Jeudi 08 mai 2025

Société

Burundi : les réfugiés congolais du site de Musenyi confrontés à une urgence humanitaire et sanitaire

08/05/2025 0
Burundi : les réfugiés congolais du site de Musenyi confrontés à une urgence humanitaire et sanitaire
Vue du site de Musenyi après de fortes pluies, les inondations et eaux stagnantes posent des risques accrus de maladies hydriques et de paludisme

Au Burundi, des milliers de réfugiés congolais ayant fui les violences en RDC font face à des conditions de vie extrêmement précaires dans le site de Musenyi. Médecins Sans Frontières y a lancé une intervention d’urgence afin de réduire les risques de rougeole et de paludisme, mais davantage de soutien s’impose car les besoins humanitaires y restent largement insatisfaits.

Depuis le début de l’année, des milliers de personnes ont fui les combats et l’insécurité dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo. Traversant la rivière Rusizi pour se réfugier au Burundi, elles s’étaient installées en hâte dans des écoles, des hangars, des églises ou des stades de la province de Cibitoke, frontalière du Sud-Kivu.

En mars, les autorités burundaises et le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) ont procédé à la réinstallation des réfugiés vers le site de Musenyi, un site officiel inauguré en 2024 dans le Sud-Est du pays, destiné à offrir des installations et des services de base pour un maximum de 10.000 réfugiés.

Malheureusement, la capacité du site a rapidement été dépassée : d’après le HCR, quelque 18.000 réfugiés vivaient sur le site de Musenyi fin avril. Sans surprise, les conditions de vie sont rapidement devenues insoutenables, faisant courir des risques sanitaires aux résidents.
“Je vis dans un hangar depuis mon arrivée car il n’y a pas assez d’abris pour tout le monde”, témoigne Nathalie*, une réfugiée arrivée en février dans le camp après avoir fui les combats en RDC. “Des bâches sont données en priorité aux familles nombreuses pour faire des abris. Mais moi, je vis ici et nous dormons dans ce hangar, sans matelas. Avec les crapauds et l’humidité partout. Nous nous sentons délaissés.”

Erigé sur un sol argileux peu perméable, le site de Musenyi est particulièrement vulnérable aux inondations en période de pluies. Or, en cette fin avril, la saison des pluies a débuté et, bien que des caniveaux aient été creusés, les eaux stagnent à de nombreux endroits du site. Partout, les résidents tentent, avec les moyens du bord, de protéger leur abri et les toilettes du site pour éviter que les eaux souillées se déversent dans les ruelles.

Mégaphone à la main, l’agent de relais communautaire de MSF fait le tour du site de réfugiés de Musenyi pour encourager les parents à faire vacciner leurs enfants contre la rougeole

“Il y a urgence à améliorer les conditions de vie dans ce site, car tous les éléments sont réunis pour de sérieux problèmes de santé”, prévient Barbara Turchet, coordinatrice des urgences de MSF au Burundi. “Vu les conditions d’hygiène, nous avons notamment commencé à mettre sur pied, de façon préventive, des unités d’isolement si le choléra venait à se déclarer. Et pour réduire les risques de paludisme, aggravés par la quantité d’eaux stagnantes partout, nous avons distribué plus de 8000 moustiquaires imprégnées et prévoyons une pulvérisation anti-moustiques à longue durée dans le site.”

Vu la concentration d’enfants dans le site, MSF a également appuyé les autorités sanitaires dans l’organisation d’une campagne de vaccination contre la rougeole, plusieurs cas ayant été confirmés parmi les réfugiés.

“Nous avons mis sur pied quatre points de vaccination », poursuit Barbara Turchet. « Cela nous a permis de vacciner 8500 enfants, et nous avons pris en charge ceux qui avaient contracté la maladie. C’est déjà ça, mais il faut davantage de mobilisation pour améliorer le sort des réfugiés et protéger leur santé.”

Les services essentiels débordés et victimes de coupes budgétaires

8500 enfants réfugiés âgés de 6 mois à 14 ans, ont été vaccinés contre la rougeole et la rubéole dans le site de Musenyi

Si certaines organisations sont présentes sur le site pour offrir des soins aux réfugiés, la demande dépasse de loin l’offre et bien des résidents déplorent un accès trop limité aux soins médicaux sur le site.

“Ici, les réfugiés qui vivent avec le VIH n’ont pas accès aux traitements antirétroviraux”, s’inquiète Henri* un réfugié originaire du Sud-Kivu. “Quand nous étions à Rugombo, dans la province de Cibitoke, il y avait un suivi médical et des traitements. Mais ici, les structures de santé ne proposent pas ce type de prise en charge.”

Il faut dire que dans un environnement international marqué par une chute brutale des financements humanitaires, les organisations qui dépendent des fonds publics peinent désormais à assurer un niveau suffisant de soutien à Musenyi. Dans le camp, plusieurs agences humanitaires n’arrivent pas, par exemple, à assurer un suivi médical suffisant des patients dans les cliniques qu’elles appuient. L’assistance vitale fournie par les organisations internationales peine à être maintenue à des niveaux suffisants, à l’image des distributions alimentaires, clairement insuffisantes et aggravant encore la vulnérabilité des familles. L’ONU estime que 76 millions de dollars sont requis pour répondre aux besoins humanitaires en faveur des réfugiés congolais au Burundi.

« La gravité de la situation est réelle et appelle à plus d’attention et de soutien », alerte la coordinatrice des urgences de MSF au Burundi. « A notre niveau, nous faisons le maximum et avons élargi notre appui pour fournir une prise en charge médicale aux victimes des violences sexuelles et offrir un accompagnement psychosocial aux réfugiés souffrant des troubles liées à la santé mentale. Mais il y a des besoins partout… »
* les noms ont été changés par mesure de confidentialité

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