtre à carburant à moitié plein. La couleur peut être jaune, orange ou rouge.