La pénurie récurrente d’eau dans la ville de Bujumbura bouleverse le quotidien des habitants. Santé menacée, dépenses accrues, conditions de vie dégradées… les conséquences sont lourdes et persistantes.
« L’eau se fait de plus en plus rare. C’est difficile de vivre dans ces conditions. Tu rentres du travail déjà fatigué et, au lieu de te reposer, tu dois repartir à la recherche de l’eau. C’est stressant », déplore un habitant du quartier Cibitoke.
Dans plusieurs quartiers de la ville de Bujumbura, la population est contrainte de s’adapter à cette réalité. Elle subit de nombreuses conséquences liées à ce manque criant d’eau potable : charges supplémentaires, contraintes sanitaires et perturbations du quotidien. Une situation persistante qui pèse lourdement sur la vie des citadins.
À Cibitoke par exemple, personne n’est épargné. Au-delà du stress permanent lié à la quête d’eau, cette rareté affecte aussi la vie professionnelle de nombreux résidents. « Le matin, on perd du temps à chercher de l’eau pour se laver. Ce qui provoque souvent des retards au travail. », témoigne une habitante. Ils redoutent aussi les maladies dues au manque d’hygiène.
Bien plus, le déficit en eau compromet les conditions sanitaires des foyers. « À chaque fois qu’il n’y a pas d’hygiène, les maladies se multiplient. Chez nous, nous avons des toilettes à siège. Nous avons cessé de les utiliser car elles demandent beaucoup d’eau que nous n’avons plus », confie un habitant du quartier Kanyosha, au sud de Bujumbura.
Des dépenses additionnelles
La pénurie d’eau engendre des frais supplémentaires considérables tant pour les ménages que pour les établissements tels que les restaurants et les hôtels. Contraints d’acheter de l’eau à prix fort pour satisfaire leurs besoins quotidiens, beaucoup voient leurs budgets sérieusement grevés.
Les habitants de plusieurs quartiers doivent puiser dans leurs faibles ressources pour s’approvisionner. « La vie est devenue très chère. Trouver de l’argent pour acheter un bidon d’eau chaque jour n’est pas chose aisée. Un bidon de 20 l coûte 500 FBu et ne suffit même pas quand on a une grande famille », se plaint un habitant de Kanyosha. Selon lui, les familles doivent effectuer des dépenses supplémentaires d’autant plus que beaucoup se méfient aujourd’hui de l’eau des robinets. « L’eau à boire, nous l’achetons déjà dans les boutiques. Ce qui désorganise les finances. On se retrouve à devoir acheter à la fois de la nourriture, de l’eau potable et de l’eau pour la cuisson. »
Les tenanciers de restaurants, eux aussi, doivent faire face à des charges imprévues, souvent élevées, pour maintenir leurs activités. « Dans mon restaurant, l’eau ne vient qu’une fois par mois. On est alors obligé d’engager des gens pour aller en chercher. Imaginez ! Un bidon de 20 l coûte 1 500 FBu, et il en faut beaucoup pour couvrir les besoins quotidiens. C’est extrêmement cher et, au final, on travaille à perte », confie I.V., gérant d’un restaurant situé dans la zone Kamenge.
Cette situation critique touche également les hôtels, comme l’explique le gestionnaire d’un établissement dans le quartier Gisyo. « Dans un hôtel, l’eau est indispensable pour les sanitaires et pour laver le linge utilisé dans les chambres. Ces nécessités engendrent des dépenses élevées et parfois, faute d’eau, nous sommes contraints de fermer certaines chambres. »
Selon Etienne Ndikuriyo, responsable des relations publiques et des partenariats à la Croix-Rouge du Burundi, en tant qu’auxiliaire des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire, son organisation est bien consciente de la pénurie d’eau dans certains quartiers de Bujumbura.
« Nous avons installé 15 bladders de 5 à 10 mille litres (réservoirs flexibles qui résistent au soleil conçus pour stocker l’eau) à travers différentes zones de Bujumbura (Kinama, Kamenge, Gihosha, Cibitoke, Buterere, Kanyosha et Kinindo) afin d’approvisionner la population en eau potable. »
Il précise que la Croix-Rouge collabore avec la protection civile pour alimenter ces bladders contenant de l’eau propre. Il assure également qu’ils poursuivront leurs interventions pour répondre aux besoins urgents des habitants.
« Nous disposons de trois camions-citernes d’une capacité respective de 10 mille, 20 mille et 30 mille litres. Nous continuerons ce travail aussi longtemps que les moyens pour l’achat de carburant seront disponibles. »
Des infrastructures obsolètes et une ville en expansion

« Lorsqu’il y a une panne et que l’administration locale tarde à la signaler à la Regideso, notre intervention retarde. Ce qui aggrave la situation. La Regideso ne peut pas déployer un agent pour vérifier chaque robinet dans toute la ville de Bujumbura », explique Ir. Lieutenant-Colonel Jean Albert Manigomba, directeur général de la Regideso.
Un autre facteur déclencheur de cette pénurie, selon lui, est que 95 % de la production d’eau consommée provient d’un projet lancé en 1985, soit il y a 40 ans. L’eau est puisée dans le lac Tanganyika. À l’époque, cette production visait à couvrir uniquement la population de Bujumbura jusqu’en 2005.
« Aujourd’hui, nous sommes en 2025 et la population de la province de Bujumbura a massivement augmenté depuis. Cependant, il y a des projets en cours pour compenser ce déficit bien que ce ne soit pas le seul défi. » Il ajoute que le fait que les nouveaux quartiers ne soient pas encore viabilisés empêche le raccordement à l’eau potable. Il fait savoir qu’il est extrêmement difficile de planifier le dimensionnement des conduites d’eau en l’absence de caniveaux et de routes. « C’est pour cette raison que des quartiers comme Rubirizi ne disposent pas d’eau potable. »
Il annonce qu’un grand projet est en cours d’étude, avec l’appui de la Banque mondiale, pour résoudre définitivement la problématique de l’eau. Le coût est estimé à environ 100 millions de dollars. « Plus de 80 % des fonds nécessaires sont déjà mobilisés et le projet devrait démarrer avant la fin de cette année », assure-t-il. Il évoque également un autre projet qui sera mis en œuvre à Tenga dans les prochains jours en partenariat avec Amazi Water.
En attendant, il avertit la population burundaise face à la saison sèche précisant que les réserves d’eau diminuent en cette période.
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