Jeudi 28 mars 2024

#JeSuisIWACU

Vous êtes tout simplement des journalistes

JOUR 51

11/12/2019 Commentaires fermés sur Jour 51. Vous êtes tout simplement des journalistes
#JeSuisIWACU

Par Jean-François Bastin*

Chère Agnès, chère Christine, cher Egide, cher Térence,

Votre détention est une honte pour le Burundi. Vous n’êtes pas complices d’atteinte à la sûreté de l’Etat, vous êtes tout simplement des journalistes.

Votre métier consiste à établir les faits et à vérifier les informations qui vous parviennent. C’est ce que vous avez fait le 22 octobre. Ce jour-là, alertés par des bribes d’informations sur des affrontements en province de Bubanza, vous avez été sur place pour  tenter d’établir la réalité des faits qui vous étaient rapportés : leur déroulement, la provenance des assaillants, le nombre et l’identité des morts et des blessés éventuels, les mesures de sécurité, etc. Bref, de l’enquête de terrain, du journalisme. Vous avez été aussitôt jetés au cachot. Aucune « complicité », aucune « atteinte » dans tout cela, juste l’exercice d’une liberté garantie par la Constitution et d’un métier censé être protégé par le CNC. La loi de 2018 définit clairement en son article 7 les missions du CNC : « Garantir l’indépendance, notamment en matière d’information, des médias publics et privés ; garantir l’accès aux sources d’information ». C’est la loi, mais qui la lit, qui la respecte ? Pas le CNC en tout cas.Il n’y a pas de logique, comme il n’y a pas de justice dans cette affaire : seulement la volonté d’empêcher la presse d’exister, l’information de circuler, les faits d’être connus de tous. L’ennemi des pouvoirs totalitaires est la vérité.

A vous tous, courage, salut fraternel, et merci à Abbas pour ses mots si forts : « Chacun choisit sa manière d’entrer dans l’histoire »… Une manière glorieuse pour vous, honteuse pour eux.

 

*Jean-François Bastin est journaliste.Il a travaillé à la RTBF (télévision Belge) pendant plus de 28 ans en tant que journaliste et réalisateur de documentaires. Il a couvert la région des Grands Lacs pendant plusieurs années et connaît bien le Burundi.

Le mardi 22 octobre, vers midi, une équipe du journal Iwacu dépêchée pour couvrir des affrontements dans la région de Bubanza est arrêtée. Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi, Egide Harerimana et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza voient leur matériel et leurs téléphones portables saisis. Ils passeront une première nuit au cachot, jusqu'au samedi 26 octobre. Jusqu'alors, aucune charge n'était retenue contre eux. Mais le couperet est tombé : "complicité d'atteinte à la sécurité de l'Etat". Depuis l'arrestation de notre équipe, plusieurs organisations internationales ont réclamé leur libération. Ces quatre journalistes et leur chauffeur n'ont rien fait de plus que remplir leur mission d'informer. Des lecteurs et amis d'Iwacu ont lancé une pétition, réclamant également leur libération. Suite à une décision de la Cour d'appel de Bubanza, notre chauffeur Adolphe a retrouvé sa liberté. Ces événements nous rappellent une autre période sombre d'Iwacu, celle de la disparition de Jean Bigirimana, dont vous pouvez suivre ici le déroulement du dossier, qui a, lui aussi, profondément affecté notre rédaction.