Les prénotions sur les gens conduisent à un langage stigmatisant qui sème la haine et la zizanie remettant en cause le vivre-ensemble des communautés. La population de l’ancienne commune Matongo appelle au respect mutuel.
Au Burundi, les préjugés et les stéréotypes ont historiquement joué un rôle central dans les violences de masse, en particulier dans les conflits interethniques. Ils réduisent des groupes entiers à des caricatures, justifiant moralement des violences en niant l’humanité de l’autre groupe.
Un préjugé est une prénotion, un avis préconçu, souvent imposé par le milieu, l’époque ou l’éducation. Tout part de simples images, de constats, de perceptions erronées, d’affirmations gratuites. Et cela finit par établir des idées admises sans preuve : des clichés non fondés qui conduisent à la discrimination et à la diabolisation. Les violences de 1972, 1988 et 1993 ont toutes été précédées par une montée de discours stigmatisants, de propagande et de peur fondée sur des stéréotypes ethniques.
Carine Ndayisaba, une habitante de la colline Ruganza, à Matongo, fait savoir que les préjugés et stéréotypes vont de pair avec la globalisation : « Certains diront qu’un Tutsi est dangereux. Il est qualifié de mauvais qui ne mérite pas de diriger. D’autres voient un Hutu comme un malfaiteur, incapable d’assumer des fonctions administratives. Cela sème la méfiance et la haine. »
Un autre habitant indique que les femmes sont considérées comme incapables, sans dignité ni parole. C’est une manière, dit-il, de les sous-estimer et de les écarter. « Ils le font par jalousie et par égoïsme. Cela sème aussi la méfiance et la haine. »
Jeans Ndayisenga revient sur des accusations visant à ternir l’image de certains. Dans l’entourage, dit-il, des hommes d’affaires qui réussissent sont considérés comme des sorciers utilisant des fétiches. À défaut, ajoute-t-il, on les accuse d’être des voleurs. Et de conclure que tous ces préjugés sèment la confusion et la haine nourries par la jalousie.
Éviter l’irréparable
Selon Séraphine Nzeyimana, cheffe de la colline Ruganza, ceux qui propagent des considérations farfelues ne visent qu’à ternir l’image des autres. « Des gens haïssent des personnes ou une personnalité sans raison valable, pour servir leurs propres intérêts. »
Pour Alice Nsabiyumva, ancienne administratrice de la commune, même si ces pratiques ne sont pas fréquentes dans sa localité, cela ne signifie pas qu’elles n’existent pas ailleurs. Elle souligne que la construction sociale des stéréotypes et préjugés a des effets néfastes touchant plusieurs domaines et remettant en cause la cohésion sociale.
Elle estime que ces pratiques doivent être éradiquées. Pour ce faire, l’administration ne peut pas croiser les bras face à la prolifération des préjugés et stéréotypes. « Il faut organiser des réunions de sensibilisation pour que la population sache que chacun mérite respect et considération. Ceux qui refusent de changer peuvent être sanctionnés. »
Selon le socio-anthropologue Tharcisse Bimenyimana, les préjugés, combinés à la globalisation, peuvent avoir des conséquences graves. Ils conduisent à une non-reconnaissance d’une personne, d’un groupe ou d’un parti politique.
Les préjugés, dit-il, nourrissent la peur. Cette peur collective crée un climat où les violences sont perçues comme préventives ou légitimes. « Cette situation peut engendrer des violences de masse comme celles de 1965, 1972, 1993, mais également de 2015. »
M. Bimenyimana indique qu’au Burundi, les préjugés sont devenus comme une culture. Pour les éradiquer, il est essentiel de prévenir les violences de masse. Cela passe, dit-il, par l’éducation à la paix, la justice sociale, la mémoire inclusive et le dialogue intercommunautaire.
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