Jeudi 25 avril 2024

Économie

Entraves aux activités bancaires : l’ABEF alerte

06/01/2023 Commentaires fermés sur Entraves aux activités bancaires : l’ABEF alerte
Entraves aux activités bancaires : l’ABEF alerte
Les représentants de l’ABEF, du tribunal du commerce et celui de la chambre fédérale de commerce et d’industrie du Burundi

Des dysfonctionnements et pratiques incommodes en matière de mise en jeu des garanties hypothécaires, des frais d’inscription hypothécaires exorbitants….L’ABEF demande une révision de certaines lois.

« Est-ce que l’hypothèque au Burundi confère vraiment un droit réel du créancier ? – Est-ce que le détenteur d’hypothèque possède le droit de faire saisir et vendre le bien en cas de défaut de paiement du client ? Quel est le coût économique actuel de la constitution d’hypothèque ? La réglementation y relative est-elle adéquate ? » s’interroge le Vice-président de l’ABEF, Joe Dassin Rukundo.

En 2017, la loi n°1/17 du 22 août régissant les activités bancaires a été promulguée, une loi spécifique au secteur bancaire, en remplacement de l’ancienne loi n° 1/017 du 23 octobre 2003 portant réglementation des banques et établissements financiers. Le chapitre IV du titre V de cette loi dite bancaire (article 95 à 97) traite « Des procédures de réalisation des hypothèques » et ces dispositions étant des règles de procédures, elles sont d’ordre public et doivent être suivies comme telles.

Des questions se posent au sein de l’Association des Banques et Établissements Financiers du Burundi (ABEF) sur la réalisation des garanties en matière de recouvrement des créances bancaires et sur l’inscription hypothécaire.

Le secteur bancaire est confronté à plusieurs défis liés à la problématique de la mise en application de cette loi en raison, d’une part, de l’absence de certains textes d’application sur certaines dispositions pertinentes concernant la réalisation des garanties. Ces difficultés sont accentuées par la loi n°1/05 du 20 février 2020 portant fixation des droits d’enregistrement en matière foncière qui fixe les droits d’inscription hypothécaire pour tout bénéficiaire de crédit bancaire à 1 % du montant du crédit.

« Une formule gagnant-gagnant pour toutes les parties prenantes »

Joe Dassin Rukundo : « Le bien hypothéqué doit être facilement identifiable, stable en valeur et facilement réalisable.»

C’est dans l’objectif de dégager une compréhension commune de ces problématiques et de contribuer à y faire face que l’Association des Banques et Établissements Financiers du Burundi a organisé un atelier ce 28 décembre 2022 dans l’objectif de mettre en exergue les difficultés d’ordre juridique rencontrées au quotidien dans ce secteur.

« Sur la réalisation des garanties, le problème réside dans l’absence des textes d’application pour permettre aux banques de pouvoir réaliser les garanties en cas de défaillance d’un client sur un crédit qui a été contracté » a fait savoir le secrétaire exécutif de l’ABEF, Boaz NIMPE.

Concernant l’inscription hypothécaire, les problèmes identifiés portent sur l’importance des tarifs par la loi n°1/05 du 20 février 2020, mais aussi des délais d’inscription. Selon cette loi, l’inscription hypothécaire est requise dans les huit jours suivant la signature de l’acte constitutif d’hypothèque et se moyennant le dépôt de rapport d’expertise actualisé déterminant la valeur de l’immeuble au jour de la signature de l’acte constitutif d’hypothèque conformément à la loi bancaire signée, en même temps que la requête d’inscription hypothécaire (Article 26.) Des sanctions allant jusqu’à des pénalités de retard de 1% par mois de retard des droits dus à l’occasion de l’inscription d’hypothèque sont appliquées au créancier. En plus, il y a une exigence pour les notaires d’un rapport hebdomadaire des actes translatifs des droits réels avec amende de 50.000FBU par acte non transmis et une pénalité de 1 % des droits dus par semaine de retard.

Ce taux exorbitant et les charges connexes, surtout pour les crédits de gros montants et les lignes renouvelables, annuellement, sont de nature à obérer le financement de l’économie : « Depuis sa mise en application, nous observons beaucoup de résistances des clients à supporter les frais d’inscription hypothécaire qui sont exorbitants pour des crédits bancaires portant sur de gros montants », déplorent les représentants de l’ABEF.
En guise d’exemple, dixit le secrétaire exécutif de l’ABEF pour un crédit de 100 millions, le client doit payer un million de francs burundais, produire une expertise des immeubles hypothéqués pour pas moins de deux cent mille francs par immeuble donné en garantie, des frais d’authentification des conventions.

« Or, quand on demande un crédit bancaire, on est à court de trésorerie, ces montants vont être défalqués sur le crédit et en définitive, le crédit devient trop cher. Des cas d’abandon des prêts demandés par des clients plus avisés pour évaluer le poids de la charge s’observent souvent. L’inscription hypothécaire étant un acte administratif, la meilleure solution serait de revoir à la baisse ce taux ou à défaut, le plafonner », a-t-il suggéré.

