Vendredi 03 octobre 2025

Editorial

École d’excellence… élitiste ?

03/10/2025 0

Qu’il semble loin, le temps où l’école était l’apanage des « rejetons gâtés » des régnants, des fils et filles de notables, des enfants dodus des nantis, bref des héritiers d’une certaine classe — voire d’une certaine ethnie. J’allais presque oublier la dimension régionale : les meilleures écoles, celles qui ouvraient les portes de l’université, se concentraient dans une seule province, tandis que le reste du pays devait se contenter d’écoles pédagogiques, artisanales, agricoles, ou de simples cycles courts. Le jeu était faussé d’avance.

Comme si cela ne suffisait pas pour condamner des générations entières de jeunes à ne jamais s’élever au-delà de fonctions subalternes, un autre mécanisme insidieux avait été mis en place : le fameux système « I » et « U ». Le « I » pour Tutsi, le « U » pour Hutu.

Sur une base purement ethnique, des enseignants ou directeurs d’écoles primaires, sous prétexte de surveiller leurs élèves qu’ils connaissaient pourtant bien, inscrivaient perfidement une petite voyelle dans un coin des copies d’examen du concours national donnant accès au secondaire.

Ce goulot d’étranglement a condamné des milliers d’enfants — parmi lesquels, sans doute, se cachaient des génies — à garder les chèvres, tandis qu’il offrait à d’autres un avenir radieux. Ce système inique a fini par être dénoncé. Mais il fallut une révolution, des années de lutte acharnée, pour mettre fin à cette supercherie et briser une barrière jusque-là infranchissable.
Afin de corriger ces injustices sociales, les partisans du changement — menant tambour battant la révolution — ont construit des écoles démocratiques un peu partout, bouleversé les programmes, favorisé certaines sections (mais ceci est une autre histoire). Ils ont surtout initié la création d’écoles d’excellence : de beaux bâtiments, des classes spacieuses, les meilleurs enseignants réaffectés pour la circonstance, du matériel didactique en suffisance.

Des critères de sélection furent établis. Mais voilà le hic : les tricheries n’ont pas tardé. Des parents dénoncent des frustrations, leurs enfants ayant rempli toutes les conditions, obtenu d’excellentes notes, mais se voyant malgré tout refuser l’accès. Pendant ce temps, d’autres, issus de « bonnes familles », franchissent la porte sans s’embarrasser de ces critères.

Prions pour qu’il n’y ait pas de retour à la case départ, pour que cette tendance élitiste ne s’installe pas comme une norme. Sinon, avec elle, reviendront son cortège de frustrations ravalées, de colères intériorisées, de rêves brisés, d’aspirations étouffées, d’espérances déçues, d’élans coupés, de portes fermées. Sinon, c’est toute une génération qui risque d’être condamnée.

Ne donnons pas raison au journaliste et essayiste français Louis Latzarus lorsqu’il écrivait :
« Toute révolution est commencée par des idéalistes, poursuivie par des démolisseurs et achevée par un tyran. »

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