Mercredi 08 mai 2024

Politique

Du passé composé au futur simple : Vae victis

25/02/2020 Commentaires fermés sur Du passé composé au futur simple : Vae victis
Du passé composé au futur simple : Vae victis
Vue partielle des jeunes invités au débat.

Malgré leurs matériels rudimentaires, les Burundais ont pu résister plusieurs années aux Allemands. Harcelé, traqué, le roi Mwezi Gisabo finira par capituler. Il ‘’signe’’ le traité de Kiganda. « Une imposition, une humiliation », commentent des historiens. Débat.

La résistance contre les Allemands prendra sept ans, de 1896 à 1903. Invités à débattre sur ce thème : « Traité de Kiganda : du choc de deux pouvoirs/dominations à la capitulation », des jeunes expliquent cette situation. « Les Burundais étaient des guerriers, des braves », soutient Ernest Mugwaneza, un jeune licencié en Histoire. Il parle d’une résistance farouche. Des affrontements vont avoir lieu. Il évoque celui de Ndago, le 5 juin 1899, où environs 15 mille Badasigana (nom des combattants du roi Mwezi Gisabo) auraient péri. Puis vient la ‘’guerre de onze jours’’. Selon lui, cette dernière s’est passée du 30 avril au 10 mai 1900. Les lieux des combats se situaient principalement dans les zones entourant la capitale royale de Muramvya telles Banga, Teza et Bukeye. Malgré des pertes humaines importantes, les Badasigana réussissent à préserver la vie du roi. « Il restera protégé pour ne pas tomber dans les mains des envahisseurs. En effet, le principal objectif des Allemands était de le capturer».

Lambert Hakuziyaremye, étudiant en socio-anthropologie, décrit les Burundais comme des grands forgerons, des artisans : « Ils avaient une technicité poussée de fabrication des arcs, des flèches, etc. Ce qui leur permettait d’être de grands chasseurs.»

C’est même grâce à ce matériel traditionnel que les Burundais avaient réussi à résister contre les précurseurs des colonisateurs. Le cas des esclavagistes à l’instar de Mohamed Ibn Khalfan alias Rumaliza (1886) et des missionnaires. « L’unité entre les Burundais a facilité aussi la résistance», ajoute M.Hakuziyaremye. Ce que soutient Emelyne Hakizimana, chercheure, qui souligne que l’ennemi ne va pas avoir facilement des informations sur les secrets du pouvoir.

De son côté, Gordien Diomède Nahishakiye rappelle que le roi Mwezi Gisabo avait hérité d’un royaume fort, bien organisé militairement. « Avec ses guerres de conquêtes, Ntare Rugamba a agrandi le pays. Ce qui signifie que les Burundais avaient pu vaincre d’autres royaumes avant leur annexion».

La désunion, prélude à l’échec

Malgré la détermination, la bravoure, les Badasigana seront vécu. « Un échec qui résulte de la supériorité allemande en armes », commente Alida Graciella Iteriteka, chercheure. Face aux fusils automatiques, les Badasigana n’étaient munis que de flèches, lances, arcs, etc. « A un certain moment, après sept ans de résistance, ils seront fatigués».

Apollinaire Ndayisenga, jeune licencié, lie cet échec aux divisions internes : « Les Allemands se sont appuyés sur les mécontents, ceux qui étaient contre le roi.» C’est le cas de Kilima qui se réclamait fils du roi Ntare Rugamba et Maconco, le gendre du roi Mwezi Gisabo.

Les conflits successoraux entre Mwezi Gisabo et Twarereye (Twarereyingoma) et plus tard entre les descendants du Prince Ndivyariye (fils aîné de Ntare Rugamba) ont affecté l’autorité du roi. Des conflits qui vont aboutir à la naissance du conflit Bezi-Batare.

Ainsi des foyers de dissidence apparaissent dans un pays censé être contrôlé par un seul roi. Pour Richard Nkurunziza, les Allemands vont exploiter cette frustration en leur faveur.

Par ailleurs, en raison des tricheries qui vont déboucher à l’intronisation de Mwezi Gisabo, le mystère selon lequel le roi naît avec les semences’’ va être démystifié. A cause de ces divisions internes, les envahisseurs vont finalement accéder aux secrets royaux, parvenir à contrôler les déplacements du roi et le localiser. « A leur tour, les anti-royalistes vont affermir leur pouvoir, leur autorité », analyse M.Ndayisenga.


Eclairage/ Le Traité de Kiganda, une imposition

L’historien Denis Banshimiyubusa.

L’historien Denis Banshimiyubusa indique que de 1902-1903, les Allemands vont mener une expédition punitive contre le roi. Des attaques se multiplient sur tous les axes, les capitales royales. Finalement, le roi sera obligé de sortir de sa cachette pour signer le Traité de Kiganda, le 6 juin 1903.

Mais pour cet historien, il ne s’agit pas d’un traité au vrai sens du terme, car il supposerait un dialogue préalable, des négociations entre deux parties. Le roi a été obligé, contraint. « C’est la raison du plus fort. Le roi a trop cédé». Selon M.Banshimiyubusa, le roi a été rabaissé. « Imaginez-vous un roi qui accepte de payer une amende de 424 vaches? C’est dégradant aux yeux de ses sujets qui le prenaient comme un immortel».

Les routes que le roi accepte de tracer ne va pas mener aux capitales royales, mais chez les missionnaires de Mugera, Muyaga, etc. Ce qui les rend puissants et leur confère une mainmise sur les communautés.

L’exemple de ‘’Gatsindiye’’, le tambour battu à Mugera par les missionnaires et qui retentit sur presque toute la région environnante de la Mission. Juste une façon de montrer que les tambours royaux ne sont pas les seuls puissants, respectables.

Ce traité va renforcer les antiroyalistes qui vont recevoir des domaines à gérer. Cette fois-ci, le roi n’a plus le monopole de décision. Par exemple, pour désigner des gens aux postes à responsabilités, il soumet une liste de proposition aux Allemands pour rejet ou accord.

Néanmoins, cet historien trouve que le roi Mwezi Gisabo a été sage en signant ce traité : « Il a jugé bon de reconnaître la défaite au lieu de continuer à voir son peuple se faire massacrer.»

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

La soif d’aujourd’hui

Au Burundi, pays de tradition brassicole, la bière est reine. Pour la majorité de Burundais, un évènement excluant l’alcool n’en est pas un. Dans la joie comme dans le malheur, en famille ou entre amis, la bière est obligatoire. Elle (…)

Online Users

Total 3 691 users online