Jeudi 03 octobre 2024

Économie

Burundi Airlines : la saga de l’avion MA60 et des millions gaspillés

Burundi Airlines : la saga de l’avion MA60 et des millions gaspillés
Le MA60 burundais immobilisé depuis 12 ans sans jamais avoir volé.

Depuis 2012, un avion MA60 de Burundi Airlines reste inutilisé, un autre est stationné à Madrid en Espagne, malgré les 500 millions de francs burundais alloués chaque année à son entretien. Cette situation a soulevé de nombreuses questions parmi les députés burundais, particulièrement sur l’efficacité de cette dépense et le sort des autres avions promis par le gouvernement chinois.

Le premier avion en question, le MA60, a été livré au Burundi par le gouvernement chinois le 28 juin 2012, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du pays. D’une valeur estimée entre 17 et 20 millions de dollars américains en 2012, cet appareil représentait un don du gouvernement chinois au Burundi.

Une polémique est née avec ce don, car il était supposé être lié à un accord d’achat d’autres appareils du même genre par le gouvernement burundais. Comme l’avait affirmé Emmanuel Hakizimana, le patron d’Air Burundi à l’époque, « il n’y a pas de don sans crédit, et il n’y a pas de crédit sans don ».

L’autre avion est le jet présidentiel Gulfstream IV, arrivé le 15 décembre 2016 à Bujumbura, dont la mission était d’être utilisé lors des voyages du Président. Selon Arnaud Poisson, président d’Antaris Aviation, qui a remis ce jet présidentiel aux autorités burundaises, l’avion était en « super état », car il était arrivé des États-Unis « sans aucun problème technique », avant d’ajouter que cet avion était « un outil de travail très important pour le Président de la République ».

Gulfstream IV, l’avion qui coûte des centaines de millions, mais qui reste cloué au sol.

« Chaque année, nous votons un budget de 500 millions de francs burundais (FBU) pour l’entretien d’un avion. J’aimerais poser la question au ministre pour savoir où se trouve actuellement cet avion, car nous avons entendu dire qu’il pourrait être en Espagne », a interrogé le député Pamphile Malayika, élu dans la circonscription de Muyinga.

C’était lors de la session parlementaire du 5 septembre. Les députés ont demandé des explications concernant cet avion qui, malgré ces dépenses, n’a toujours pas pris son envol. La ministre du Commerce, Marie-Chantal Nijimbere, a tenté de répondre aux préoccupations en indiquant que cette somme inclut les frais de stationnement « parking » et l’entretien de l’avion, soulignant également que l’avion connaît plusieurs problèmes techniques sans entrer dans les détails.

« Le gouvernement burundais a envoyé une commission pour vérifier l’état de cet avion. La commission a indiqué les moyens nécessaires pour le réparer, mais nous devons continuer à payer les frais d’entretien et de stationnement », a-t-elle expliqué.

L’autre question concerne les avions que le gouvernement chinois avait offerts à l’État burundais. « Il y a des avions que la Chine nous a offerts. Où sont ces avions ? Sont-ils opérationnels ou non ? », a demandé un député.

Pour répondre à cette question, la ministre a d’abord expliqué le cas des problèmes techniques de l’avion MA60, offert par la Chine en 2012. Le défaut majeur mis en avant par la ministre concerne les masques à oxygène, qui ne seraient pas présents à toutes les places des passagers. « Après son arrivée, nous avons constaté que l’avion présentait des problèmes techniques, notamment l’absence de masques à oxygène à certaines places », a-t-elle expliqué.

Selon la ministre, le gouvernement burundais a signalé ces anomalies au fournisseur et des discussions sont en cours pour déterminer si l’avion doit être renvoyé en Chine pour réparations.
« Le gouvernement burundais a déjà signalé le problème au fabricant ; nous attendons de savoir si l’avion doit être renvoyé dans l’usine où il a été fabriqué pour corriger ces défauts », a-t-elle ajouté.

Malgré les explications fournies par la ministre Nijimbere, les députés demeuraient sceptiques quant à la gravité des défauts évoqués. Le président de l’Assemblée nationale, Gélase Ndabirabe, a exprimé son doute concernant la justification des problèmes des masques comme principale cause de l’immobilisation de l’avion. « Nous ne croyons pas que l’absence de masques à oxygène soit la seule cause qui empêche l’avion de voler. En cas d’accident, peu de passagers prennent ces masques à cause de la panique », a-t-il déclaré.

En effet, selon les termes du contrat, le Burundi devait acheter deux autres appareils du même type que le MA60. Cependant, la ministre du Commerce a indiqué que cet achat serait effectué uniquement lorsque le premier appareil aurait prouvé sa capacité à voler.

