Vendredi 29 mars 2024

#JeSuisIWACU

Je souffre…

JOUR 53

13/12/2019 Commentaires fermés sur Jour 53. Je souffre…
#JeSuisIWACU

Par Clarisse Shaka, journaliste

Chaque matin, je souffre de ne pas avoir une réponse à la question qui me trotte dans la tête : comment vont mes collègues ?
Que font-ils en ce moment ?

Clarisse Shaka, journaliste

Je souffre d’imaginer Christine croupie sur son petit matelas à même le sol Je l’imagine privée de ses amies avec qui elle aimait tant rire…

Je souffre à l’idée de penser qu’Agnès est privée de « Dylan », la prunelle de ses yeux, son fils Dylan, ce prénom qu’elle prononçait tout le temps à la rédaction…

Je souffre de ne plus voir Egide, calme, avec son visage d’ange, innocent, fragile…

J’ai le cœur brisé en pensant à Térence, plus qu’un collègue, un ami que je taquinais tout le temps, que je prenais dans mes bras à chaque fois que je le croisais dans les escaliers… Nos blagues me manquent, Térence.
Je pense à vous quatre, chers collègues.

J’ai la chair de poule quand je pense à ce jour où je vous serrerai encore une fois dans mes bras, quand vous sortirez de prison.

La dernière fois que je l’ai fait, vous alliez passer votre première nuit en prison de Bubanza. J’ai les larmes aux yeux quand je pense à ce jour maudit.

Mais je préfère garder ces larmes en moi,
je les réserve à ce jour J prochain
Quand vous enlèverez enfin l’infâme uniforme vert des prisonniers.
Oui, je vais verser des larmes, mais ce seront des larmes de joie
Je vous attends, impatiemment !

A très bientôt

« Clacla »

Le mardi 22 octobre, vers midi, une équipe du journal Iwacu dépêchée pour couvrir des affrontements dans la région de Bubanza est arrêtée. Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi, Egide Harerimana et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza voient leur matériel et leurs téléphones portables saisis. Ils passeront une première nuit au cachot, jusqu'au samedi 26 octobre. Jusqu'alors, aucune charge n'était retenue contre eux. Mais le couperet est tombé : "complicité d'atteinte à la sécurité de l'Etat". Depuis l'arrestation de notre équipe, plusieurs organisations internationales ont réclamé leur libération. Ces quatre journalistes et leur chauffeur n'ont rien fait de plus que remplir leur mission d'informer. Des lecteurs et amis d'Iwacu ont lancé une pétition, réclamant également leur libération. Suite à une décision de la Cour d'appel de Bubanza, notre chauffeur Adolphe a retrouvé sa liberté. Ces événements nous rappellent une autre période sombre d'Iwacu, celle de la disparition de Jean Bigirimana, dont vous pouvez suivre ici le déroulement du dossier, qui a, lui aussi, profondément affecté notre rédaction.