Par Simon Ntirubuza*
Ce samedi 7 juin 2025, nous avons rendu un dernier hommage au Dr Gervais Ninteretse lors de ses obsèques, qui se sont déroulées dans la province de Burunga,commune Matana, sur sa propriété privée de Rwego rwa Ngabwe, non loin du Grand Séminaire de Kiryama.
Ces cérémonies ont été honorées par la présence de la Première Dame de la République, témoignage éloquent de la reconnaissance que la Nation tout entière portait à cet homme d’exception.
J’ai eu le privilège de connaître ce grand monsieur.
Nous avons partagé sept années d’études aux Humanités gréco-latines, de 1958 à 1965, au Collège Notre-Dame de Gitega.
Nous étions jeunes, parfois insouciants… Mais avec le recul, il est aujourd’hui évident que le destin de Gervais était déjà tout tracé. Dès le collège, chacun de nous percevait en lui cette volonté inébranlable de se mettre au service des autres, sans jamais ménager ses efforts.
Je me permets de rappeler ici quelques souvenirs de cette jeunesse partagée, qui illustrent bien sa personnalité hors du commun.
À notre arrivée au collège en 1958, nous étions quarante-quatre élèves logés à l’évêché de Monseigneur Grauls. Nous ne disposions que de deux toilettes communes, et les conditions d’hygiène laissaient à désirer. C’est Gervais qui, spontanément, s’était proposé comme « responsable des toilettes ». Il fournissait les papiers hygiéniques improvisés — des morceaux de journaux qu’il recevait de notre premier directeur, l’abbé Jacques Lebas. Il veillait à la propreté des lieux, n’hésitant pas à nettoyer lui-même, déjà soucieux de l’hygiène et du bien-être de ses camarades. Avec le recul, on y perçoit les prémices du médecin qu’il allait devenir.
Nous avions également une petite infirmerie rudimentaire, contenant quelques médicaments de base : aspirine, mercurochrome, alcool, pansements… Là encore, c’est Gervais qui surveillait les stocks et signalait au directeur les besoins en réapprovisionnement. Lorsqu’un camarade nécessitait des soins d’urgence à l’hôpital de Gitega, c’était lui qui s’occupait des démarches auprès de l’infirmier ou sollicitait un véhicule auprès de l’évêché.
Je n’ai donc pas été surpris qu’il devienne gynécologue, consacrant sa vie à lutter contre la maladie et à soulager la souffrance humaine. Avec une abnégation exemplaire, il a choisi de se dévouer aux plus précieuses et aux plus vulnérables d’entre nous : les mères. Se mettre au service de la mère et de l’enfant, quel noble combat !
Gervais était aussi un homme d’une grande générosité. Je me souviens, à l’époque, il faisait froid à Gitega. Les abbés recevaient, depuis Tournai en Belgique (siège de leur congrégation), des vêtements usagés qu’ils nous distribuaient. Gervais avait reçu un pull plus chaud que le mien. Je lui avais demandé si nous pouvions échanger. Sans hésiter, il a accepté de me donner son pull, pourtant meilleur. Ce geste, apparemment anodin, illustre parfaitement la générosité sans faille qui le caractérisait.
Autre souvenir encore : au collège, il nous parlait d’une jeune fille, Nathalie, qu’il appelait déjà sa « fiancée ». Nous, ses camarades, en riions un peu — qui songe à se fiancer à cet âge ? Et pourtant, Nathalie est bel et bien devenue son épouse. Fidèle en amitié, loyal en amour, Gervais incarnait la constance dans ses engagements.
Aujourd’hui, le Dr Gervais Ninteretse nous laisse un héritage d’honneur, de dignité et de respect. Sa famille peut être fière du nom qu’il leur lègue. Il demeure un modèle inspirant pour les générations futures. Il a servi avec joie, loyauté et douceur.
Que sa mémoire continue d’inspirer tous ceux qui ont eu la chance de le connaître et de l’aimer.
Nous étions quarante-quatre collégiens à commencer la septième des Humanités gréco-latines au Collège Notre-Dame de Gitega. Vingt-quatre seulement en sont sortis diplômés.
Le 14 mai 2025, nous n’étions plus que trois encore en vie. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que deux.
Nous venons d’accompagner le meilleur d’entre nous.
*Simon Ntirubuza, officier à la retraite
Il fut mon maître au CHU de Kamenge en 1988, toujours dévoué aux patientes, souriant quand nous l’appelions pour une césarienne à 3h du matin, disponible pour nous former aux staff du matin. Bon vent cher ainé, que la terre vous soit légère.