Des familles brisées, des famines en familles, des enfants non scolarisés, des patrimoines vendus aux enchères, des troubles mentaux…, telles sont les situations dans lesquelles se retrouvent certaines familles membres des groupements communautaires financiers. Les victimes demandent au gouvernement d’intervenir.
Instaurés pour autonomiser les familles, certains groupements communautaires financiers n’ont pas pu tenir les promesses envers leurs membres. Perçus auparavant comme un rempart vers l’autofinancement, plusieurs familles membres se sont retrouvées sans rien, leurs hypothèques saisies par les banques auprès desquelles elles ont demandé des crédits.
Dans la zone Kinama de la commune Ntahangwa dans la province de Bujumbura, certaines femmes rencontrées dans le marché de Kinama se sont retrouvées sans capital après avoir investi dans la Coopérative pour le développement Ineza Iwacu.
A.N témoigne. « Au début, le groupement nous donnait un intérêt de 5 % sur nos investissements. Je me disais que c’était un bon business et j’ai doublé le montant investi. Six mois plus tard, les intérêts se sont arrêtés et on ne voyait plus l’homme à la tête du groupement. Je ne suis pas la seule qui a été dupée. »
Elle indique également que son mari l’a quittée en l’accusant d’avoir gaspillé le patrimoine familial. « Pour le moment, je vis avec mes enfants. Mon mari m’a dit qu’il reviendra lorsque j’aurai récupéré l’argent. Ce n’est pas seulement ma famille qui s’est brisée, il y en a beaucoup d’autres. J’ai également une amie qui a eu un problème mental après la vente aux enchères de sa maison. Jusqu’à maintenant elle est toujours dans le centre neuropsychiatrique de Kamenge chez Legentil. »
Une autonomisation ratée
La situation se remarque également dans la zone Gatumba de la même commune. Certains habitants font savoir qu’ils ne voient plus l’importance des groupements communautaires financiers. Ils préfèrent plutôt faire partie des associations d’épargne et de crédit.
Margueritte Ndaruvukanye de la localité appelée Gaharawe précise qu’elle a été victime de la « coopérative Ejo ni heza mu Ngo » lorsque cette dernière a fermé ses portes. « Les groupements communautaires financiers ne sont plus importants pour moi. Ils ne tiennent pas leurs promesses. Ceux qui entrent en premier sont ceux qui reçoivent des bénéfices. Sinon, les derniers perdent souvent. La coopérative Ejo ni heza mu Ngo ne m’a pas encore remboursée jusqu’aujourd’hui. Deux millions et demi n’est pas une somme moindre pour une cultivatrice comme moi. »
Pour elle, les administrations locales devraient intervenir au cas où elles voient des personnes en train de sensibiliser la population sur l’investissement dans ce genre de groupements.
Elle estime qu’au lieu d’investir dans un groupement communautaire financier, mieux vaut faire partie de groupements d’épargne et de crédit interne de type SILC (Saving and Lending Communities) même s’il y a aussi quelques défis. « Dans les associations d’épargne, on nous donne également des crédits avec un petit intérêt et nous savons qu’à la fin de l’année nous allons partager nos capitaux épargne ainsi que des bénéfices. »
Réactions
Simplice Nsabiyumva : « Certains groupements communautaires financiers opèrent illégalement ».
Simplice Nsabiyumva, directeur de la Supervision et de la stabilité financière à la Banque de la République du Burundi, explique que ces groupements violent la loi car ils ont beaucoup de choses dont ils ne sont pas autorisés à faire. Il s’agit, entre autres, de la collecte de dépôts du public sous forme de placements rémunérés à des taux d’intérêt alléchants.
Il rappelle aux citoyens qui adhèrent à ce genre de groupements que « lorsqu’une personne vient te dire que tu vas avoir des bénéfices en plaçant seulement l’argent, elle te trompe. Ces groupements ne sont pas autorisés à garder l’argent des gens. Ils sont autorisés à recevoir des cotisations des membres et à leur octroyer les dettes provenant des cotisations qu’elles ont données. »
M. Nsabimana affirme qu’il n’est pas facile pour la banque centrale, BRB, de traquer les voleurs, car ces derniers font beaucoup de calculs. Il rassure toutefois que la justice les attrape toujours. Il les avertit qu’ils détruisent l’économie du pays puisqu’ils laissent de nombreux citoyens dans la pauvreté.
Ce type de groupements sont autorisés à collecter les cotisations de leurs membres et à leur octroyer des crédits selon l’approche convenue, sans dépasser un encours de crédits total d’un montant de 5 millions de BIF par membre. Par contre, ces institutions ne sont pas autorisées à ouvrir des comptes, à collecter les dépôts du public, à accepter la domiciliation des salaires, à octroyer des crédits au public, à rémunérer les cotisations et à s’approvisionner en devises.
Alexis Nimubona : « la population doit être sensibilisée sur le fonctionnement de ces groupements »
Alexis Nimubona, chargé de la communication au sein de l’Olucome, souligne qu’actuellement, il y a beaucoup de victimes d’escroquerie dans les groupements financiers. « Des escrocs viennent sensibiliser la population à amener l’argent et leur promettent des bénéfices. Après quelques temps, ils disparaissent avec l’argent qu’ils ont collecté. C’est la perte pour les familles membres. »
Pour lui, la Banque centrale devrait organiser des campagnes de sensibilisation des citoyens sur le règlement des groupements financiers, des associations d’épargne et de crédit afin que tous les citoyens aient accès à l’information sur les finances au Burundi et sur comment fonctionne le système bancaire.
« Les groupements financiers tentent de travailler comme des banques alors qu’ils ne sont pas régis par le même statut juridique. La Banque centrale doit contrôler réellement si les groupements financiers qu’ils ont enregistrés travaillent normalement et dans le respect des règlements d’ordre intérieur qui les régissent. Elle alerterait ainsi ceux qui ont mis leur argent afin qu’ils ne perdent pas leur argent. »
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