« Le gouvernement burundais n’achètera les deux autres avions que lorsque le premier appareil offert en don aura démontré qu’il peut voler », a-t-elle souligné.

Chez Burundi Airlines, les informations sur l’avion MA60 ne sont divulguées qu’aux personnes directement impliquées et concernées. « Je ne peux pas aller au-delà de ce qu’a dit la ministre du Commerce, elle est ma supérieure, je ne peux pas contredire ce qu’elle a dit. Pour des informations claires sur ce sujet, il faut lui écrire une lettre, elle va te répondre », a précisé Appolinaire Niyonzima, administrateur directeur général de Burundi Airlines.

Pourquoi stationner à Madrid plutôt qu’à Bujumbura ?

Le président du parti Alliance nationale pour la démocratie (AND), Gaspard Kobako, a exprimé son scepticisme face aux explications fournies par la ministre du Commerce concernant ces avions.

Pour Gaspard Kobako, cette situation est incompréhensible. « De quel entretien s’agirait-il pour un avion cloué au sol pendant des années dans un pays étranger, à Madrid, en Espagne, comme s’il n’avait pas de parking à l’aéroport international Melchior Ndadaye ? », s’interroge-t-il.

Le président de l’AND remet en cause les explications de la ministre concernant les problèmes techniques de MA60, notamment l’absence de certains équipements comme les masques à oxygène pour les passagers. « Le président de l’Assemblée nationale a bel et bien dit que si c’est par manque de quelques équipements, comme ceux utilisés par les hôtesses de l’air, qui ne les utilisent même pas de temps en temps, ce n’étaient vraiment pas des explications plausibles à fournir », a souligné Kobako. Pour lui, il ne s’agit pas d’un problème d’entretien, mais plutôt de matériel à fournir.

« Aurions-nous reçu un cadeau empoisonné de la République populaire de Chine ? », s’interroge-t-il.

Le président de l’AND émet de sérieux doutes sur Gulfstream IV : « Même la caravelle Musongati, qui était un vieux cadeau de la France, ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale, a volé pendant une courte période ». Selon lui, cet avion en entretien qui n’a jamais volé ressemble à un canular destiné à justifier des dépenses injustifiées, voire à un détournement de fonds.

Le MA60 est un modèle d’avion, fabriqué par Xi’an Aircraft Industrial Corporation en Chine. C’est un turbopropulseur régional capable de transporter 56 passagers. Il est principalement utilisé pour les vols intérieurs en Chine et dans d’autres pays africains, tels que le Congo-Brazzaville, le Zimbabwe, le Cameroun et la Zambie. En Afrique, le MA60 sert notamment dans l’aviation civile et militaire.

L’avion Gulfstream IV a été offert au Burundi en décembre 2016 comme jet présidentiel. Ce type d’appareil est un avion d’affaires haut de gamme fabriqué par la société Gulfstream Aerospace, réputé pour ses performances et son luxe. L’objectif principal de ce jet était de faciliter les déplacements du Président burundais lors de ses voyages officiels. Il venait pour jouer le rôle du Falcon 50 vendu en 2007.

Forum des lecteurs d'Iwacu

20 réactions
  1. Gikona

    En 2005, le pouvoir DD a promis un aéroport international moderne à Gitega.
    Nous n’en avons vu qu’à Nyamata.
    Leta Mvyeyi et Nkozi n’en parle plus.

    • Mafuti

      L aeroport moderne de Bugendana sera là en 2040/2060.
      Il sera plus beau que celui de Nyamata.
      Il faut pas médire Gikona.
      😂😂😂
      L avion sera aussi réparé.
      Songs mbere

    • Gaswi

      Cela est inscrit dans la vision 40/60.
      We are still in 2024.
      Don’t hurry up Gikona.
      The airport will be the best in the whole Africa (Je paraphrase Trump)

  2. il y a des raisons pour que le Burundi reste plus pauvre

  3. Barekebavuge

    Encore une fois, les bihangange qui nous dirigent, quel intérêt ont ils de montrer une façade abominable de notre chère patrie?
    Mwomureka Dr Sahabo akivuza, mwoba mubaye iki?
    Pourquoi devez vous toujours donner au Burundi l’image d’une république bananière?
    Même Idi Amini ou Bokassa ne s’abaissaissaient pas à ce niveau ignominieux.!!!

  4. Jean de man

    Si les Burundais contituent a voter le CNDD ca serait comme un suicide . Ils ont des politiciens incompetents , immature et incapable de diriger le pays . C’est un fait . Ils ont eu 15 ans pour prouver ca au pouvoir. Personne n’a de compte a rendre , ils font ce qu’ils veulent sans consequence .

