Jeudi 25 avril 2024

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Le calvaire des journalistes d’Iwacu

Jour 7

28/10/2019 Commentaires fermés sur Le calvaire des journalistes d’Iwacu: JOUR 7
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Par Abbas Mbazumutima

 

Parquet de Bubanza. Au 7ème jour de leur incarcération, dans la matinée de ce lundi 28 octobre 2019, les journalistes Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Egide Harerimana, Térence Mpozenzi et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza se rendent en uniforme vert de prisonniers. Ils sont sous bonne escorte. L’instruction se poursuit.

Egide, Térence et leur chauffeur Adolphe portent les chemises de couleur verte des prisonniers. Agnès et Christine sont ceintes de pagnes verts, en une seule pièce enroulée à hauteur des hanches. On les connaissait en jean…

Aussitôt arrivés au parquet, les journalistes et leur chauffeur se dirigent devant le bureau du magistrat instructeur, Jean Marie Vianney Ntamikevyo. C’est Agnès Ndirubusa, qui est la première à être appelée.

D’habitude douce, presque fluette, aujourd’hui la voix d’Agnès s’entend distinctement. On sent en elle une farouche détermination. Elle veut se défendre

Les trois autres journalistes et le chauffeur attendent leur tour. Ils sont calmes, assis sur un banc dans un corridor étroit et sombre de ce parquet devant la porte du bureau de l’ officier du ministère public chargé de l’instruction du dossier.

Deux policiers, un homme et une femme sont debout de part et d’autre de ce « banc des accusés de complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». Ils sont courtois, mais surveillent les moindres échanges entre les journalistes et les visiteurs.

Les journalistes sont réconfortés par la présence de leurs collègues venus de Bujumbura : accolades, tapes dans le dos, mots d’encouragement, des nouvelles de la rédaction, quelques blagues, etc. Mais la tentative de (re)créer l’ambiance de la rédaction échoue. Les yeux des confrères libres venus de Bujumbura retombent toujours sur le nouvel accoutrement de Terence, Egide et Adolphe. Impossible de s’y habituer.

La voix d’Agnès, quelque peu inaudible, vient encore plomber l’ambiance dans le corridor. Les confrères essaient de deviner ce que le magistrat instructeur lui pose comme question. L’instruction dure.

Après plus d’une heure, Agnès sort suivie de l’officier du ministère public et des deux avocats du groupe de presse. Après les accolades, par réflexe professionnel, les confrères se précipitent pour savoir sur quoi porte cette interrogatoire. Mais les « anges gardiens »veillent et ne permettent pas beaucoup de discussions.

Une information tombe :le magistrat instructeur poursuivra son instruction ce mardi, il doit assister aux cérémonies de remise et reprise entre le procureur sortant de Bubanza, Clément Ndikuriyo, et le nouveau procureur, Jean-Claude Nsengiyumva.

La pluie se met à tomber. Les deux policiers chargés de surveiller les quatre journalistes et leur chauffeur décident d’attendre un peu avant de les escorter vers leur demeure actuelle, la prison de Bubanza. Les avocats et leurs clients en profitent pour échanger encore.

La pluie tombe toujours. Ironie du sort, finalement, faute de moyen de transport du parquet, c’est un véhicule d’Iwacu qui va ramener policiers et journalistes jusqu’à la prison.

Depuis samedi, ces reporters du Groupe de Presse Iwacu et leur chauffeur sont accusés de «complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat».

Le mardi 22 octobre, vers midi, une équipe du journal Iwacu dépêchée pour couvrir des affrontements dans la région de Bubanza est arrêtée. Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi, Egide Harerimana et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza voient leur matériel et leurs téléphones portables saisis. Ils passeront une première nuit au cachot, jusqu'au samedi 26 octobre. Jusqu'alors, aucune charge n'était retenue contre eux. Mais le couperet est tombé : "complicité d'atteinte à la sécurité de l'Etat". Depuis l'arrestation de notre équipe, plusieurs organisations internationales ont réclamé leur libération. Ces quatre journalistes et leur chauffeur n'ont rien fait de plus que remplir leur mission d'informer. Des lecteurs et amis d'Iwacu ont lancé une pétition, réclamant également leur libération. Suite à une décision de la Cour d'appel de Bubanza, notre chauffeur Adolphe a retrouvé sa liberté. Ces événements nous rappellent une autre période sombre d'Iwacu, celle de la disparition de Jean Bigirimana, dont vous pouvez suivre ici le déroulement du dossier, qui a, lui aussi, profondément affecté notre rédaction.