Que l’inscription hypothécaire soit obligatoire, cela ne cause pas de problème, mais faut-il encore veiller à ce que le coût de l’inscription et les charges connexes ne constituent pas une barrière à l’accès au crédit, levier et moteur du développement.

D’autres lacunes observées

La Direction des titres fonciers fonde ses arguments sur les disposions des deux lois : « Ces lois constituant la charpente même du régime foncier et hypothécaire burundais disposent de peu de textes d’application pouvant réguler certains détails de la procédure d’inscription et de réalisation des hypothèques en cas de défaillance des débiteurs, en plus du cahier des charges édicté par le conservateur des titres fonciers lors de la vente publique» a signalé M Jérémie Yogoza qui représentait le Conservateur.

La DTFCN rencontre également des défis lors de l’exécution de leur mission. C’est notamment le changement d’adresse et de cartes d’identité par les débiteurs et les conventions hypothécaires signées par des concubines ce qui rend difficiles, voire impossibles les notifications d’inscription des hypothèques et des procédures de ventes publiques conduisant à des assignations à domicile inconnu non justifiées et des recours intempestifs contre les ventes publiques d’immeubles et dont les procédures judiciaires engagées sont longues et parallèles, et souvent dilatoires, et vexatoires.

Il suggère, notamment à l’endroit du tribunal du commerce de faire respecter la loi et éviter l’enregistrement des recours fantaisistes et de déterminer le sort des adjudicateurs et acquéreurs des immeubles réalisés en ventes publiques. Le délai et les procédures de traitement des recours une fois qu’ils sont reçus devraient également être fixés et respectés.

Du côté des banques, renchérit M Yogoza, on constate aussi que les conventions hypothécaires sont des fois libellées en terme ambigu ou non-compréhensif et il suggère une amélioration au niveau des clauses principales des conventions et le renforcement des capacités du personnel en charge de l’inscription et la réalisation des hypothèques.

Il reconnaît que les dossiers à traiter sont nombreux alors que les unités affectées à l’inscription des milliers de conventions hypothécaires transmises par les banques et les autres institutions financière (micro finances, coopératives d’épargne et de crédits, administration fiscale) à la DTFCN sont insuffisantes et finissent par subir une pression des demandeurs de crédit.

Pendant les échanges, la Direction des Titres Fonciers et du Cadastre National n’y vont pas par quatre chemins. Pour elle, c’est clair, les annotations de mandat d’hypothéquer et les inscriptions partielles sont prohibées. Elles notent que pour certains établissements de crédit, il y a encore des mandats d’hypothéquer qui n’ont jamais été ni émargés sur les titres ni exécutés.

M YOGOZA est tout de même favorable à ce qu’il puisse y avoir un cadre de dialogue et d’échanges entre la Direction de Titres Fonciers et les banques pour mettre en ordre les dossiers car en effet, les banques éprouvent, d’une part, des difficultés d’inscription des anciennes créances ayant été garanties par annotation ou mandat étant donné l’exigence de rapport d’expertise de l’immeuble objet de garantie qui n’était pas requis avant la loi de 20 février 2020 et d’autre part, des difficultés de gestion des dossiers dont les titres sont encore sous annotation mandat ou sous inscriptions partielle, la plupart des banques n’ayant pas pu se conformer avant l’expiration du délai de 3 mois accordés pour la régularisation de tels dossiers qui restent en suspens.

Le tribunal du commerce soulève des défis d’ordre logistique notamment les outils informatiques pour le traitement des dossiers et la saisie et l’impression des ordonnances et leur signification aux clients. La Présidente déplore la non-exécution des ordonnances suite à des procédures de la tierce opposition prévue par le Code de procédure Civil. Elle demande la collaboration entre les banques et les services de l’état-civil pour l’identification des personnes, clients potentiels des banques, notamment par la numérisation de la carte nationale d’identité et des services de l’état-civil.

Elle regrette l’absence de collaboration avec les services de la DTFCN lors des ventes aux enchères et le tribunal se voit saisi de nouveau, à cause, des litiges découlant des procédures de vente. Elle recommande la mise en application de la loi bancaire qui prévoit la libération (de l’immeuble occupé par le débiteur) avant la vente, des mises en demeure avec toutes les mentions nécessaires et l’uniformisation de leur format pour éviter les confusions.

Tous les acteurs qui sont concernés par ces problématiques notamment les représentants du ministère de la Justice, de la banque centrale, du ministère des Finances, de la Chambre Fédérale du Commerce et d’Industrie du Burundi, les avocats conseils, les juristes de banques convergent : il y a des défis à relever pour que l’intermédiation financière soit fluide.

L’ABEF demande qu’une commission mixte soit mise en place sous la coordination du ministère de la Justice pour réviser les lois susdites.

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