    • Georges

      @Jean de man,

      Qu’on vote pour eux ou pas, cela ne changera rien puisque les résultats des élections sont fabriqués/truqués/connus d’avance comme chez nos voisins. La seule différence est que chez les autres, on truque les élections mais en même temps on bosse, on développe le pays.

      • Jean de dieu Nindagiye

        Nivyo kabisa , vaut mieux une dictature positive qu’une democratie merdique sans un impact positif sur l’economie du pays .

        • Jean

          @Jean de dieu Nindagiye
          Le problème c’est que le Burundi n’a ni l’un ni l’autre,mais plutôt la pire combinaison de ces deux systèmes.
          Le Burundi a une dictature m… (censuré).

      • kabingo dora

        Il semblerait même que les résultats des prochaines élections législatives de 2025 sont quelque part dans un tiroir ? Et savez vous qui est le vainqueur ? Le CNDD-FDD .
        A quoi servent les élections au Burundi et en Afrique ?

  5. Mutindi

    L’ article a le mérite de montrer l’ineptie et la corruption ya Leta Nkozi et Mvyeyi.
    Izo ndege barazikoramwo imbabura puisqu’ils ne peuvent pas voler.
    Faut il être un génie pour trouver une solution si simple?
    Puisque Leta Mvyeyi est incapable d’acheter ses propres avions, qu’on marche à pied.

  6. jereve

    Nous avons vendu un avion – le Falcon 50 – qui était en bon état, bien entretenu par un concessionnaire suisse, et qui volait sans aucun souci. Paraît-il qu’il a été vendu ou plutôt bradé à un prix bien en dessous de sa valeur marchande (je ne souhaite pas exagérer en disant vil prix). Donc on l’a vendu pour le remplacer par deux avions qui ne volent pas et de plus deviennent des gouffres financiers quant aux frais de parking.
    Il y a de quoi se poser des questions sur la capacité d’analyse et de discernement des personnes impliquées dans ces transactions. Bon, même les plus intelligents peuvent se faire avoir, mais laisser pourrir la situation et continuer à perdre de l’argent de cette façon, cela dépasse tout entendement.

    • hakizimana jean Pierre

      @Jereve,

      Woaaw était tout ce que pouvais dire après avoir lu cet article! J’inviterai Iwacu, surtout Mr Kaburahe qui n’est plus au Burundi, donc avec plus d’access aux informations, de voir cet affaire d’un avion garé en Espagne. Il y a du fumé quelque part. Merci pour le papier mais il se lit comme un article pour donner envie d’en savoir plus.

      Quand aux avions chinois donnés au gouvernement Burundais sous CNDD-FDD, une bande de gens qui excellent en désorganisations, je leur souhaite bonne chance. Je ne sais pas qui monterai sur un avion géré par de tel gens.

  7. Merci de ces informations relatives au don et autres visions du pays face à la facilitation du transport aerien.

  8. Boya

    S’il s’avère que l’avion aurait été vendu,Qui assumera les dépenses allouées pendant ces 12 années?Est-il possible de demander des explications au gouvernement chinois et le constructeur de l’avion?Et si le détournement est établi,Quelle sera la sanction car ces frais alloués font partie du budget de la présidence?

  9. Soliste

    Immobilisé depuis 12 ans à cause de l’absence des masques à oxygène?? Ils prennent franchement les burundais pour des cons! Cela a déjà côté 6 milliards de FBU et ce n’est paf fini!!

  10. Charles

    Pourquoi ne le vend-on pas tout simplement ?

    • Stan Siyomana

      @Charles
      Peut-etre que l’on ne pourrait pas trouver quelqu’un qui va s’encombrer d’un Xi’an MA60 qui est un vrai corbillard volant.
      « Of the 57 MA60s exported by January 2016, at least 26 were in storage after safety concerns, maintenance problems or performance issues; six others were damaged beyond repair.[34]… »
      https://en.wikipedia.org/wiki/Xi%27an_MA60

      • great

        ndakunda ingene ugira research

        • Stan Siyonana

          @great
          Urakoze cane.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Le secteur de l’éducation peine à attirer

Le Burundi fait face à un sérieux manque d’enseignants. « Le ministère de l’Education a reçu l’autorisation d’engager 630 nouveaux enseignants, soit 5 par commune, sur les 12 000 demandés au gouvernement », a précisé le ministre lors des questions orales au Sénat, (…)

Online Users

Total 3 368 users online