Jeudi 25 avril 2024

Politique

ANALYSE/ Clap de fin

09/09/2022 16
ANALYSE/ Clap de fin

C’était une mauvaise pièce de théâtre et les Burundais attendaient le clap de fin. C’est fait. Retour sur des mois fiévreux au sommet de l’Etat.

Il n’y avait plus l’ombre d’un doute, le chef de l’Etat était inquiet et le disait : il était en danger. Le Président est allé jusqu’à évoquer « un coup de force » pour le renverser.
Puis, il a fait part aux Burundais et au monde de sa détermination. Il s’est dit prêt à faire face et, au besoin, à se battre pour sauver la République et l’économie du pays pris en otage. Il a d’ailleurs rappelé son statut de militaire et son grade de général qui n’a pas peur du combat.

Comme des SOS lancés, l’étalage de ses états d’âme ne trompait plus sur les causes de ses tourments, de son courroux. Au fil des jours, ses allusions, ses insinuations à peine voilées, étaient de plus en plus claires. Certains dirigeants au plus haut niveau (indongozi) ne lui inspiraient plus confiance et constituaient de véritables menaces contre lui. Un bicéphalisme au sommet de l’Etat. « Inacceptable. Intenable. Je dis stop ».

Chaque sortie médiatique du chef de l’Exécutif est devenue une sorte de prétoire pour avertir, prendre à témoin la société burundaise et la Communauté internationale en exposant les manœuvres, ou les intentions de ce ’’leader imbu de lui-même, ce fervent lecteur de la Bible, mais aux antipodes de l’humilité, l’homme gâté par la République, qui avait tout mais restait insatiable’’.

Puis, il a dit que « les masques étaient tombés », il avait déjà identifié celui -là, le traître, le « Maconco ». Le nom de ce prince est le symbole de la félonie et de la cupidité dans l’histoire du Burundi.
Le président de la République a raconté la fin tragique de ce personnage historique insatiable, gendre du roi, prince, tombé en disgrâce pour une histoire de chien, ’’Mushuzo ’’. Un excellent chien de chasse du roi Mwezi que le prince finira par voler. La ’’ligne rouge’’ était dépassée. Le roi Mwezi lèvera son armée pour mater le traître.

Tout était dit à travers cette métaphore : un coup d’Etat rampant, un ’’putschiste’’ identifié et son plan connu. Ce qui devait arriver est arrivé. On connaît la suite…

Epilogue ?

Dans l’opinion, et surtout sur les réseaux sociaux, la population commençait à s’habituer aux avertissements, aux mises en garde, aux ultimatums, aux déclarations de guerre contre la corruption notamment. Les gens commençaient à se lasser parce que la situation ne semblait pas bouger.
C’est du ’’bluff’’ disaient de nombreux Burundais, « les loups ne se mangent pas entre eux », renchérissaient les plus pessimistes… Avec ce limogeage, le Président semble vouloir tourner une page.

Ainsi, il a annoncé qu’il va casser quelques monopoles dans le commerce à l’origine de certaines pénuries qui paralysent l’économie. Il a cité notamment le commerce du carburant utilisé comme une ’’arme de pression’’ ou encore la distribution des engrais chimiques.

Comme du temps de la « guerre froide », pendant plusieurs mois, nous avons vu deux blocs s’épier, se jauger. Les Burundais, prudents, inquiets, attendaient l’issue de ce combat des chefs.

Un fait qui ne trompe pas et qui en dit long sur la profondeur du conflit : les limogeages ou les mutations en cascade au sein des Forces de défense et de sécurité dans la foulée de la nomination du Lieutenant général de Police Gervais Ndirakobuca au poste de Premier ministre en remplacement au Général de Police Alain Guillaume Bunyoni.

Comme s’il fallait casser un dispositif patiemment construit pour mettre un autre plus rassurant, acquis. « Game is over’ ». Une des parties semble avoir perdu la manche.

Dans tout cela, c’est le Burundi qui a perdu. Le petit peuple n’a pas besoin de combats de chefs. Mais de dirigeants épris de développement pour un essor économique. Pour ceux qui aiment la guerre, il y a la télé. Enfin, ceux qui ont l’électricité et la télé…

Forum des lecteurs d'Iwacu

16 réactions
  1. Michel

    Moi j’aurais aimé voir notre cher Président oser comme le Président angolais pour exiger le retour des biens volés au pays et à sa population. En bref, instaurer une dynamique nouvelle dans le système au pouvoir et dans le pays dans l’ensemble.

  2. Biyago

    C’est triste la fin de cet article!  » Dans tout cela, c’est le Burundi qui a perdu. Le petit peuple n’a pas besoin de combats de chefs. Mais de dirigeants épris de développement pour un essor économique. »
    None pour avoir des dirigeants épris de développement comment ça se passe? C’est quoi le premier pas? Par où est ce qu’on commence?
    N’est ce pas en se débarrassant des dirigeants qui font obstacle? Dans le but faire et refaire les choses autrement?
    C’est triste la fin de cet article! Vous écrivez un article et vous concluez que ce qui a été fait ne sert à rien au fait …
    Ingorane ziri mu gihugu ni injojo n’amajana, mudashikiye le peu d’effort qui est fait, akazi kanyu kakaba kwerekana ko ivyakozwe ataco bimaze none muzoba muriko mushigikira impinduka gute?

    • Yan

      « None pour avoir des dirigeants épris de développement comment ça se passe? »

      Pour avoir les dirigeants épris du développement? C’est par hasard. Et je crois que ce hasard a oublié le Burundi depuis 1992. Le Burundi attend encore un dirigeant qui tient au bien-être de tous les citoyens sans aucune exclusion (éthnique, régionale, sociale, etc.), et qui soit capable d’impulser la recherche de ce bien-être.

