Mardi 25 novembre 2025

Santé

Jeanne Gapiya Niyonzima : « Attention ! Le VIH/Sida est toujours là et il tue. »

25/11/2025 0
Jeanne Gapiya Niyonzima : « Attention ! Le VIH/Sida est toujours là et il tue. »

Hausse des nouvelles contaminations, réapparition des maladies opportunistes, fermeture de projets essentiels… Les effets de l’arrêt des financements américains destinés à la lutte contre le VIH/Sida se font déjà sentir au Burundi. Iwacu a rencontré Jeanne Gapiya Niyonzima, présidente et représentante légale de l’ANSS Santé+, qui appelle à une mobilisation nationale.

Les États-Unis ont cessé de financer plusieurs programmes liés au VIH/Sida. Votre organisation en subit-elle les conséquences ?

Absolument. L’ANSS Santé+ avait la chance d’être considérée comme une organisation suffisamment fiable pour recevoir des financements directs, en tant que récipiendaire principal. Mais deux projets essentiels ont fermé : le projet Ngirankabandi, dont nous étions récipiendaire principal, puis un second projet financé via l’ONG américaine ICAP.

Quel rôle jouait ICAP dans ce dispositif ?

ICAP finançait à l’échelle nationale environ 70 % de la prise en charge et de la prévention du VIH, y compris une grande partie du personnel médical. Dans nos antennes de Makamba et de Rumonge, pratiquement tout le personnel dépendait de ce projet. Les collaborations avec les hôpitaux, notamment sur les analyses biologiques, étaient également soutenues par ce financement.

Au total, les deux projets représentaient 49 % du budget global de l’ANSS. Leur arrêt nous a obligés à une restructuration immédiate.

En quoi a consisté cette restructuration ?

Nous avons dû licencier des employés irréprochables, pourtant engagés sous contrat et ayant des projets de vie : scolarité des enfants, crédits, construction de maisons… Ce sont des familles entières qui ont été touchées. C’était humainement très difficile.

Heureusement, nous pouvons encore compter sur les pères éducateurs et les agents communautaires, mais la perte reste énorme.

Qu’en est-il des nouvelles contaminations ?

La situation était déjà préoccupante avant même la fin des financements. Depuis trois à quatre ans, on observe une hausse des contaminations chez les jeunes de 14 à 25 ans. Le Programme national a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme.

C’est un recul sérieux : le Burundi avait atteint un niveau remarquable dans la lutte contre le VIH/Sida.

Quels progrès avaient été réalisés avant cette dégradation ?

Nous avions atteint un excellent taux de couverture et de réussite thérapeutique. En matière de prévention de la transmission mère-enfant, les résultats étaient remarquables : pendant cinq ans, aucun enfant suivi par l’ANSS n’est né infecté. Les traitements et l’accompagnement étaient efficaces.

Constatez-vous également un retour des maladies opportunistes ?

Oui, et cela me préoccupe beaucoup. Nous voyons revenir des cas de méningites chez des jeunes, parfois diagnostiquées à un stade presque terminal, avec des charges virales extrêmement élevées. Les candidoses réapparaissent également.

Le message est simple : le VIH/Sida est toujours là et il revient en force.

Comment l’ANSS parvient-elle à poursuivre son travail dans ces conditions ?

Nous tenons le cap grâce au financement encore disponible du Fonds mondial. Mais jusqu’à quand ? Personne ne le sait. Nous nous battons, mais la situation reste fragile, et chacun doit être conscient de ses responsabilités.

Nous organisons notamment la 6ᵉ édition de la semaine internationale de dépistage, qui inclut le VIH, les IST, certains cancers, l’hypertension et d’autres maladies opportunistes.

Quels résultats cette campagne de dépistage a-t-elle déjà permis d’obtenir ?

Depuis son lancement, nous avons dépisté 5081 personnes. Parmi elles, 501 ont découvert leur statut sérologique et ont été immédiatement prises en charge.

Nous avons également dépisté 37 femmes du cancer du col de l’utérus, dont 27 à un stade nécessitant un traitement. Ce cancer touche particulièrement les femmes vivant avec le VIH. Notre objectif est d’encourager un dépistage annuel systématique, d’autant plus que nous pouvons encore l’offrir gratuitement.

Nous avons aussi constaté, lors de la première édition, un nombre élevé d’IST. Or, elles constituent une porte d’entrée directe vers le VIH. Ces infections n’étaient plus suffisamment dépistées ni traitées : un vrai danger.

Quel message souhaitez-vous adresser ?

Les jeunes sont l’avenir du pays. Le VIH tue encore. Une sensibilisation urgente s’impose.

Avec le retrait des bailleurs, l’État doit anticiper, mettre en place un fonds national et assumer la responsabilité de soigner sa population. Il faut planifier aujourd’hui.

Il existe même des solutions simples : beaucoup de bâtiments publics sont inutilisés. Si l’on nous en confiait un, nous pourrions y installer une pharmacie sociale et générer des ressources pour continuer à soigner.

VIH

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