Jeudi 31 juillet 2025

Société

Abandons scolaires à Karusi : Un phénomène préoccupant

30/07/2025 0
Abandons scolaires à Karusi : Un phénomène préoccupant
Des enfants quittent l’école pour aller travailler dans d’autres provinces

Malgré de bons résultats aux examens d’État, l’ancienne province de Karusi continue d’enregistrer des cas d’abandons scolaires. Pauvreté, traite des enfants et quête du gain rapide poussent de nombreux élèves à quitter le banc de l’école.

Même si des efforts sont consentis pour améliorer l’accès à l’éducation, le phénomène d’abandons scolaires persiste dans plusieurs écoles de l’ancienne province de Karusi. Selon Ferdinand Havyarimana, directeur provincial de l’Éducation, 6 792 enfants ont quitté l’école au cours de la première moitié de l’année scolaire 2024-2025.

Derrière ces départs prématurés, ce sont des situations socio-économiques précaires qui ressortent à travers les témoignages des enfants et des parents.

« Je n’ai que ma mère qui est souvent malade. Nous vivons dans une précarité totale. Cela m’a poussé à abandonner l’école. C’est dur de rentrer à la maison sans rien trouver à manger. », confie Richard Igiraneza, un enfant de 15 ans.

Comme lui, d’autres enfants évoquent la pauvreté comme principale cause de leurs abandons scolaires.
« J’ai arrêté l’école parce qu’à la maison, on vivait dans une grande précarité. Il m’arrivait souvent de passer toute la journée en classe et de rentrer sans rien trouver à manger. Petit à petit, j’ai perdu la motivation. J’ai décidé alors de chercher du travail pour essayer d’aider ma famille. », confie B.F un enfant de 13 ans.

Dans certains foyers, l’instabilité familiale pousse aussi les enfants à quitter le banc de l’école. « Mon mari gaspille tout ce qu’on récolte et il y a toujours des disputes à la maison. Un enfant ne peut pas continuer à étudier dans de telles conditions, surtout quand il lui manque le matériel ou même de quoi manger », confie une mère vivant dans la zone Buhinyuza
Certains parents reconnaissent aussi que tous les cas d’abandons ne s’expliquent pas uniquement par la pauvreté ou l’instabilité familiale. La paresse ou le manque de motivation jouent parfois un rôle.

« Malgré tous mes efforts pour qu’ils poursuivent leurs études, deux de mes trois enfants ont fini par abandonner. Ils avancent comme raison qu’ils veulent chercher de l’argent pour m’aider. Et pourtant, je faisais tout mon possible pour qu’ils ne manquent de rien. », confie une mère vivant dans le site Kigoma.

Une exploitation déguisée en opportunité

En outre, certaines zones de l’ancienne province de Karusi font face à un phénomène inquiétant avec des enfants qui quittent l’école pour aller travailler dans d’autres provinces ou même à l’étranger, notamment en Tanzanie. Ces départs s’expliquent par une triste réalité de trafic ou d’exploitation, souvent déguisées en « opportunités ».

« Un homme est venu nous proposer du travail à Bubanza. Sans trop hésiter, et face à la pauvreté qui régnait dans nos familles, mes amis et moi avons décidé de partir. », confie Richard Igiraneza.
Il ajoute qu’arrivés à Bubanza, ils n’ont jamais reçu leurs salaires, jusqu’ à ce qu’ils cherchent à retourner à la maison.
« La faim était constante. On nous donnait à peine 1 000 FBu pour le dîner. Pendant plusieurs mois, nous n’avons pas reçu nos salaires. Finalement, nous avons commencé à contacter nos parents pour qu’ils nous envoient de quoi payer le transport afin de rentrer chez nous. »

Le phénomène est aussi constaté par la Fédération nationale des Associations engagées dans le domaine de l’Enfance au Burundi (Fenadeb). Sylvane Niragira, représentante de cette organisation dans l’ancienne province de Karusi, explique qu’un groupe d’hommes, venu de Tanzanie ou d’autres provinces, approche des enfants en les attirant avec des promesses dans le but de les emmener travailler pour eux.
« La traite des enfants est un phénomène fréquent et préoccupant dans notre province. Certains hommes les emmènent souvent en Tanzanie où ils sont confrontés à des conditions de vie très difficiles. Il arrive même que certains reviennent blessés »

Elle fait savoir que la Fenadeb, avec le soutien de la Fondation Stamm, s’emploie à ramener ces enfants dans leurs familles et à les réinsérer dans le système scolaire, en répondant à leurs besoins essentiels. Elle ajoute que malgré ces interventions, le phénomène demeure préoccupant
« La plupart de ces enfants qui abandonnent viennent des familles vivant dans une grande précarité. Même après leur retour, certains finissent par repartir poussés par les mêmes difficultés économiques. »

Un encadrement parental parfois défaillant

Au-delà des causes économiques ou sociales souvent évoquées, certains acteurs pointent aussi la négligence parentale comme un autre facteur à l’origine des abandons scolaires.
« Il y a certains parents qui, par manque d’une véritable implication, ne remplissent pas pleinement leurs responsabilités d’accompagner et de soutenir leurs enfants dans leur parcours scolaire. Ce qui contribue parfois à des abandons scolaires. », fait savoir Ferdinand Havyarimana.

Goreth Benimana « Des sanctions sévères allant jusqu’à 25 ans de prison sont prévues par la loi pour punir ceux qui font la traite des enfants. »

Un constat partagé également par la conseillère juridique dans l’ancienne province de Karusi, Goreth Benimana. Elle estime que ce relâchement dans le suivi des enfants trouve parfois son origine dans l’instabilité qui mine certains foyers ainsi que la croissance démographique.
« Un enfant qui grandit dans un foyer constamment marqué par des conflits parentaux ne peut pas se concentrer à l’école. Et si la famille a dix enfants, il devient difficile de trouver de la nourriture pour tous. C ‘est ainsi que certains enfants abandonnent l’école poussés par la faim »
Concernant la traite des enfants, Mme Benimana reconnait l’ampleur du problème. Elle souligne que des sanctions sévères allant jusqu’à 25 ans de prison sont prévues par la loi pour punir ce genre de pratiques.

Elle lance un appel aux parents afin qu’ils renouent avec une éducation responsable et bienveillante de leurs enfants. Elle insiste sur l’importance de leur implication pour prévenir les abandons scolaires.

Aux enfants, elle recommande d’écouter les conseils de leurs parents et de prendre leurs études aux sérieux afin d’assurer leur avenir. Elle leur rappelle que ce sont eux les futurs cadres du pays.

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