  3. Mafero

    Vive « LETA MVYEYI » bakama bakanunuza mugabo ntibure ngo itere imigere.

  4. Francis Gihugu

    Pour nous qualifier, le rédacteur dit que nous sommes pessimistes mais je pense que nous sommes plus réalistes. Je ne sais pas si le problème Burundais, le mal qui a atteint le rubicon en 2015 se limite au limogeage d’un dignitaire. Nous attendons ici la justice et la réparation des milliers de personnes tuées, torturées, chassées de leurs biens, des exilés, des radios indépendantes incendiées, de la société civile chassée complètement du paysage Burundais, des détournements des biens publics,du retour des accords d’Arusha, … des personnalités sinistres primées alors qu’elles sont citées dans des nombreux rapports des indépendants, de l’organisation indépendante des élections, de la CVR indépendante, Oui, pour ne pas être trop négatif, je reconnais que c’est un pas dans un système aussi miné. Cependant, je note que les Burundais sont fatigués de manière à abandonner toute la morale et le combat pour un véritable Etat de droit parce que tout ce qui compte aujourd’hui est d’applaudir la moindre goûte d’eau qui tombe dans une gigantesque incendie. Les Burundais devraient rester débout pour exiger un Burundi de paix et de miel

  5. Gatarina

    Battre Maconco pour se retrouver en face de Kirima comme disait quelqu’un, Mwezi n’est pas au bout de ses peines. Ndakugarika, éternel second jusqu’à il y a peu, n’a certes pas été souvent cité dans les malversations. Mais la gouvernance ce n’est pas que l’économie seulement. L’homme vient dans le peloton de tête en ce qui concerne la brutalité policière, les meurtres et autres crimes. La brutalité a toujours caractérisé ses décisions depuis qu’il est ministre; aucune mesure transitoire et encore moins de mitigation. Pensez aux impacts psychosociaux des personnes touchées.
    Oui, le départ de Bunyoni sonne peut-être la fin de la mafia. Mais c’est pour instaurer la terreur on n’est pas sorti du bois ndakurahiye.

  6. Kimeneke

    turasavye sebarudi adufatire ubutunzi batwivye ahereye kuri bunyoni ,tibia na Domitien wa finances turatabaje

  7. Jereve

    J’espère que les nouveaux dignitaires vont officiellement déclarer leurs biens, conformément à la constitution. Puisque le Président amorce une nouvelle direction, il est important de respecter cette consigne pour mettre fin aux envies trop gourmandes de s’enrichir à tout prix, aux dépens du peuple. Quant à ceux qui ont été limogés, je ne sais pas s’ils ont déclaré leurs biens à l’entrée de leur fonction, mais il est aussi important de se pencher sur leur cas pour éventuellement leur demander de restituer ce à quoi ils n’avaient pas droit. C’est maintenant ou jamais le moment de remettre les compteurs à zéro; la main du Président ne doit pas trembler.

  8. Didier BUKURU

    Oui, Abbas, il y a ce duel au sommet qui a abouti à ce récent changement. Mais le malaise ne se limitait pas uniquement à ce niveau, n’est-ce pas ? Pour dire que le bout du tunnel n’est pas visiblement si proche qu’il n’y paraît. A mon humble avis.

  9. Shavura

    le ministre sortant de l’agriculture s »approprie des hectares des terres à Kayanza pour les pommes de terre, utilise une quantité énorme de fumier, empoche des millions par saison hanyuma akavuga ngo umwimbu muBurundi bwose ni sawa sawa ! abanyaKayanza turashavuye

  10. Escobar

    le ministre sortant des Finances devrait montrer la provenance de ses maisons à Kinyami , hôtel luxueux de Ngozi, maisons à Bujumbura etc. Il passe un petit temps à l’université de Ngozi, puis un temps à l »OBR puis ministre des Finances aca arayora amafaranga yacu !!! Turashavuye twebwe benegihugu !

  11. Bob

    et les millions, milliards envolés …? C’est du limogeage bidon tant que les corrompus n’ont pas rendu … Aujourd’hui, ils deviennent milliardaires dans le civil … le beau cadeau …

  12. Tekereza John Illusions

    Le problème c’est pas le Premier Ministre c’est plutôt tout le système DD , ne vous faites pas d’illusions cher Burundais, ingorane ni zazindi nyene

  13. Ntakirutimana Pascal

    Ce changement qui vient de s’opérer n’a pour moi de grand-chose à signifier. Bien sûr que l’économie du pays était capturée par certains dignitaires nationaux. La question est de savoir si le limogeage de Bunyoni va engendrer la fin des flux financiers illicites opérés par presque tous les hauts fonctionnaires d’Etat? Allons-nous voir par exemple tous ceux qui détiennent des richesses acquises illicitement traduits en justice? WAIT AND SEE!

  14. Nsamirizi

    « Dans tout cela, c’est le Burundi qui a perdu. Le petit peuple n’a pas besoin de combats de chefs. Mais de dirigeants épris de développement pour un essor économique »
    Que vous avez raison !

  15. Barekebavuge

    Quid du role de la Justice. S il y a des manquements graves, la justice devrait faire son travail sans interference. On parle des pans d entier de business qui ne payaient pas de taxes ou impot, de biens mal acquis, bref d’infractions gravissimes.
    Il y aussi les 15 jours du Mpanda Gates. Maintenant Neva et son nouveau 1er ministre (n ont plus les mains liées) devraient agir et montrer que le Burundi ne doit pas rester le pays le plus corrompu au monde. A ce moment le payts et le petit peuple gagneront

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